PRÉDATION
Loup : « Pour une gestion locale de l’intervention des lieutenants de louveterie »

Frédéric Gontard, président de la Fédération ovine de la Drôme (FDO 26) revient sur l’explosion du nombre d’attaques par le loup en Drôme.

Loup : « Pour une gestion locale de l’intervention des lieutenants de louveterie »
Frédéric Gontard, président de la Fédération ovine de la Drôme (FDO 26). ©AD26.

Le nombre d’attaques de loups depuis le début de l'année est alarmant. Quel est votre regard sur la situation ? 

Frédéric Gontard : « Ces chiffres sont catastrophiques, je n’ai plus de mots pour décrire cette situation. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que les attaques s’étendent désormais à de nouveaux territoires du département, non pas parce que les mesures mises en place chassent les loups mais bien parce que leur nombre augmente et que de jeunes loups partent s’installer ailleurs. Aucune meute n’a disparu du département. Elles sont bien là. Dans les zones où l’on trouve le plus d’éleveurs professionnels, le Diois, la vallée de la Gervanne par exemple, on n’a pas vu d’explosion du nombre d’attaques en ce début d’année parce que les brebis étaient en bâtiment et que le nombre de chiens de protection y est important. Mais en mettant toujours plus de chiens de protection, nous, éleveurs, nous tirons une balle dans le pied car l’État nous dit “regardez il n’y a plus d’attaque”. Jusqu’où devrons nous aller ? La FDO 26 avait prévu d’aller rencontrer un éleveur de Canjuers dans le Var. Pour se protéger du loup, il a quarante chiens de protection pour 1 500 brebis ! Est-ce la seule solution qu’on nous propose ? D’autant que beaucoup d’attaques depuis le début de l’année concernent des petits troupeaux non professionnels, destinés à l’entretien des abords de ferme ou de terrains de particuliers. Eux ne prendront pas de chiens de protection. Ce qui revient à dire qu’aujourd’hui, en Drôme, il n’est plus possible d’avoir dix brebis autour de chez soi pour nettoyer. »

Selon vous, les politiques menées pour faire cohabiter loups et activités d’élevage sont-elles suffisantes ? Les éleveurs sont-ils suffisamment soutenus face à la prédation ? 

F.G. : « Cohabiter, c’est effectivement le seul mot qui revient dans la bouche de ceux qui prennent les décisions au plus haut niveau de l’État. Car il faut bien se rendre compte que rien ne se décide à l’échelle départementale. La sous-préfète de Die, en charge des questions du loup dans la Drôme, et la préfète ne sont que de simples intermédiaires. Tout se décide à l’échelle du préfet coordonnateur du plan loup [Pascal Mailhos, préfet de région Auvergne-Rhône-Alpes, ndlr] et du préfet référent [Jean-Paul Célet, ndlr]. Le loup est surprotégé. Les mesures proposées sont volontairement trop complexes d’un point de vue administratif. Les éleveurs finissent par renoncer à les demander. Pour obtenir des tirs de défense par exemple, cela se décide depuis un bureau de préfet, non pas en fonction de la réalité vécue par l’éleveur mais du quota de loups qui pourront être prélevés dans l’année [120 pour 2022, ndlr]. Si sur le mois il y a déjà eu trop de prélèvements, l’obtention des tirs de défense est ralentie. Or, cette année, le nombre d’attaques grimpe en flèche sans qu’il soit possible d’augmenter le quota de loups à prélever. »

Quelle(s) mesure(s) faudrait-il prendre selon vous ? 

F.G. : « Ce que nous demandons, c’est la suppression de ce cheminement administratif lourd. Nous souhaitons que le prélèvement des loups qui attaquent les troupeaux soit géré localement. La solution serait que les éleveurs puissent appeler directement les lieutenants de louveterie en cas d’attaque et que ceux-ci interviennent aussitôt. La semaine dernière par exemple, j’ai contacté la préfecture pour un tir de défense renforcé chez un éleveur en difficulté. On m’a répondu que la préfecture était fermée vendredi [le 27 mai, ndlr] et qu’il faudrait donc voir lundi. Ce n’est pas possible. Tout est fait pour que les attaques sur nos brebis se multiplient. Or il faut à tout prix que le loup apprenne à avoir peur de s’attaquer à un troupeau. Les lieutenants de louveterie, quand le préfet les autorise à sortir, sont particulièrement efficaces pour cela. »

Où en est le futur plan loup ?

F.G. : « Pour le moment rien ne filtre. Les organisations syndicales ont été sollicitées pour faire des propositions, ce que nous avons fait au niveau de la fédération nationale ovine (FNO). En termes de calendrier, ce plan est annoncé pour juin 2023 mais j’ai l’impression que l’État n’est pas pressé de le faire sortir. D’autant qu’avec l’augmentation du nombre de départements concernés et du nombre d’attaques, il faudra bien augmenter les enveloppes. »

L’horizon est donc plutôt sombre pour les éleveurs ? 

F.G. : « C’est d’autant plus terrible que l’élevage ovin est totalement respectueux de l’environnement. Avec notre mode d’élevage extensif, nous entretenons la nature, les espaces et chemins pour les randonneurs. Ceux qui veulent absolument le loup dans ces espaces ne comprennent pas qu’ils vont contre leurs intérêts. Pour eux, le loup revient, donc la nature revient. À croire que cela les dispense de faire eux-mêmes des efforts pour l’environnement et de s’interroger sur les 900 km de bouchons sur les autoroutes lors du week-end de l’Ascension. Au final, le plus dommageable dans cette gestion du loup, c’est pour la société. Quand les élevages disparaîtront, parce que trop peu de jeunes voudront continuer, c’est là qu’on s’apercevra vraiment du boulot des éleveurs ovins. »

Propos recueillis par Sophie Sabot

Soit un nombre d’attaques et un nombre de victimes indemnisées multipliés par 2,5 entre 2021 et 2022. À noter, ces chiffres ont également été multipliés par plus de 5 entre 2018 et 2022.