Soutien
Un plan pour mieux surfer sur la vague des Ppam

La Région a décidé d'aider la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales à se développer. Un accompagnement bienvenu, notamment pour le projet initié sur la zone de Chatuzange-le-Goubet.
Un plan pour mieux surfer sur la vague des Ppam

Les besoins en plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) pour l'agroalimentaire, l'aromathérapie, la cosmétique, les compléments alimentaires... sont en pleine croissance dans le monde. Le marché est porteur et offre des opportunités de production. Aussi, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de soutenir le développement de la filière. Elle s'est appuyée sur la chambre d'agriculture de la Drôme - département leader en production de Ppam - pour bâtir un plan. Un plan signé le 1er juin sur le site du groupe familial Jamonet à Chatuzange-le-Goubet.

Le projet de la zone de Chatuzange

Devant la distillerie des Monts du matin. Dans la distillerie des Monts du matin.  

Il faut dire que Vincent Jamonet est l'agriculteur « pivot » d'un projet de production de Ppam sur ce secteur. La conjoncture céréalière devenant difficile, il s'est lancé dans la culture de lavandin et thym en 2015. Ses deux premières récoltes ont été distillées dans le Sud-Drôme mais c'était compliqué sur le plan technique et logistique. La progression de sa surface de Ppam et l'intérêt manifesté par d'autres agriculteurs du voisinage pour ces cultures l'ont amené à créer la distillerie des Monts du matin. Cet investissement, de 600 000 euros, a été aidé par la Région, le Département et l'Europe. Sans ces soutiens, ceux de la chambre d'agriculture, du Crieppam* (étude préalable) et du CerFrance, « je ne l'aurais pas fait, a confié Vincent Jamonet, le 1er juin dans la matinée. L'objectif est de créer une zone de production en local. Il n'est pas question d'aller démarcher des agriculteurs de secteurs déjà en place ». Il envisage un potentiel de 500 hectares plantés d'ici 2021 sur la zone. La distillerie est dimensionnée pour traiter une telle production.

 Vincent Jamonet et Julien Abisset,pendant l'échange sur le projet de développement de la production de plantes à parfum, aromatiques et médicinales sur la zone de Chatuzange-le-Goubet.

Etre réactif et proactif

 

400 à 500 hectares n'est pas un objectif démesuré, selon Julien Abisset, de la société belge Pranarom (acteur mondial en aromathérapie), qui achète une grande partie des huiles essentielles sortant de cette distillerie. « Nous avons la chance d'être dans une activité à forte croissance, a-t-il expliqué. Nos besoins sont importants. Nous sommes confiants pour l'avenir. L'idée, pour nous, c'est d'avoir un nouveau secteur de sourcing au nord de Valence, qui vienne compléter notre approvisionnement de plus au sud. Nous estimons que cette zone peut devenir un vrai bassin de production ». Et de noter, plus largement : « La région a des atouts à mettre en avant. Elle doit être réactive et proactive ».

Une source de diversification

Michel Clément, producteur de Ppam alimentant la distillerie des Monts de matin, et Alice Capron, productrice de plants sains pour le projet de la zone de Chatuzange-le-Goubet.
  

De l'autre côté de la chaîne, Alice Capron s'est lancée dans la production de plants sains de Ppam pour le projet du secteur de Chatuzange. Sans la famille Jamonet, l'appui technique « de qualité » apporté par la chambre d'agriculture et l'aide de la Région, elle ne se serait pas engagée dans cette aventure.
En Gaec avec son frère à Rochefort-Samson (80 hectares dont 20 irrigués et un élevage avicole), Michel Clément fait partie des agriculteurs alimentant la distillerie des Monts du matin. « Une opportunité », pour eux. Ils ont planté 15 hectares de Ppam en deux ans. « Je remercie la chambre d'agriculture d'avoir eu l'idée de demander à la Région un plan pour la filière », a-t-il dit. « C'est une source de diversification pour les exploitations », a commenté Claude Aurias, conseiller régional délégué à l'économie de proximité, qui a aussi qualifié de « locomotive » la distillerie des Monts du matin et souligné le rôle moteur de la chambre d'agriculture dans cette filière.

Des cultures « pointues »

Laurent Quadrio, responsable d'équipe à la chambre d'agriculture de la Drôme, et Tijlbert Vink, directeur de l'Herbier du Diois.

