SESSION
Irrigation menacée, prédation paroxysmique : une fin d’année sous tension

Vendredi 25 novembre à Bourg-lès-Valence, les élus de la chambre d’agriculture étaient réunis pour voter le budget initial 2023. L’occasion aussi d’approfondir les sujets d’actualité de cette fin d’année.

Irrigation menacée, prédation paroxysmique : une fin d’année sous tension
Jean-Pierre Royannez (au micro), président de la chambre d'agriculture, entouré de la préfète Élodie Degiovanni, du directeur de la chambre d'agriculture, Damien Colin et du vice-président Pierre Combat. ©AD26-S.S.

Le contexte de cette fin d’année est particulièrement complexe pour les exploitations agricoles. Le 25 novembre, lors de la session de la chambre d’agriculture de la Drôme, son président Jean-Pierre Royannez n’a pas caché ses inquiétudes. Deux sujets ont été au centre de ses préoccupations : la prédation et l’explosion de la facture d’électricité du syndicat d’irrigation drômois (SID) qui menace purement et simplement la possibilité d’ouvrir les réseaux pour la prochaine campagne. Sur ce dernier sujet, Jean-Pierre Royannez est alarmiste. « Nous sommes tous les jours sur ce dossier mais la situation ne s’améliore pas. Les ministres de l’Agriculture, de l’Économie ont été interpelés. Hier nous avons échangé avec les conseillers agricoles d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne. On nous dit que le SID pourra entrer dans les mesures du bouclier tarifaire. Mais cela ne représentera que 3,5 M€ alors que la facture d’électricité pourrait passer de 7,5 M€ en 2022 à 30 M€ en 2023 », rappelle-t-il.

Irrigation : « l’inquiétude est énorme »

Dans un tel scénario, le prix du m³ pourrait avoisiner les 60 centimes d’euro, « soit un coût de 2 500 à 3 000 euros/ha irrigué », a rappelé le président de la chambre d’agriculture. Ni les agriculteurs, ni le SID ne pourront supporter une telle explosion de charges. Dans ce scénario, l’hypothèse de ne pas ouvrir les réseaux d’irrigation collectifs fait frémir. « Nous n’avions jamais imaginé nous retrouver dans une telle situation, a confié Jean-Pierre Royannez. L’inquiétude est énorme. » La préfète Élodie Degiovanni a admis que ce dossier constituait « un point d’urgence » et garde l’espoir que les échanges ininterrompus avec les ministères concernés aboutissent à une solution. Ses propos concernant la nécessité de « tirer profit de cette crise majeure pour poser la question de l’organisation du système départemental d’irrigation », notamment celle du cadre juridique « un peu particulier » du SID, ont toutefois fait réagir. Jean-Pierre Royannez a notamment rappelé que la création du SID en 2013, pour regrouper au sein d’une structure unique tous les réseaux d’irrigation propriété de collectivités locales, avait été « imposée par le préfet de l’époque ».

Quatre troupeaux décimés

Sur la question de la prédation, le président de la chambre d’agriculture n’a pas mâché ses mots. Le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage est selon lui « un échec total ». « En Drôme, a-t-il rappelé, au 18 novembre, on comptabilise 290 constats d’attaques, 923 victimes et l’on peut s’attendre à ce que l’hécatombe continue d’ici la fin de l’année. C’est l’équivalent de quatre troupeaux décimés. En face, nous ne sommes qu’à sept loups prélevés. » La préfète Élodie Degiovanni a assuré que la situation - qu’elle qualifie de « paroxysme de la crise » - n’a pas été sans « produire des effets de compréhension au niveau régional et national. Un mal pour un bien ». Alors que le président de la chambre d’agriculture a appelé à une évolution urgente de la législation pour davantage de prélèvements, la préfète a annoncé que « la Drôme se voit confier le groupe de travail sur l’évolution des tirs » dans le cadre du groupe national loup. « Cela va nous permettre de crédibiliser les propositions que nous avons déjà faites pour aller vers un changement radical dans la logique de la politique des tirs », a-t-elle affirmé. Un « changement radical » qui ne sera toutefois effectif que s’il est inscrit dans le nouveau plan loup attendu pour 2024.

Sophie Sabot

EN BREF

Cinq actualités sous l’œil de la chambre d’agriculture

La session du 25 novembre, menée tambour battant, a abordé plusieurs autres actualités agricoles. Les voici en cinq points.

