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Intempéries

Blé : quelles conséquences pour les semis retardés ?

Le retour tant attendu des pluies a enfin eu lieu, avec l'installation d'un temps perturbé depuis bientôt deux mois, et des cumuls de pluie (très) : 250 à 420 mm selon les situations de Rhône-Alpes. Au-delà des quantités d'eau recueillies c'est le nombre de jours de pluie (1 jour sur 2) qui a perturbé les chantiers de semis. Une partie de la sole de céréales a pu être implantée avant ces pluies et en passant entre les gouttes mais il reste une surface significative à semer.
Blé : quelles conséquences pour les semis retardés ?

Les semis tardifs induisent un certain nombre de risques climatiques pour les cultures :
• Levée lente : la température est le principal moteur de la germination et de la levée : il faut en moyenne 150 degrés jours en base 0 pour faire lever une céréale à paille (éventuellement plus pour des semis profonds ou des surfaces très motteuses). Cette phase peut facilement dépasser un mois pendant les périodes les plus froides de l'hiver.
• Froid avant le stade tallage : la résistance au froid des cultures augmente progressivement au fur et à mesure de la vernalisation. Des plantules au stade coléoptile ou 1 feuille n'ont donc pas eu le temps de s'endurcir, et sont fragiles vis-à-vis d'une chute brutale des températures. Les semis tardifs s'exposent donc à des pertes de pied par gel des plantules. Ceci est vrai plus particulièrement pour les orges qui présentent une certaine sensibilité au froid au stade jeune.
• Forte réduction du tallage : si l'hiver est froid, la culture aura peu d'opportunités de taller avant le début de la montaison. Dans ces cas, le tallage se prolonge souvent après épi 1cm et le taux de montée des tiges est correct, mais le peuplement épi peut quand même être affecté.
• Décalage de cycle : le retard au semis ne sera en aucun cas comblé à la montaison et au remplissage (à variété égale) ; tout au plus, il sera réduit à une semaine ou 10 jours à épiaison mais ceci peut être suffisant pour conduire à de fortes pénalités si le printemps est sec ou chaud. De plus, chaque phase d'élaboration du rendement sera raccourcie, limitant la mise en place de chaque composante.
• Potentiel de rendement probablement affecté : un retard de 4 à 5 semaines par rapport à la date idéale peut entraîner une diminution du potentiel de 5 à 20 % en fonction des conditions que la culture rencontrera en fin de cycle.

 

A consulter les caractéristiques physiologiques en blé tendre et la densité optimale de semis

Conséquences pour les semis de l'automne 2019

Pour le blé tendre, compte tenu des variétés utilisées dans notre région, les semis sont encore possibles jusqu'à fin décembre voire au-delà pour la partie sud de notre région. Si les semis n'ont pu se réaliser d'ici le 20 décembre il faudra se poser la question du choix variétal (voir tableau précocité ci-dessous). Dans nos préconisations, la date de semis maximum est bornée par le caractère plus ou moins hiver des variétés, on sait qu'elles n'ont pas toutes les mêmes exigences en matière de jours courts et froids pour passer au stade reproducteur. Ce que l'on ignore généralement, c'est que ce phénomène appelé vernalisation a un optimum compris entre + 3 et + 10 °C : on devrait parler de jours frais plutôt que de jours froids.
Lorsque les semis sont fortement retardés (fin décembre et au-delà), il devient indispensable de prendre en compte l'alternativité. En effet, ce critère traduit l'aptitude d'une variété à épier en l'absence de période fraîche pendant l'hiver. Ainsi, une variété hiver (note d'alternativité de 2) ou très hiver (note 1) nécessite entre 6 et 8 semaines de vernalisation, contre 1 à 3 semaines pour les variétés demi-alternatives ou alternatives (notes supérieures ou égales à 6). Autrement dit, une variété très hiver implantée en février ou mars présente une forte probabilité de ne pas voir ses besoins en vernalisation satisfaits, et donc de ne pas pouvoir épier à une période favorable.
Le blé dur a des besoins de vernalisation minimes, on peut donc l'implanter tardivement quelle que soit la variété. Il en est de même pour les blés tendres améliorants.
Pour les deux espèces : blé tendre et blé dur, les semis tardifs sont exposés à l'arrivée du froid à des stades précoces, lorsque les plantules sont encore très sensibles. Le choix d'une variété plus résistance au gel est donc une parade judicieuse. Pour ces semis tardifs, il faut néanmoins prendre quelques précautions :
• La réalisation d'un lit de semences correct est la condition sine qua non pour envisager un semis afin d'assurer une qualité d'enracinement optimale. Mieux vaut retarder un semis que de le réaliser dans de mauvaises conditions.
• Les céréales à paille sont moins sensibles que d'autres cultures aux conditions froides à l'implantation, et peuvent mettre plusieurs semaines à lever sans trop de dommages, leur enracinement se met également en place sur une longue durée.
• La densité de semis sera adaptée à la tardiveté du semis, il faut majorer les densités de semis de 15 à 25 % par rapport à un semis à date optimum (voir tableau ci-dessous).
• Les graines seront positionnées à 3 cm de profondeur maxi, pour ne pas allonger encore la période semis-levée en semant trop profondément.
Ne pas désherber en prélevée, on ajustera les interventions au vu des levées d'adventices. 
Yves Pousset,
Arvalis-Institut du végétal