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Varenne de l’eau

La nécessité de stocker l’eau

Les entreprises de l’eau et les chambres d’agriculture ont récemment fait le même constat lors d’un échange de vues : les besoins en eau sont en croissance et le climat s’emballe.

La nécessité de stocker l’eau
Sur les 37 milliards de mètres cubes prélevés en France chaque année, 48 % sont destinés aux usages domestiques, 29 % à l’agriculture et 24 % à l’industrie (hors énergie). ©Actuagri

« Ça va plus vite que ce que nous avions imaginé. Les épisodes cévenols se multiplient, la moisson se fait trois semaines plus tôt qu’avant. Depuis 2015, les plus grosses pertes agricoles sont dues aux sécheresses », a déclaré André Bernard, président de la chambre d’agriculture du Vaucluse et vice-président de l’APCA*. Il devient urgent de sécuriser la ressource en qualité et en quantité ont affirmé les représentants des entreprises de l’eau et des chambres d’agriculture lors d’une rencontre avec la presse la semaine passée.

« On a le sentiment que le sujet est maîtrisé, l’eau coule au robinet, tout va bien. Mais nous ne sommes pas de cet avis. » a alerté Maximilien Pelligrini, président de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), une fédération qui distribue l’eau à deux français sur trois et dépollue les eaux usées de 35 millions de personnes. Sur les 37 milliards de mètres cubes prélevés en France chaque année, 48 % sont destinés aux usages domestiques, 29 % à l’agriculture et 24 % à l’industrie (hors énergie).

Traitement des eaux usées 

Les deux parties sont satisfaites de l’approche initiée par le Varenne de l’eau mais la FP2E regrette que le plan de relance de 30 milliards ne consacre que 300 millions aux problématiques de l’eau. Pour limiter les pertes sur le réseau, qui représentent un litre sur cinq, il faudrait augmenter les investissements de 6,5 à 10 milliards d’euros. Il faudrait également, selon elle, augmenter le potentiel de réutilisation des eaux usées traitées. D’autant que depuis une dizaine d’années les techniques se sont améliorées. Les boues issues de ces traitements sont transformées en biogaz et permettent de récupérer du phosphore. Cependant, en France, à peine 1 % des eaux traitées sont réutilisées, 11 millions de mètres cubes seulement sur 8,4 milliards de mètres cubes d’eaux traitées. L’Italie en réutilise 10 %, l’Espagne 14 % et Israël 95 %. Un des objectifs serait de mieux réutiliser ces eaux traitées, au lieu, par exemple, de nettoyer la voirie avec de l’eau potable.

La technologie est là, mais pour renforcer les investissements il faudrait augmenter le prix de l’eau, que les consommateurs trouvent déjà trop chère à 4 euros le mètre cube, 15 % moins chère qu’en Allemagne.  Il faudrait surtout, préconise la FP2E, établir une réglementation et un tarif en fonction des usages. 

Position radicale des ONG

André Bernard a rappelé les progrès faits par le monde agricole dans sa gestion de l’eau. Producteur de tomates dans le Vaucluse, il utilisait 40 à 50 000 mètres cubes par hectare il y a trente ans, puis « le goutte à goutte est arrivé, la consommation est descendue à 5 000 mètres cubes et maintenant grâce aux outils connectés et aux stations-météo, nous sommes arrivés à 2 500 mètres cubes par hectare. » En trente ans, l’agriculture, tous secteurs confondus, a réduit sa consommation d’eau de 30 %. « Il y a vingt ans, il suffisait de faire un forage pour avoir accès à l’eau. Aujourd’hui, chaque agriculteur déclare ce qu’il consomme et ce sont les chambres qui sont chargées de cette comptabilité. » poursuit André Bernard, avant d’insister sur la nécessité de stocker l’eau. Stockages rendus difficiles par la position radicale de certaines ONG. « Si vous placez une cuve sous des gouttières pour récupérer l’eau de pluie, on vous donne une médaille. Mais si un agriculteur fait un trou de 0,5 ha pour stocker l’eau, c’est un criminel », a-t-il lancé avec une pointe d’humour. La France ne stocke aujourd’hui que 4 à 5 % de son eau alors que l’Espagne en stocke près de la moitié. « Nous achetons du fourrage à l’Espagne, produit avec de l’eau stockée grâce aux fonds européens », s’insurge André Bernard. Pour garantir la qualité de l’eau, la FP2E et les chambres d’agriculture développent des initiatives pour améliorer la protection des captages d’eau. Les trois quarts des captages bénéficient aujourd’hui de périmètres de protection, soit 85 % du volume prélevé en France.

* APCA : association permanente des chambres d'agriculture.