Nouvelle vie
Changement de cap  pour Marie et Thomas Richaud

 1 100 kilomètres séparent la Drôme et l’île d’Ouessant. Et pourtant, Marie et Thomas Richaud, éleveurs laitiers à Châteaudouble, n’ont pas hésité à franchir cette distance pour partir à la découverte d’un nouveau modèle agricole.

Changement de cap  pour Marie et Thomas Richaud
Thomas et Marie Richaud, éleveurs à Châteaudouble, ont rejoint l’île d’Ouessant en novembre dernier (photo d’archives).

Exploitants agricoles sur la commune de Châteaudouble depuis 2009, Marie et Thomas Richaud élevaient 180 vaches laitières de race Jersiaise, au sein du Gaec La Jersiaise des Combes, qu’ils cogéraient avec un associé. Une exploitation bien gérée, en agriculture biologique, avec un atelier de transformation. Rien ne laissait présager un retournement de situation. Et pourtant. Alors qu’il regarde rarement la télévision, le couple découvre un jour un reportage sur l’Ile d’Ouessant, dans l’émission Thalassa. « Nous partions souvent en vacances en Bretagne, visiter les îles du Finistère, mais nous n’étions jamais allés à Ouessant », explique Thomas Richaud. Comme une chose n’arrive jamais seule, l’éleveur tombe quelques jours plus tard sur une petite annonce, publiée par la commune bretonne et intitulée : « Mairie d’Ouessant cherche éleveur laitier ». Cette dernière, dans une volonté de relancer l’agriculture sur l’île, lance en effet un appel à projets visant à approvisionner ses habitants en produits laitiers biologiques. Pour cela, elle met à disposition des futurs producteurs des terres et des bâtiments. 

Une transmission assurée…

« Quand j’ai parlé de cette annonce à mon épouse, elle m’a répondu que la Bretagne l’avait toujours fait rêver ! », confie Thomas Richaud. Après renseignements, le couple répond à l’appel d’offres, « pour ne pas avoir de regrets ». De fil en aiguille, les Drômois sont sélectionnés, avant de voir leur dossier retenu en octobre 2019. Pour autant, la famille Richaud a pris le temps d’assurer la sauvegarde de l’exploitation drômoise avant de traverser la France… « Il n’était pas question de partir sans avoir trouvé de repreneurs. Nous ne voulions pas lâcher la ferme comme cela, d’autant plus que c’était beaucoup d’investissement personnel et financier. On ne voulait pas que ça s’arrête », souligne Thomas Richaud. Se laisser le temps, accompagner l’associé dans ses recherches et monter un nouveau projet. Il aura fallu un an pour que chacun y trouve son compte. « Notre associé a vu sa femme et son frère, à qui nous avons vendu nos parts, le rejoindre sur le Gaec. Mais si nous n’avions trouvé personne, nous serions restés dans la Drôme », assure-t-il. Ravi de voir ce projet de déménagement sur l’île d’Ouessant aboutir en novembre dernier, Thomas Richaud parle d’une nouvelle expérience mais aussi d’une remise en question.

Le couple drômois et ses trois enfants ont emmené avec eux douze vaches en lactation et six génisses.

... et un nouveau départ

« Cela nous permet de repartir d’une page blanche, dit-il. Nous avions envie de créer notre exploitation familiale, à taille humaine. » Marie et Thomas Richaud ont fait venir douze vaches en lactation et six génisses dans le Finistère, après quatorze heures de camion et trois de bateau. « Notre objectif est d’élever une vingtaine de vaches d’ici deux à trois ans », note l’éleveur. Un changement radical de cap, qui ne s’est toutefois pas fait sans encombre. Au-delà de la logistique, les démarches administratives ont donné du fil à retordre au couple châteaudoublois. « La grosse problématique a été de faire comprendre à la MSA et aux impôts, notamment, qu’on changeait d’endroit ! J’ai eu l’impression qu’un agriculteur devait rester agriculteur au même endroit toute sa vie… Il a fallu se battre pour résilier notre dossier dans la Drôme et pouvoir monter notre nouveau Gaec ici. Nous avons passé plus de trois mois à faire les démarches. C’est à mes yeux ce qui a été le plus compliqué à gérer », fait remarquer l’agriculteur. 
Avec une production estimée de 50 000 litres de lait la première année, le couple pourra proposer à la vente lait, beurre, crème, yaourts et autres fromages. « Il n’est pas possible d’expédier du lait à la laiterie. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de transformer », explique-t-il. Une aubaine pour les insulaires, qui regrettaient l’absence d’agriculteurs depuis de nombreuses années. Une nouveauté pour le couple d’éleveurs, qui au-delà de changer de vie, change aussi de modèle agricole. « Pour avoir une exploitation viable, nous visons une production comprise entre 60 000 et 90 000 litres de lait dans les années à venir. Cela sera nécessaire pour rembourser les emprunts, puisque nous avons dû investir dans du matériel de traite mobile et dans un atelier de fromagerie », conclut Thomas Richaud, nouveau co-gérant du Gaec Les vaches aux quatre vents. Le nom est adapté au climat océanique, caractéristique de l’île d’Ouessant. 

Amandine Priolet
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