Pratiques culturales
Des maraîchers engagés dans l'agroécologie

Des maraîchers drômois et isérois s'engagent à réduire l'usage des produits phytosanitaires dans le cadre d'un « Groupe 30 000 » Ecophyto.

Des maraîchers engagés dans l'agroécologie

Le groupement des maraîchers Isère et Drôme, le GMID, rassemble une vingtaine d'adhérents ayant, pour la plupart, des cultures maraîchères diversifiées sur des surfaces de 2 à 5 hectares en moyenne (et jusqu'à 25 ha) et pratiquant la vente directe. De ce fait, les consommateurs les interrogent sur leur mode de production, les pesticides, les risques pour leur santé... « Ces producteurs sont donc tous sensibilisés et ont la volonté de limiter au maximum l'usage des produits phytosanitaires », explique Christel Robert, conseillère en maraîchage pour les chambres d'agriculture de l'Isère et de la Drôme mais aussi animatrice du GMID. D'autres enjeux s'ajoutent, comme l'impact des produits phytosanitaires sur l'environnement, les retraits d'homologation de matières actives...

Un « Groupe 30 000 » GMID

Le 29 mai à Albon, rencontre sur l'exploitation d'Eric Veyret (SARL du Creux). Ce maraîcher a mis en place des aménagements pour favoriser le maintien des auxiliaires des cultures : haies d'arbustes diversifiées, bandes fleuries en bordure de serres et nichoirs à insectes.Aussi, le GMID a répondu à un appel à projet « Groupe 30 000 » dans le cadre du plan Ecophyto II. Une démarche visant à engager, à l'échelle nationale, 30 000 fermes dans la transition vers l'agroécologie. L'idée est de fédérer, au sein d'un groupe, des agriculteurs autour de la mise en place de systèmes et techniques économes en produits phytopharmaceutiques.
Un groupe de huit adhérents du GMID intéressés par cette démarche - dont deux exploitations drômoises - s'est constitué en 2017 et un dossier collectif de candidature a été déposé en fin d'année. Leur projet de transition vers l'agroécologie a été labellisé « Groupe 30 000 » fin avril pour une durée de trois ans (2018-2020). Ainsi, s'est ouverte la possibilité d'aides financières (Agence de l'eau, crédits Ecophyto II dédiés) pour l'animation du collectif et les investissements en matériel des maraîchers.

Un état des lieux

Dans un premier temps, Christel Robert a réalisé des diagnostics agroécologiques sur les exploitations du « Groupe 30 000 » GMID (bilan des pratiques phytosanitaires, évaluation des performances économiques, sociales et environnementales) et recueilli leurs attentes. Dans un deuxième temps, ont été dégagés des problématiques communes et thèmes à travailler en actions collectives (gestion de l'enherbement, des maladies, ravageurs...). « Sachant que ces maraîchers mettent déjà en œuvre des techniques alternatives lorsque c'est faisable : désherbage mécanique, utilisation de produits de biocontrôle, d'auxiliaires des cultures, précise Christel Robert. Le "Groupe 30 000" est, pour eux, un moyen d'officialiser leur démarche et aussi, dans la mesure du possible, d'aller encore plus loin. »

Des constats

Début 2018, à partir des diagnostics, un bilan a été dressé pour comparer les pratiques des huit exploitations. « Ce travail sert de base aux échanges, pour que chacun puisse s'enrichir des meilleures pratiques des autres, indique la conseillère. Avec, nous avons pu identifier des différences d'une exploitation à l'autre, donc des pistes d'amélioration à travailler. Nous avons aussi constaté que les huit exploitations avaient déjà de très bas niveaux d'utilisation des produits phytosanitaires, bien en dessous des références nationales actuellement disponibles. »

Un programme d'actions

Dans le cadre du « Groupe 30 000 » maraîcher, un programme d'actions a été établi pour trois ans : appui technique individuel, temps collectifs d'échange en « bout de champ », intervention d'experts, formations, démonstrations, visites... Les principales thématiques porteront sur la gestion alternative de l'enherbement, d'une part : rotation, faux semis, désherbage mécanique, paillage, solarisation, occultation... Et, d'autre part, sur la lutte alternative contre les ravageurs et maladies : biocontrôle, introduction et maintien d'auxiliaires, solarisation, gestion du climat sous abri, protection mécanique (filets anti-insectes)...

