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Coopérative fruitière

Lorifruit : des signaux d'alerte mais des opportunités

Alors que Lorifruit fêtera en septembre ses soixante-dix ans d'existence, la coopérative de Loriol-sur-Drôme a connu une année 2018 compliquée, avec une perte de volumes importante. Malgré tout, la filière présente des perspectives plus sereines.
Lorifruit : des signaux d'alerte mais des opportunités

« C'est une saison globalement déficitaire dans notre panel de production que nous avons vécue, a indiqué Katia Sabatier Jeune, présidente de Lorifruit, lors de l'assemblée générale de la coopérative, à Loriol-sur-Drôme le 30 avril. Des épisodes comme celui de fin février avec des pointes jusqu'à moins 8°C sur des arbres en sève et certaines variétés en fleurs nous laissent vraiment désarmés. » L'ensemble des productions a été affecté par les aléas climatiques de 2018, entraînant une baisse des volumes de 27 % (6 117 tonnes livrées contre 8 391 en 2017). Les abricots (- 48 %) et les kiwis (- 43 %) ont été les plus touchés.
Malgré un chiffre d'affaires de plus de 8 millions d'euros, Katia Sabatier Jeune s'est voulue alarmiste : « Les attentes sociétales ont évolué et l'ensemble de la filière arboricole doit prendre conscience qu'on ne pourra plus produire comme on le faisait il y a vingt ans. Nous devons élever notre niveau d'exigence et nous adapter à ce virage stratégique ».

Montée en puissance des marchés européens

Une quarantaine d'adhérents et administrateurs a entendu les orientations à prendre pour répondre aux enjeux du marché.
© journal L'Agriculture Drômoise

La présidente a notamment rappelé la montée en puissance de l'européanisation des marchés : « Alors que la consommation française, en pêches et nectarines, s'élève à un peu plus de 300 000 tonnes, la production française est seulement de 200 000 tonnes, contre 1,1 million en Espagne et 1,2 million en Italie. Le challenge pour se différencier revient à répondre aux attentes des consommateurs, tant sur le plan qualitatif que sanitaire. « Nous avons l'obligation de nous distinguer par ces signes distinctifs que sont l'IFS, Globalgap et la haute valeur environnementale (HVE). » Lorifruit s'est par ailleurs engagée, en 2018, dans la démarche « zéro résidu de pesticides » au travers du collectif « Nouveaux champs », comme premier élément de différenciation commerciale en abricots.

Des cultures annuelles comme valeur ajoutée

Malgré les difficultés rencontrées, Lorifruit peut s'appuyer sur une compétence vieille de soixante-dix ans. De nouveaux projets, et notamment des cultures annuelles (en maraîchage) dans le cadre de recherche et développement, verront le jour en 2019. La coopérative fruitière mise également sur le développement de cultures pérennes, comme le kiwi jaune Dori, lancé en 2018. La première récolte effectuée courant septembre a permis de procéder aux premières mises en marché (une tonne commercialisée) et de découvrir le produit. « Ce sont des cultures prometteuses, à valeur ajoutée pour nos producteurs (2 €/kg payé au producteur). » Des orientations stratégiques sur lesquelles Katia Sabatier Jeune et son équipe travaillent pour maintenir un noyau d'arboriculteurs et plus particulièrement dans le canton de Loriol-sur-Drôme, comme l'a évoqué la présidente à l'issue de la réunion.

Amandine Priolet

Quel avenir pour les arbres fruitiers dans la Drôme ?

Frédéric Levrault, expert « agriculture et changement climatique » pour le réseau des chambres d'agriculture, lors de l'assemblée générale de Lorifruit.
© journal L'Agriculture Drômoise
Lors de l'assemblée générale de Lorifruit, Frédéric Levrault, expert « agriculture et changement climatique » pour le réseau des chambres d'agriculture, est intervenu afin de donner des perspectives au monde arboricole drômois, à l'heure où le sujet du changement climatique inquiète. Les chiffres fournis par l'intervenant ont suscité de vives réactions : le climat de la Terre se réchauffe et, depuis 1970 en France, on jauge un accroissement de la température à + 4 °C par siècle. En 2018, la température moyenne annuelle est de 14°C, soit un chiffre jamais atteint jusque-là. Les effets sur les arbres fruitiers sont considérables : chute de bourgeons, taux de floraison faible, irrégularité de production...
Les études menées par le Drias*/CNRM** 2014 donnent un regard à long terme sur l'avenir des cultures drômoises. A la fin du siècle (2071-2100), un phénomène de raréfaction des gelées est attendu avec seulement quatre jours de gel par an, contre 25 lors de la période 1976-2005. Les arbres fruitiers ayant des besoins en froid, il faudra s'attendre à une variabilité plus importante entre le premier gel et les gelées tardives. Même configuration pour les jours estivaux (température supérieure à 25 °C) qui devraient atteindre la barre des 120 entre 2071 et 2100, contre 65 lors de la période 1976-2005. Cela impactera alors les conditions thermiques de récolte. Dans cette configuration, comment aménager les productions pour continuer à vivre de ce métier d'arboriculteur avec le climat de demain ? Cette question mérite une large réflexion selon Frédéric Levrault : « Il est important de caractériser dès aujourd'hui les évolutions en cours et de comprendre d'ores et déjà ce qu'il se passe dans vos vergers mais également d'analyser les risques futurs ». Inquiets, les arboriculteurs présents ont également abordé le sujet des besoins en eau, une autre piste de réflexion dans un contexte de réchauffement climatique.
A. P.

* Drias : l'objet du projet Drias est la mise à disposition de scénarios climatiques régionalisés réalisés dans les laboratoires français de modélisation du climat.
** CNRM : centre national de recherches météorologiques.