Droit rural
Le tribunal paritaire des baux ruraux : pour quoi ? pour qui ?  

Le tribunal paritaire des baux ruraux : pour quoi ? pour qui ?  
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Question : Je loue des terres par bail à ferme depuis 2008. Je viens de recevoir un congé pour reprise donné par mon bailleur. Le bénéficiaire de la reprise est son fils. Je doute pourtant de l’aptitude de ce dernier à reprendre la propriété. Il n’a en effet, à ma connaissance, jamais suivi d’études agricoles ni d’ailleurs travaillé dans l’agriculture. J’ai essayé de rencontrer mon bailleur mais il ne veut pas discuter de sa décision. Je souhaiterais contester le congé mais saisir un tribunal n’est pas une décision facile à prendre. Je sais que les conflits relatifs aux terres sont réglés par des juges spéciaux. Pourriez-vous m’informer sur le rôle précis de ces juges et le mode de fonctionnement de leur tribunal ?

Réponse : Les conflits entre bailleurs et preneurs de biens ruraux sont réglés par une juridiction particulière, le Tribunal paritaire des baux ruraux. Pour la Drôme, les villes où siège un Tribunal paritaire des baux ruraux sont Romans-sur-Isère, Valence, Montélimar. Le tribunal à saisir est celui de la situation des parcelles et des biens litigieux. Le tribunal paritaire est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de biens ruraux. Deux conditions doivent être réunies pour qu’une affaire soit portée devant le tribunal des baux ruraux. La première condition est la qualité des parties : le litige doit s’élever entre un bailleur et un preneur. Un litige entre deux fermiers ne relèvera donc pas de la compétence du tribunal paritaire ; de même qu’un litige entre un propriétaire et un occupant sans titre. En second lieu, le litige doit également porter sur les dispositions du statut du fermage et du métayage mais, aussi, sur les baux emphytéotiques et les baux à cheptel. La compétence du tribunal se prolonge aussi aux locations de petites parcelles, aux baux d’un an et aux conventions pluriannuelles de pâturage. Au demeurant, la compétence du tribunal paritaire s’étend également pour accorder les autorisations d’exploiter dans le cadre du contrôle des structures. Cette compétence du tribunal paritaire est pourtant régulièrement remise en cause. Si un propriétaire dément ainsi avoir conclu un bail à ferme avec un agriculteur, il pourra saisir un tribunal judiciaire pour saisir le litige. Si un fermier saisit le tribunal paritaire mais que ce dernier juge qu’il n’y a pas bail, il ne pourra pas juger le dossier sur le fond. Pourtant, et en définitive, chaque tribunal est juge de sa compétence. Les tribunaux paritaires sont toutefois reconnus comme ayant une compétence générale pour connaitre de toutes les contestations dont «  le bail rural est l’objet, la cause ou l’occasion ». Le tribunal paritaire sera toutefois seul compétent pour connaitre du droit de préemption du fermier, des sous locations et des indemnités d’éviction. 

Le tribunal paritaire est présidé par le juge d’instance et comprend deux assesseurs bailleurs non preneurs et deux assesseurs preneurs non bailleurs. Chaque assesseur a un suppléant. Les membres assesseurs sont élus tous les six ans. Dans la Drôme, les prochaines désignations devront avoir lieu en 2024. Sont désignables, les assesseurs candidats de nationalité française âgés de 26 ans au moins possédant depuis cinq ans minimum la qualité de bailleur ou preneur et ayant fait une déclaration de candidature.

Pour saisir le tribunal, il faut adresser sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier de justice au greffe du tribunal judiciaire ou de proximité (secrétariat du tribunal). Certaines demandes devant toutefois être publiées au fichier immobilier, elles doivent être délivrées nécessairement par acte d’huissier de justice (situation, par exemple, des annulations de vente concernant l’exercice du droit de préemption). Ce courrier doit au moins préciser les noms et qualités des parties, leurs adresses et les motifs de la requête. Le greffier convoquera alors les parties par lettre recommandée.

Le tribunal paritaire tentera préalablement de concilier les parties. Cette démarche est obligatoire. Si un accord est trouvé, il en sera dressé procès-verbal signé par le juge et les parties. Le litige est alors résolu. Les extraits du procès-verbal valent titre exécutoire. A défaut, l’affaire sera renvoyée pour un jugement au fond. Les parties sont tenues de comparaître en personne (sauf en cas de motif légitime telle une maladie). Elles peuvent se présenter seule ou se faire assister d’un membre de leur famille, d’un avocat, d’un huissier de justice, d’un membre ou d’un salarié d’une organisation professionnelle agricole. Si une assistance n’est pas obligatoire devant le tribunal paritaire, il est toutefois conseillé de se faire aider. Une aide juridictionnelle peut être accordée aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice. La demande doit en être faite au bureau d’aide juridictionnelle établi au siège du tribunal judiciaire.

Le preneur comme le bailleur doivent toutefois en toutes circonstances privilégier une attitude qui donne une chance au règlement du conflit, à défaut l’un comme l’autre s’exposent au risque d’être déboutés de leurs demandes devant les juges paritaires. L’information voire une formation sur le statut du fermage permettrait d’éviter bon nombre d’antagonismes. Les fermiers et bailleurs ne pensent pas toujours à se former pour savoir quels sont leurs droits et leurs obligations dans les baux contractés et surtout lors de l’installation. Les différents conseillers juridiques ne sont malheureusement appelés que lorsque les problèmes sont arrivés. Dans cette situation, les tribunaux paritaires demeurent indispensables et irremplaçables. 

Le Service Juridique rural de la FDSEA 26
Nathalie KOTOMSKI