L'Herbier du Diois (9 millions de chiffre d'affaires contre 2 en 2004), lui, « profite de l'essor de la bio, a indiqué son directeur, Tijlbert Vink. S'il y a de la matière dans la qualité demandée, nous la vendons sans problème. ». Le souci de cette PME de Châtillon-en-Diois spécialisée dans l'herboristerie bio, c'est l'approvisionnement. « Pour assurer sa stabilité et pérennité », cette entreprise se fournit auprès d'une centaine d'agriculteurs français, même si le Diois et la Drôme sont « un vivier important » pour elle. Tijlbert Vink a mis l'accent sur le besoin, pour la production et la transformation, d'être soutenues afin de pouvoir répondre à la demande. Comme les autres intervenants, il a salué l'appui technique de la chambre d'agriculture car « les Ppam demandent beaucoup de technicité pour réussir ». Responsable d'équipe au sein de celle-ci, Laurent Quadrio, a appuyé : « Ce sont des cultures très pointues. Pour développer la filière, il faut chercher de nouveaux producteurs. L'appui technique est donc essentiel ».

Annie Laurie

* Crieppam : centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes
à parfum, aromatiques et médicinales.

 

Plan Ppam / Le plan Auvergne-Rhône-Alpes pour la filière des Ppam vise un développement de l'offre régionale en lien avec les entreprises.
1,2 million d'euros d'aides
Pendant les interventions précédant la signature du plan.
Le plan régional pour la filière Ppam soutient les investissements en matériel et l'appui technique des agriculteurs. Les entreprises (distilleries, transformateurs) peuvent prétendre aux aides agroalimentaires (investissement, conseil...). L'appui aux entreprises d'aval pour développer l'approvisionnement régional et le suivi économique de la filière (observatoire des marchés) peuvent aussi être subventionnés.
Pour ce plan, la Région a budgété 1,2 million en tout, soit une moyenne de 400 000 euros (250 000 pour l'investissement et 150 000 pour du fonctionnement) par an sur trois ans (2018-2020). « Nous avons mis, au départ, 560 000 euros au lieu de 400 000 car les demandes dépassent déjà le plafond de l'enveloppe, a précisé Claude Aurias, conseiller régional délégué à l'économie de proximité. On a ciblé au moins 60 % pour les investissements en matériel agricole, qui sont subventionnés à hauteur de 40 %. » Et le Département de la Drôme ajoute « une subvention de 30 % en plus pour ces investissements en matériel mais uniquement en zone de montagne », a signalé son vice-président en charge de l'agriculture, André Gilles.
Le plan régional aide, entre autres, les investissements en matériel agricole.
Un dispositif adapté aux attentes
« Ce plan correspond bien aux attentes de la filière, s'est réjoui Alain Aubanel, président de la fédération des producteurs de lavande et lavandin de la Drôme et de l'Ardèche ainsi que du CIHEF(1). La Drôme est toujours leader en Ppam. En France, on n'est pas concurrentiels sur les prix mais on a un savoir-faire, la qualité, la traçabilité. On avait besoin d'un coup de main. Le plan Ppam arrive au bon moment. »
Pour la présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, Anne-Claire Vial, « la filière Ppam est l'illustration de la complexité de l'agriculture française et de ce qu'elle a de mieux. Le citoyen veut de beaux paysages, de l'agritourisme, du local. Les Ppam y contribuent. Il ne veut plus du chimique. Les Ppam, par la distillation, lui fournissent des produits qui ne le sont pas. C'est aussi de l'emploi, de l'amont, de l'aval et un marché à l'international ». Et, pour donner de la visibilité à la filière, elle a fait deux propositions : que la parka rouge de Laurent Wauquiez devienne bleu lavande et que des Ppam soient installées dans le hall de l'Hôtel de Région.
« Il est important que ce plan prenne en compte l'ensemble de la filière », a noté Jean-Claude Darlet, le président de la chambre d'agriculture de l'Isère, qui représentait aussi la chambre régionale. Et d'ajouter : « Les Ppam ont de la place pour se développer dans la région ». Le président du CPPARM(2) et de la coopérative Plantes de pays (culture de plantes médicinales en Auvergne), Bernard Prévault, a prôné davantage de partage entre l'amont et l'aval pour pouvoir anticiper. « Si la filière veut continuer à avancer, a-t-il observé, il faut une offre adaptée à la demande et une vraie contractualisation. » Enfin, Emmanuelle Anthoine a salué le dynamisme de la filière et a dit son engagement auprès de l'agriculture en tant que députée et conseillère départementale de la Drôme.
A. L.
(1) CIHEF : comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises.
(2) CPPARM : comité des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, qui rassemble la plupart des organisations de producteurs de France.

 

Repères

Le plan régional Ppam correspond bien aux attentes de la filière, souligne la profession.
Auvergne-Rhône-Alpes : 1 000 producteurs et 8 000 hectares de Ppam (plus de 20 % de la surface française). 20 % en bio. 70 % de la surface en plantes à parfum (lavande, lavandin...), en Drôme principalement. Auvergne : culture de plantes médicinales et cueillette de plantes sauvages (arnica, gentiane...).
Drôme : 800 producteurs et 7 000 hectares (90 % de la surface régionale).