Contrôles Pac et 3STR

Le système de suivi des surfaces en temps réel (3STR) entrera en vigueur en 2023. Il permet, à partir d’images satellite, de suivre la couverture des parcelles et devrait remplacer les contrôles de terrain. Toutefois, il suscite de nombreuses inquiétudes chez les agriculteurs. Suite à un projet déposé par la Confédération paysanne, la chambre d’agriculture de la Drôme a reformulé et adopté une motion spécifique concernant le 3STR. Objectif : demander une « véritable période d’essai » et « une mise en œuvre progressive du monitoring », « l’utilisation de technologies plus accessibles (…) n’imposant pas l’usage exclusif du smartphone », « le traitement des alertes par des corrections effectuées directement sur Telepac », des garanties sur l’usage des données recueillies et enfin la résorption dans les meilleurs délais des zones blanches du département.

Calamité sécheresse

Début novembre, 72 communes de la Drôme ont fait l’objet d’une reconnaissance anticipée. Les éleveurs concernés ont jusqu’au 6 décembre pour demander un acompte de l’indemnité calamité sécheresse*. En parallèle, la DDT a recueilli les résultats des enquêtes terrains et des bilans fourragers réalisés par la chambre d’agriculture, la FDSEA, la FDO 26. Ceux-ci confirment des pertes importantes pour les exploitations sur l’ensemble du département. Des informations que la DDT a compilé en vu du comité national de gestion des risques en agriculture du 9 décembre. Y seront examinés : le zonage définitif pour la Drôme et les taux de pertes retenus.

Salon Tech&Bio

Le salon international Tech&Bio sera de retour à Bourg-lès-Valence les 20 et 21 septembre 2023. Aux commandes de l’organisation, toujours un copilotage chambre d’agriculture de la Drôme et Chambres d’agriculture France. Parmi les nouveautés : une place élargie pour le pôle arboriculture et ses exposants, un renforcement du pôle énergie ou encore la mise en place d’un pôle spécifique « gestion de l’irrigation ». « La sobriété énergétique sera le fil vert de cette édition », a annoncé Bertrand Chareyron, directeur du salon. Il sera question à la fois de performance énergétique des exploitations mais aussi de production d’énergie.

Renouvellement des générations

« 35 % des agriculteurs drômois ont plus de 55 ans », a rappelé Sandrine Roussin, vice-présidente de la chambre d’agriculture. Le taux de renouvellement en Drôme est parmi les meilleurs de la région mais le département a tout de même perdu 300 chefs d’exploitations entre 2015 et 2019. La chambre d’agriculture de la Drôme annonce lancer début 2023 une opération spécifique de repérage des cédants. Objectif : cibler des agriculteurs de plus de 55 ans souhaitant réfléchir à l’orientation de leur entreprise sur les cinq à dix ans à venir.

Agriculture et biodiversité

Jean-Philippe Brechet, élu en charge du dossier à la chambre d’agriculture, a annoncé le lancement d’une opération drômoise pour promouvoir la biodiversité agricole. Objectifs : donner la parole au monde agricole sur la thématique biodiversité et mieux communiquer auprès du grand public et des décideurs sur les réalisations concrètes des agriculteurs. Cette opération pourrait prendre la forme d’une journée fermes ouvertes le second week-end de juin. À suivre. 

S.Sabot

* Procédure à retrouver ici.

Prévisions budgétaires

Les élus de la chambre d’agriculture ont validé le budget initial pour 2023, évalué à 10,65 M€. Il comprend notamment l’organisation de l’édition 2023 du salon Tech&Bio - qui a lieu tous les deux ans - et qui explique l’écart avec le budget 2022 (9,07 M€). 

Énergies renouvelables

Accélération en vue

Dominique Chatillon, cheffe du service « appui transition écologique et mobilités » de la DDT de la Drôme, a présenté les grandes lignes du projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables. Le texte a été adopté le 4 novembre en première lecture par le Sénat. Il est désormais entre les mains de l’Assemblée nationale, où les commissions des affaires économiques et du développement durable ont débuté son examen le 21 novembre. 

Ce texte vise à rattraper le retard pris par la France qui, en 2020, était le seul pays à ne pas avoir atteint les objectifs fixés par l'Union européenne (23 % de part de renouvelables). Il s'articule autour de trois axes : simplifier les procédures pour réduire les délais des projets d'énergies renouvelables, mobiliser des espaces délaissés ou dégradés pour augmenter les installations et mieux partager la valeur avec les territoires.

« Ce n’est qu’un projet de loi mais on y trouve déjà des choses de bon sens », a estimé Jean-Pierre Royannez. Les élus de la chambre d’agriculture seront toutefois attentifs à ce que la production d’énergie ne concurrence pas la production agricole, qu’il s’agisse d’installations agrivoltaïques ou de méthanisation.

S.S.