Annie Laurie
GMID /
Le partage d'expériences
Créé en 1988, le groupement de développement maraîcher de l'Isère s'est ouvert aux Drômois en 2016. Il est alors devenu le groupement des maraîchers Isère et Drôme (GMID). Favoriser les échanges, le partage d'expériences via des rencontres collectives et assurer un appui technique individuel, telle est sa raison d'être. Y adhérer donne droit à :
- un appui technique individuel assuré par la chambre d'agriculture : permanence téléphonique et visites sur l'exploitation (tour des cultures, conseils sur leur protection et les itinéraires techniques) ;
- des temps collectifs pour échanger sur des problématiques : rencontres « bout de champ », visites techniques...
- des documentations techniques rédigées régionalement en lien avec la Serail (station d'expérimentation Rhône-Alpes information légumes) : bulletins d'information et de conseils...

 

Témoignage / L'EARL Valla (Saint-Marcel-lès-Valence) est l'une des huit exploitations engagées dans le « Groupe 30 000 » maraîchage.
Etre performant tout en traitant moins
Frédéric Valla met en œuvre des techniques alternatives. Entre autres, il pose des pièges à phéromone sexuelle (photo) pour déterminer le niveau d'infestation de mineuses de la tomate et décider, si besoin, un lâcher de punaises prédatrices de ce ravageur.
Jean-Michel, Franca et Frédéric Valla (leur fils) cultivent 85 hectares dont 20 d'arbres fruitiers, six de légumes en plein champ et un sous abri (serres), le reste en céréales. Fruits et légumes sont en partie vendus en direct (à la ferme, sur des marchés, en magasins de producteurs...).
« Pour le maraîchage, nous adoptons progressivement des techniques alternatives, explique Frédéric Valla. Gérer les cultures de plein champ en bio est difficile du fait de la diversité des productions. Mais celles sous abri sont conduites comme en bio. » Le sol des serres est recouvert de paillage plastique (pas d'herbicide appliqué). Côté ravageurs, du savon noir est utilisé contre les pucerons, l'auxiliaire macrolophus (punaise) contre tuta absoluta (mineuse de la tomate), les acariens prédateurs amblyseius swirskii contre aleurodes et thrips sur aubergine, ainsi que neoseiulus californicus contre d'autres acariens. De l'huile d'orange douce est aussi employée comme insecticide. Des plantes sont stimulées avec des pulvérisations foliaires d'algues. En plein champ, carottes et raves sont protégées avec des filets anti-insectes, l'herbe est détruite par binages...
S'ouvrir aux autres
« Notre motivation est de préserver notre santé, celle de nos salariés et des consommateurs, confie Frédéric Valla. Cela nécessite beaucoup de temps d'observations dans les cultures, de recherche d'informations sur les maladies, ravageurs et leur biologie, les carences des plantes... Mais c'est gratifiant. Nous avons adhéré au GMID pour le partage d'expériences entre producteurs. S'ouvrir aux autres est fondamental. Et, lors de ses visites d'appui technique, Christel Robert constate parfois des problèmes qui nous ont échappés mais qu'elle a observés ailleurs. »
Quant au « Groupe 30 000 » du GMID, « nous l'avons rejoint pour la même raison, celle de garder un niveau de performance tout en réduisant l'usage des produits phytosanitaires. Son programme d'actions est en concordance avec la logique d'évolution ».
A. L.

 

Point de vue / Luc Veyron est maraîcher avec son épouse à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère). Sa vision du GMID (qu'il préside) et du « Groupe 30 000 » (dont il fait partie).
« Avancer ensemble »
Luc Veyron.
« Le GMID a une mission de groupement, souligne Luc Veyron. Son but est de créer du lien entre adhérents, donc des échanges. Nos rencontres sont très enrichissantes. Je défends le principe de partage, il permet de profiter des expériences des autres. Adhérer au GMID est, à mon avis, un investissement utile. » Quant au « Groupe 30 000 », il le voit comme « un travail collectif pour avancer ensemble, essayer de lever des freins ». Et de l'appui technique assuré par la chambre d'agriculture Isère-Drôme, il dit : « Notre conseillère en maraîchage, Christel Robert, apporte un regard extérieur et désintéressé. Elle a l'expérience des autres exploitations qu'elle visite. En plus, elle travaille en réseau avec les conseillers d'autres chambres d'agriculture de la région et des techniciens de coopératives. Si elle n'arrive pas à poser un diagnostic sur un problème, un de ces collègues pourra peut-être apporter une réponse. Ces réseaux de maraîchers et de techniciens sont aussi un moyen de faire remonter à la Serail les besoins du terrain en termes d'expérimentation ».
A. L.