Phytosanitaires
La réduction des phytos progresse en région

La plateforme de démonstration 30 000 Dephy Avenir, mise en place à La Verpillère (Isère), a permis de présenter les techniques expérimentées par les groupes du réseau Dephy pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires en Auvergne-Rhône-Alpes.

La réduction des phytos progresse en région
De nombreux agriculteurs ont assisté sur la plateforme aux présentations des différents leviers agronomiques pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.

Réduction des IFT* ; recherche de solutions alternatives ; implication d’un nombre toujours plus important d’exploitations : à l’heure du bilan, le plan Ecophyto fait preuve de nombreuses avancées en région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est ce que visait à démontrer, début juin, la vaste plateforme 30 000 Dephy Avenir installée en Nord-Isère, à La Verpillère. Elle déclinait les techniques mises en œuvre depuis dix ans. « Toutes les cultures, toutes les exploitations sont concernées », rappelle Gilbert Guignand, président de la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. Il existe
24 réseaux Dephy en région rassemblant 300 fermes engagées volontairement dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires en condition réelle de production, avec pour principe que cela n’affecte ni leurs marges, ni leur temps de travail. C’est le cas de la ferme de La Cabale à La Verpillère (38), exploitée par la famille Bouvier, qui recevait la manifestation.

Réduction d’un quart des IFT

« Ce plan a permis la réduction d’environ un quart des IFT, poursuit le président de la chambre régionale. Mais c’est le résultat qui compte. » Il souligne l’évolution du métier, la nécessité de garantir un avenir aux nouvelles générations, ainsi qu’un revenu. Il plaide également pour le maintien des subventions dédiées au bulletin de santé du végétal (BSV), dont les agriculteurs ne peuvent se passer.
Les derniers résultats régionaux, en date de février 2021, indiquent que la réduction des phytos, calculée en IFT et enregistrée depuis les premières entrées dans le dispositif en 2010 jusqu’à la campagne 2019, est de 28 % en Aura (- 26 % en grandes cultures et - 32 % en polyculture-élevage). Les systèmes les plus efficients sont ceux qui ont modifié leurs cultures et leurs rotations : leur IFT a baissé de 45 % !

Triple performance

Jean-Claude Darlet, président de la chambre d’agriculture de l’Isère, insiste sur l’importance des expérimentations sur le terrain « pour montrer les efforts faits depuis plus de dix ans ». Des efforts qui se traduisent « par une triple performance : économique, environnementale et sociétale ». Gilles Brenon, vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ain, fait valoir « l’intérêt de vulgariser ces pratiques et d’essayer, à grande échelle, ce qui ne peut se faire sans les agriculteurs. » Il met l’accent sur la curiosité, la motivation et la recherche d’innovation de ces exploitants, qui diffusent bien au-delà des groupes Dephy. La liste des leviers agronomiques qui ont émergé au cours de ces années de recherches et d’expérimentations est longue et non exhaustive, des plus simples aux plus complexes. La première des stratégies consiste à raisonner les interventions : réduction des doses en optimisant l’utilisation du pulvérisateur et traitements ciblés. Viennent ensuite les options d’évitement comme le fait de retarder les semis pour éviter les périodes de levée des adventices ou l’allongement de la rotation pour casser un cycle de bioagresseurs ou juguler la spécialisation des adventices. Les méthodes de lutte alternatives requièrent différents degrés de technicité. Cela va de la gestion des bandes enherbées, de l’utilisation de produits de biocontrôle existants ou de l’utilisation de variétés tolérantes à l’association de familles et d’espèces végétales différentes ou au désherbage mécanique plus lourd à mettre en œuvre. Les méthodes d’atténuation réclament aussi une réflexion de fond dans la conduite des cultures. Il s’agit de la mise en place d’un labour une année sur trois, de la réalisation de faux semis pour réduire le stock de graines ou encore l’installation d’intercultures dans la rotation pour étouffer les mauvaises herbes. Enfin, les exploitations peuvent aller jusqu’à la reconception de leur système : introduction de haies ou de bandes fleuries à l’intérieur d’une parcelle, de prairies temporaires dans la rotation pour nettoyer les sols et apporter de la matière organique ou encore la diversification de la rotation avec alternance de cultures d’hiver, printemps, été pour casser le cycle des adventices.

Appel à projet

Le plan Ecophyto 2+ a lancé un nouvel appel à projet national en début d’année auxquels de nombreuses structures pilotes des groupes Dephy (chambres d’agriculture, organismes de recherche et de conseil) ont répondu. En général, les agriculteurs inscrits dans les groupes sont partants pour poursuivre leurs expérimentations. Les lauréats de l’appel à projets seront connus dans les prochains jours.

Isabelle Doucet

* Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires.

Semer sous couvert sans herbicide

Le semis sous couvert sans herbicide est une technique nouvelle explorée par les chambres d’agriculture et l’Isara-Lyon. Rapportée des Etats-Unis, la technique est connue en France depuis une dizaine d’années. L’école d’agronomie Isara-Lyon poursuit ses essais en région Aura avec l’appui des chambres d’agriculture. Comparé au désherbage mécanique, il s’agit là de ne rien faire, ou presque. Le semis (seigle et/ou triticale pour soja, féverole et/ou seigle pour maïs) est réalisé à la fin de l’été/début de l’automne. Il est roulé au printemps avec un rouleau cranteur qui blesse le couvert et permet de constituer le paillis. La culture est alors semée avec un disque ouvreur en semis direct « et il ne se passe plus rien jusqu’à la récolte », indique Joséphine Peige de l’Isara.
Semer perpendiculairement
Cette technique est particulièrement réservée aux cultures de printemps salissantes. Lætitia Masson, de la chambre d’agriculture de l’Isère, précise que le couvert est semé perpendiculairement à la culture pour éviter les bandes claires. Il est semé dense : 200 kg /ha, de même que le soja, car les pertes à l’arrivée sont de l’ordre de 30 à 40 %. Les pertes de rendement liées à cette pratique sont estimées à 8 %. En revanche, le nombre de passages est divisé par deux et le temps de travail par deux tiers. Le volume de biomasse attendu est de 8 tonnes, en deçà, la technique est moins intéressante. Enfin, elle se révèle être un bon système de gestion contre l’ambroisie.

 I. D.