Installation
Yvan Jarnias,  la résilience comme force

Président des jeunes agriculteurs (JA) de la Drôme depuis mars 2022, Yvan Jarnias est aussi éleveur de vaches allaitantes sur la commune de Saint-Auban-sur-l’Ouvèze.

Yvan Jarnias,  la résilience comme force
Elus, famille, proches et jeunes agriculteurs avaient fait le déplacement jusqu’à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, où se trouve l’exploitation d’Yvan Jarnias, installé en polyculture élevage. © AP

L’inauguration de l’exploitation d’Yvan Jarnias, le 24 novembre à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, a permis aux Jeunes Agriculteurs de la Drôme - dont il est le président - de présenter le nouveau canton des JA des Baronnies, créé en janvier 2022 grâce à l’investissement d’une trentaine d’adhérents, tous sensibilisés aux problématiques actuelles (renouvellement des générations, coût de l’énergie, prédation...). Des enjeux majeurs qui ont été évoqués en présence d’une classe de BTS 2 section animale du lycée agricole Drôme provençale de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
À Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, Yvan Jarnias a créé son exploitation individuelle - hors cadre familial - en janvier 2019 en vaches allaitantes, conduites en agriculture biologique. Passionné d’agriculture, fils d’une famille de paysagistes, Yvan Jarnias est titulaire d’un baccalauréat sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (STAV) puis d’un BTS analyse et conduite des systèmes d’exploitation (Acse) obtenus au lycée agricole Olivier de Serres d’Aubenas. « Entre 2012 et 2016, je me suis installé en tant que cotisant solidaire sur des petites surfaces, en parallèle d’une activité de paysagiste pour prendre la relève familiale », explique-t-il. De 2017 et 2019, il travaille comme salarié agricole au sein d’une ferme à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze. Il trouve, dans le même temps, un terrain pour construire son bâtiment d’élevage (investissement de 200 000 €, dont 54 900 € de dotation jeunes agriculteurs, ndlr), qu’il réalise en auto construction (hors charpente) entre octobre 2019 et novembre 2020. « Je suis très attaché à ma région, donc je suis content d’avoir eu cette opportunité, même si cela est le fruit d’un long travail. J’ai mis dix ans pour réussir à avoir assez de terres et créer mon exploitation. Il a fallu être patient », raconte-t-il. 

Objectif de 24 veaux à l’année

S’il a débuté avec 10 vaches, son cheptel compte aujourd’hui 30 mères de race Aubrac, connue pour sa rusticité. Il vend ses veaux sous la mère, à environ six mois, abattus à Gap. La viande est découpée et mise sous vide dans une boucherie locale, puis commercialisée en vente directe à la ferme, en livraison à des particuliers ou encore à la cantine locale. 
Il dispose aujourd’hui d’une surface agricole utile de 160 ha, dont 15 ha labourables pour l’autonomie alimentaire de son troupeau (ray-grass, trèfle, triticale, orge…) et 3 ha en arboriculture (oliviers et amandiers), le reste étant des parcours. « Ces surfaces m’obligent à changer mes parcs régulièrement, en fonction de l’exposition et de la saison. Pour des questions d’entretien, nous utilisons uniquement des clôtures mobiles, c’est-à-dire que nous ne laissons aucun piquet ou fil. Nous aimerions prochainement évoluer en nous dotant du dispositif NoFence (start-up norvégienne). C’est un système qui consiste à gérer notre troupeau à distance via une application, en créant des clôtures virtuelles par le biais de colliers GPS que l’on mettrait à nos bêtes. Ce serait une piste d’évolution importante pour nous, surtout dans des endroits très difficiles d’accès », annonce Yvan Jarnias. La réouverture du milieu forestier demande en effet un gros travail d’entretien. « C’est aussi la raison pour laquelle j’ai fait l’acquisition, l’an passé, d’un broyeur forestier. J’ai donc débuté, en même temps, une activité de prestation de broyage à façon pour m’aider à financer le matériel. »

Vers la création d’un atelier poules pondeuses 

À court terme, son exploitation va prendre un nouveau tournant. Il a comme projet, début 2023, de créer un Gaec avec sa compagne Amélie, ingénieure agronome de métier. Cette dernière s’occupera notamment d’un atelier de 120 poules pondeuses en vente directe (avec projet futur de 250 poules, ndlr), « pour rajouter une activité économique sur l’exploitation », dit-il. Pour mener à bien ce projet, le couple d’éleveurs envisage également d’agrandir leur bâtiment pour stocker les matériels et les céréales, mais aussi héberger un centre agréé d’emballage œufs.

Amandine Priolet

Yvan Jarnias :  « Le loup est partout »
© AP
Témoignages

Yvan Jarnias :  « Le loup est partout »

À chaque inauguration, les JA de la Drôme évoquent un thème faisant référence à une problématique rencontrée par le nouvel installé. Celui évoqué le 24 novembre concerne la prédation. Dans les Baronnies notamment, les conséquences du loup sur l’élevage sont importantes. Pour Yvan Jarnias, « la prédation devient pour nous un gros souci, surtout avec des veaux et des vêlages. C’est un stress permanent ». Ses bêtes évoluant dans un milieu fermé très extensif, à travers des parcours de forêts, sont difficiles à surveiller. « Les loups sont partout, y compris le matin proche des habitations, dans les parcs. Aujourd’hui, j’interdis à mes enfants de jouer en lisière de bois, à proximité de notre habitation. Mais je ne veux pas qu’ils vivent avec cette peur… », s’inquiète Yvan Jarnias. L’éleveur et président des JA espère une régulation logique des meutes par secteur… « Actuellement, nous ne sommes pas les plus à plaindre, relativise-t-il. Les éleveurs de brebis sont davantage impactés, avec des attaques qui s’enchainent. La situation devient ingérable, tant matériellement que psychologiquement. L’impact économique est lui aussi important. Ce contexte remet en question l’élevage plein air », regrette le président des JA de la Drôme.
Amenée à témoigner, Mélissa Martin, jeune éleveuse de brebis à Mévouillon, s’est montrée très affectée suite à une attaque subie en septembre dernier lors d’une période en estive à Aulan. « Avec deux collègues éleveurs, nous montons 800 brebis et sept chiens de protection en estive. Nous nous sommes fait toucher par la prédation en pleine journée, avec une centaine de bêtes impactées et ce malgré des fils électriques de 1,80 m », souligne-t-elle. Pire encore, elle a tenté de sauver une de ses brebis attaquée par un loup à seulement un mètre d’elle. « J’ai utilisé une corde pour le faire fuir », confie-t-elle, avec émotion.

A. P.