Téléphonie
Téléphone et internet : les agriculteurs s’insurgent des difficultés

Arrivée de la 5G, déploiement de la fibre… Si ces annonces peuvent donner un peu d’espoir aux Drômois, difficile pour certains d’imaginer bénéficier d’une ligne téléphonique et d’une connexion internet opérationnelles. Pour les agriculteurs du département, la colère ne cesse d’augmenter.

Téléphone et internet : les agriculteurs s’insurgent des difficultés
Pour de nombreux agriculteurs, effectuer de simples démarches en ligne relève du véritable casse-tête. Les pannes d’internet sont à répétition et peuvent durer plusieurs semaines. © Pixabay

D’est en ouest, du nord au sud, le département de la Drôme est touché par des problèmes d’accès à internet et à la téléphonie mobile. A l’heure où la 5G et la fibre s’installent progressivement dans les grandes villes, les territoires ruraux espèrent simplement avoir une connexion convenable. C’est le souhait du GAEC Bos, à la tête d’un élevage ovin et caprin à Gigors-et-Lozeron, une commune du parc du Vercors de moins de 200 habitants. « Nous sommes concernés par les zones blanches et cela peut être un véritable problème, confie Elisabeth Moreau, co-gérante. Nous sommes éleveurs bergers sur la Gervanne et en estive sur Saint-Agnan-en-Vercors. Nous avons des chiens de protection ainsi que des brebis équipés de colliers GPS ; il nous arrive de perdre la connexion pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours ». Pire encore, l’éleveuse relate « des accidents en gardant le troupeau avec l’impossibilité de joindre quelqu’un ». Une problématique qui pourrait s’avérer dramatique. 
Dans le nord de la Drôme, à Anneyron, Guy Gardon est également touché. « Personnellement, à la ferme avec le portable, il est très difficile d’avoir une communication sans être coupé. C’est assez pénible. Quant à internet, ça ne capte pas très bien. Toutes les personnes le disent, que ce soit avec les ordinateurs portables ou les téléphones. » Même son de cloche à Piégros-la-Clastre, près d’Aouste-sur-Sye. Selon Patrice Odemard, « le débit est nul, parfois même la connexion est impossible. Il faut sans cesse réessayer », souligne l’exploitant agricole. Un problème rencontré également dans le sud de la Drôme.

L’espoir d’un réseau fiable et performant

L’accès aux réseaux de téléphonie et d’internet est également un enjeu majeur dans le sud du département. Agricultrice à La Garde-Adhémar, Michèle Girard relève des problèmes quotidiens avec le téléphone. « Avec Orange, c’est le manque d’entretien des lignes en campagne qui entraîne des pannes à répétition de plusieurs jours. Quand on répare chez un voisin, c’est celui d’à côté qui est en panne… Quand la ligne fonctionne, c’est le débit internet qui est très faible avec des coupures de 8 à 10 heures en journée… », ajoute, avec dépit, la gérante de la Ferme des Rosières. Quant au réseau mobile et internet, là encore, la situation est critique. « C’est la zone grise ! Soit la connexion est parfaite, soit il n’y a pas de signal. » Une problématique pour la famille Girard, qui pratique également l’agritourisme. Pour la gestion des chambres d’hôtes et d’un gîte, de nombreuses formalités doivent être réalisées aujourd’hui de façon dématérialisée... Une habitude prise par l’agricultrice, « sous condition d’avoir un réseau performant et fiable ». Elle remercie la députée Célia de Lavergne pour son investissement sur le sujet avec le collectif des 215 maires.

Huit mois pour le changement d’un poteau

A Buis-les-Baronnies, Philippe Dorel, arboriculteur, se bat avec des soucis de téléphonie : « Nous sommes régulièrement privés de fixe et d’internet. En mars dernier, nous avons passé un mois sans ces services, en attendant qu’Orange intervienne. Et encore, dans la commune, il a fallu attendre huit mois pour que l’opérateur vienne changer un poteau qui était au sol. C’est abominable de voir qu’il ne joue pas le jeu, d’autant plus avec le prix que l’on paie… » Après plusieurs difficultés de réception, Philippe Dorel a interpellé la députée Célia de Lavergne, très investie sur le sujet (voir ci-dessous). « Je languis l’installation de la fibre optique ! Nous sommes à côté du Vaucluse, qui en bénéficie déjà. C’est plus avancé que chez nous », constate-t-il.

Des réparations bâclées après les épisodes de neige ?

