A Montélimar, un site de protection pour les tortues abandonnées

L’association « Centre d’étude de tortues aquatiques et terrestres de Montélimar » aménage un terrain boisé dans l’optique de créer un refuge pour héberger les reptiles.

A Montélimar, un site de protection pour les tortues abandonnées
Le CETAT aménage un terrain boisé de 7 000 m² sur les hauteurs de Montélimar, dans l’optique d’en faire un refuge pour les tortues abandonnées ou saisies par les douanes.

Depuis plus de quarante ans, Jean-François Petit voue aux tortues une véritable admiration. « Comme beaucoup de monde dans les années 1980, j’ai acheté une tortue de Floride. En m’intéressant de plus près à ces animaux, j’ai découvert qu’il y avait plus de 300 espèces », souligne le président de l’association loi 1901, nommée Centre d’étude de tortues aquatiques et terrestres de Montélimar (CETAT). En 2012, entouré de quelques passionnés, il créé l’association sur la commune de Pierrelatte dans le but d’apporter au grand public des conseils sur la maintenance, l’alimentation, la reproduction et la législation des tortues. « Nous organisons également des expositions et des stages pour guider les gens sur le choix des espèces de tortues à détenir, mais aussi pour les aider à l’obtention de l’autorisation de détention de ces animaux. Tout cela a cependant été freiné par la crise sanitaire », note Jean-François Petit. La fête annuelle de la tortue permet aussi de découvrir les différentes espèces et de recueillir toutes les informations nécessaires. « Les tortues sont des reptiles et doivent être maniées par des adultes. Notre objectif est de conseiller les détenteurs, afin que les tortues se rapprochent le plus possible de leur milieu naturel : alimentation à base de mauvaises herbes, nécessité de soleil et de chaleur pour le développement de la carapace, etc. »

Sensibiliser le grand public

Désormais composée de 60 adhérents, l’association veut passer un cap supplémentaire. En déménageant sur Montélimar l’été dernier, le CETAT se rapproche de ses bénévoles. Mais l’association y a aussi trouvé un terrain privé de 7 000 m² sur les hauteurs au nord de la ville, classé en bois protégé, pour implanter un sanctuaire et pouvoir recueillir des tortues. Futur lieu de rencontre entre passionnés de ces espèces protégées, le refuge pourrait voir le jour d’ici deux ans. Le temps d’entretenir l’espace, à l’abandon depuis 25 ans, et de recevoir toutes les autorisations nécessaires de la ville, de la préfecture et de la direction départementale de la protection des populations (DDPP). « Ce refuge aura avant tout une vocation pédagogique », explique Jean-François Petit. Il comportera plusieurs enclos, avec des panneaux d’informations permettant de découvrir les différentes espèces recueillies. Des bassins sont également prévus pour les tortues aquatiques. « Ce lieu accueillera des tortues abandonnées, blessées ou saisies par les douanes », ajoute le passionné. Car le commerce de ces animaux est devenu, au fil des années, un fléau majeur : « Le trafic d’animaux est le troisième trafic le plus important au monde après les armes et la drogue. Au Maroc, par exemple, les tortues grecques sont prélevées de façon massive dans la nature puis vendues dans les souks. Beaucoup de touristes pensent que les acheter les sauveront de la détention. Si nous n’arrivons pas à arrêter cela, il n’y aura plus de tortues au Maroc d’ici 10 à 20 ans ».

Jusqu’à un millier de reptiles

Mais le trafic camoufle également une autre problématique majeure : la transmission des maladies. Les tortues sont souvent porteuses de parasites ou développent des maladies causées par la différence d’hygrométrie notamment : « c’est un sujet de santé publique, d’autant plus en pleine période de crise sanitaire », juge Jean-François Petit. 
Sur cet espace naturel, le CETAT pourra accueillir jusqu’à un millier de reptiles : « notre but n’est pas d’en faire une collection, mais de répondre à la demande et de sauver les tortues », ajoute-t-il. L’association a noué des partenariats avec des vétérinaires locaux, qui se sont formés à la catégorie NAC*. « Les tortues d’Hermann, par exemple, vivent 80 ans. Certaines personnes cherchent à les placer. Pour l’instant, nous les redirigeons vers d’autres associations, qui sont assez vite saturées. Il y a un réel besoin de structures d’accueil », note-t-il. Dans un premier temps, le refuge sera ouvert uniquement aux adhérents. « Nous aimerions l’ouvrir à terme au grand public, aux écoles et groupes privés, mais les tortues sont des animaux sauvages et une espèce très réglementée », prévient le président.

Amandine Priolet

* Nouveaux animaux de compagnie.

De moins en moins de tortues dans la région

a tortue est l’un des plus vieux animaux au monde. Pourtant, elle se fait de plus en plus rare dans nos départements. « On peut encore trouver des tortues d’Hermann dans le massif des Maures ou en Corse. Mais l’artificialisation des sols et l’utilisation des produits chimiques, causent peu à peu la disparition des tortues sauvages », regrette Jean-François Petit. Dans la Drôme, il semblerait que les Cistudes d’Europe, une espèce de tortues aquatiques, vivent encore dans les cours d’eau.

« En revanche, la population baisse de 20 % par an. Une campagne de reproduction et de réintroduction se déroule à Nîmes, pour éviter que l’espèce soit en voie de disparition », prévient le président de l’association CETAT de Montélimar. « Nous trouvons aussi des tortues de Floride. Vendues par milliers dans les animaleries au milieu des années 80, elles sont classées aujourd’hui comme nuisibles. Elles dépeuplent les rivières, chassent les Cistudes d’Europe et se reproduisent drastiquement. Une autre espèce de tortue aquatique est encore en vente libre dans les animaleries, la tortue Sulcata. « Petite, elle mesure 6 cm. Mais cette espèce vit 150 ans. Elle pèse 100 kg à l’âge adulte, a besoin de 10 kg de verdure par jour et doit être dans un endroit chauffé toute l’année », alerte Jean-François Petit. Dans ce contexte, l’association joue un rôle important : celui d’informer les futurs propriétaires de ce qui les attend. « Heureusement, de plus en plus de gens demandent des conseils avant d’acheter telle ou telle espèce », conclut-il.

A.P.

Attention à la réglementation
Les tortues sont des espèces réglementées. Pour beaucoup, leur détention doit faire l’objet d’une autorisation préfectorale.

Attention à la réglementation

Acquérir une ou plusieurs tortues était chose aisée dans les années 1970, puisque ces reptiles étaient en vente libre dans les animaleries ou sur les foires. Aujourd’hui, leur commerce est réglementé. C’est le cas notamment pour la tortue d’Hermann, l’unique tortue terrestre vivant dans l’Hexagone à l’état sauvage, et aujourd’hui en voie de disparition (incendies, pesticides, urbanisation, etc.). L’espèce est protégée par l’arrêté du 19 novembre 2007 qui fixe la liste des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Par conséquent, il est interdit de les prélever dans la nature. Il est également interdit de les acheter, de les vendre, de les donner, de les transporter. Ceux qui possèdent déjà des tortues d’Hermann doivent avoir une autorisation de détention, délivrée par la préfecture (arrêté du 10 août 2004). « Beaucoup de propriétaires sont dans l’illégalité sans le savoir », assure Jean-François Petit, président de l’association CETAT de Montélimar.