Évènement
La noix s’impose au symposium mondial de Grenoble

La grande communauté internationale de la noix s’est réunie, mi-juin, pour trois jours d’échanges à Grenoble.

La noix s’impose au symposium mondial de Grenoble
Catherine Barros du CTIFL : « Nous observons depuis le confinement l’émergence de flexitariens, des consommateurs qui abandonnent la viande ou le poisson au profit de produits végétaux qui ont du goût, et la noix en fait partie ». © RST

Tout ce que la communauté internationale de la noix et noix de Pécan compte de chercheurs et techniciens s’est rassemblée pendant trois jours à Grenoble, du 13 au 15 juin à Alpexpo, pour échanger sur les thématiques de marché, de variétés, de productivité, de ravageurs… Plus de deux cents congressistes, venus d’une vingtaine de pays où sont produites les noix, ont planché ou écouté une soixantaine de conférences.
Piloté par l’ISHS, International Society for Hortical Science, et coordonné localement par la Senura, la station de Creysse et le CTIFL, les conférences ont résolument été de haute volée. Chacun dans sa spécialité a présenté ses axes de recherche autour du fruit sec, à commencer par une étude de consommation des noix réalisée par le CTIFL et développée par Catherine Baros.

Plus de flexitariens depuis le confinement

En substance, cette étude sur les habitudes d’achat révèle que les consommateurs recherchent davantage de produit frais et locaux que par le passé. Ils vont vers moins de consommation de viande ou de poisson pour composer leur menu « flexitarien » à base de plus de légumes ou de protéines végétales. Depuis le confinement et le télétravail, ils cuisinent plus et sont « éco-inquiets ». L’éco-anxiété est un néologisme qui désigne l’ensemble des émotions liées au sentiment de fatalité vis-à-vis du réchauffement climatique. Par leurs actes d’achat de proximité, les consommateurs veulent limiter ces dérèglements. Ils ne recherchent pas forcément du bio ou du label, AOC ou AOP – car ils se perdent dans cette pléthore d’appellations - mais ils veulent du goût. L’acte d’achat des noix et leur ancrage dans les habitudes font partie de cette approche. Si le premier achat ne leur apporte pas satisfaction, ils n’y reviennent pas…

De l’isotop de la noix à la qualité de l’huile

Par ailleurs, une chercheuse italienne, Erica Di Pierro, a expliqué qu’avec un groupe de scientifiques, ils étaient arrivés à modéliser l’isotop des noix en fonction de leur zone de production et à en déterminer la provenance. L’Italie est en effet le cinquième pays importateur de noix et ils veulent avoir une traçabilité parfaite de leur achats…
Le docteur Anita Solar, de l’Université de Ljubljana en Slovénie, a fait part d’une étude sur la qualité de l’huile de noix en fonction de la rapidité de séchage des noix, de l’absence de fruits noirs et des différences des teneurs phénoliques selon les températures de pressage et des variétés. Il en ressortait, comme une évidence chez les producteurs, qu’il faut ramasser vite, sécher vite pour avoir un cerneau de bon goût et une huile douce…

L’interaction sol-bactéries-arbre

Les techniques productivistes de ces soixante-dix dernières années, basées principalement sur le triptyque NPK, ont fait passer au second plan l’existence d’une symbiose entre le sol et l’arbre par l’intermédiaire de l’holobionte. Ce terme correspond à une entité vivante naturelle constituée d’un organisme supérieur, c’est-à-dire pluricellulaire, appelé hôte, tel que l’arbre, l’animal ou l’humain et de son microbiote, c’est-à-dire la cohorte de micro-organismes qui lui est étroitement associée (bactéries, virus, archées, protistes et champignons microscopiques). Cet environnement est nécessaire à l’arbre pour qu’il soit résistant aux agressions de tous ordres. Des chercheurs s’y intéressent de très près, en particulier l’Inrae de Dijon. Daniel Wipf a fait part des travaux de son laboratoire sur l’impact des réseaux mycorhiziens arbusculaires que sont les champignons symbiotes d’arbres ou d’autres plantes vasculaires. Il existe des connexions qui permettent d’échanger des nutriments entre les plantes. Plus il y a de diversités d’espèces cultivées au même endroit, plus le réseau mycorhizien a des chances de se développer et d’inter-échanger. Il a témoigné de l’intérêt d’une culture de maïs dans les noyers ou plus largement de l’intérêt de l’agroforesterie… La Senura expérimente des cultures de féveroles semées après la récolte et conservées le plus longtemps possible pour mesurer ces échanges et l’action sur le taux humique, ainsi que sur la structure des sols.

Neuf tonnes à l’hectare

Neuf tonnes à l’hectare produites au Chili en variété chandler, en neuvième feuille, voilà de quoi faire rêver plus d’un nuciculteur local. Ce rendement est effectivement loin des standards de la franquette. Gustavo Mendoza, technicien noix au Chili, a présenté des essais de densité de plantation allant de 312 à 1 876 arbres à l’hectare, plantés en 5 x 1,25, 7 x 5 ou encore 4 x1,25, taillés mécaniquement en haie fruitière. Les résultats sont éloquents, puisq’une noyeraie conduite avec ce degré d’intensification peut produire deux tonnes à l’hectare dès la quatrième feuille, et jusqu’à neuf tonnes en neuvième année. Le technicien n’a pas précisé combien de mètres cubes d’eau et de traitements sont utilisés, il a juste dit qu’il « cherchait des petits arbres “plein” de noix… »
Le symposium va reprendre son rythme triennal après les années Covid. Le prochain devrait avoir lieu en 2026 en Turquie, en tant que pays producteur émergent de noix.

Roland Saint Thomas

Devant l’entrée d’Alpexo, des constructeurs de solutions de ramassage au sol. © RST