Mais ces difficultés liées à la téléphonie et à l’internet ne touchent pas que les zones rurales les plus isolées. Les communes localisées non loin des grandes villes du département paient aussi les conséquences d’un réseau catastrophique. A Parnans, à 10 km au nord-est de Romans-sur-Isère, Jérôme Leroy, éleveur de bovins et producteur de noix au sein de l’EARL Le Replat, constate « une faible connexion internet avec des coupures récurrentes ». A 10 km au nord-ouest de la cité romanaise, la commune de Clérieux est également touchée. Thierry Boissieux, éleveur de chèvres, doit composer avec un débit internet très lent. « La seule explication donnée par Orange est la distance de 5 kilomètres qui nous sépare du poste relais et la vétusté des câbles. L’opérateur nous a informés que des travaux seraient réalisés, mais en quelle année ? s’impatiente l’agriculteur. On souhaite voir augmenter le débit le plus rapidement possible, que ce soit par câbles ou par satellite. Nous payons le même prix que les autres abonnés, alors que nous sommes moins bien desservis. » S’il connaît des dysfonctionnements depuis de plusieurs années, Thierry Boissieux remarque que des fils sont encore à terre après l’épisode neigeux de novembre 2019. « Cela a été réparé à la va-vite, jusqu’au prochain déluge », regrette-t-il. 
A moins de 30 kilomètres de Valence, l’EARL Les Saveurs Drômoises fait les frais d’un réseau laissant à désirer. « Nous ne sommes quand même pas isolés ! », fulmine le gérant, Roland Piaud. Son exploitation, tournée vers la production d’ail de consommation, est située à Eurre. « Nous avons très peu de réseau téléphonique. Pour appeler mes clients, je dois sortir de la maison ! Nous sommes en 2021 et on nous parle de la fibre depuis dix ans », poursuit-il. Concerné par ces problèmes de téléphonie depuis pas mal d’années, l’agriculteur a pourtant mis les moyens : « Nous avons internet par satellite Nordnet qui fonctionne très mal, à 39,90 € par mois. Nous avons pris en plus une box 4G Free à 29,99 € par mois, mais là encore, nous n’avons que très peu de débit. » Des coûts importants pour un service loin d’être satisfaisant.

Amandine Priolet

La députée Célia de Lavergne monte au créneau
Célia de Lavergne a remis, le 10 février, les conclusions de la mission flash sur le service universel de téléphonie fixe au Secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques, Cédric O, en présence de la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière.

La députée Célia de Lavergne monte au créneau

« Cette tribune s’adresse à Orange, dont le silence assourdissant creuse le sentiment d’abandon de nos territoires ruraux. Elle s’adresse à l’État qui a les moyens de mettre fin à cette situation intolérable et injuste. Elle s’adresse enfin aux Français afin qu’ils prennent conscience de l’inégalité criante que subissent nos territoires devant l’accès au service, dit “universel”, de téléphonie fixe. » Ce sont par ces mots que la députée de la troisième circonscription de la Drôme, Célia de Lavergne, soutenue par 215 élus et maires drômois, a débuté une tribune publiée dans Le Journal du Dimanche, en décembre dernier, pour clamer la défaillance d’Orange en zone rurale. Dans le département, les problèmes de téléphonie sont de plus en plus récurrents. Certaines communes doivent rester plusieurs jours isolées, sans téléphone fixe ni accès à l’internet, et ce, dans l’attente de réparations de lignes qui peuvent parfois prendre plusieurs mois. « La situation que nous vivons est le résultat d’années de mépris, de négligence, de dégâts réparés partiellement. Des poteaux penchés, cassés ou effondrés bordent nos routes. Les fils électriques distendus tombent sur les arbres ou traînent sur le sol, quand ils ne sont pas arrachés. L’intervention de sous-traitants non qualifiés vient parfois détériorer une situation déjà délicate. Malgré des efforts réguliers, répétés, conciliants des élus, ces situations restent sans réponse des semaines, parfois des mois durant, alors que l’opérateur est censé intervenir sous quarante-huit heures », peut-on lire dans ce communiqué. 
Il semblerait que la députée ait été entendue puisqu’elle s’est vue attribuée, en janvier, une mission flash afin de préciser le diagnostic des dysfonctionnements et faire des propositions au gouvernement. Elle a rendu ses conclusions le 10 février. Le gouvernement devrait annoncer, d’ici le début mars, son plan d’action. A suivre... 
A. P.