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NUCICULTURE

Argile et noyers  font bon ménage  

Initialement reconnu dans la lutte contre la mouche du brou, le traitement des noyers à l’argile fait ses preuves contre les coups de soleil.

Argile et noyers  font bon ménage  
Un puissant pulvérisateur est nécessaire pour que les gouttelettes d’argile puissent atteindre la canopée des noyers.

La pulvérisation des fruitiers à l’argile était initialement destinée à la lutte contre la mouche du brou. Avec le réchauffement climatique, cette méthode est aussi pertinente en nuciculture pour protéger les fruits sur l’arbre des coups de soleil. De la technique à la pratique, Coopenoix a proposé, début juin, aux producteurs de noix une journée dédiée à l’application de l’argile sur les noyers.  
Car on ne pulvérise pas sur des grands arbres dont la canopée culmine à 
15 mètres comme sur d’autres fruitiers. « La pulvérisation d’argile fonctionne si elle est très bien appliquée », insiste Renaud Cavalier, conseiller en agroéquipement à la chambre d’agriculture du Gard. Plusieurs tests ont été effectués (pression, vitesse différentes) avec deux puissants pulvérisateurs afin d’évaluer la faisabilité du traitement. La démonstration a eu lieu dans des parcelles de franquette où les arbres sont à 11 mètres d’écartement. D’autres essais ont eu lieu sur lara, des vergers plus denses, mais où les arbres sont moins hauts.    

Deux pulvérisateurs à l’essai  

Le premier passage a été réalisé avec le Pulvé S21 de 3 000 litres que commercialise la société PulvérisationS21 à Samazan (47). Il est équipé d’une pompe haute pression et de quatre ventilateurs à rotation inversée. « Le plus important dans les gros vergers, c’est la ventilation. Le débit d’air doit être régulier. Lorsqu’on passe la main sur la turbine, on doit sentir une homogénéité de puissance de l’air. Vient ensuite le positionnement et le choix des buses », détaille Renaud Cavalier. Le S21 dispose d’un équipement mixte avec six buses à turbulence rouges (ATR), six en céramique rose et une autre série à gerbe réglable. Le nombre d’hydro injecteurs (1 à 4) dépendra du volume de la cuve. Ce pulvérisateur tracté est monté sur un essieu à frein hydraulique. Il a l’homologation routière.
Tout aussi puissant, l’autre pulvérisateur, de 4 000 litres, est celui de la société iséroise C2M installée à Beaulieu et dont la noyeraie servait de cadre aux essais.
Plusieurs critères sont à retenir, estime Renaud Cavalier : la qualité des buses, en céramique de préférence (roses), le brassage de la cuve pour éviter le dépôt d’argile et la puissance de la ventilation. Deux ou quatre turbines à rotation inversée d’un diamètre de 760 mm à 900 mm sont nécessaires pour envoyer la solution au plus haut. Une attention particulière sera aussi accordée au rinçage de la cuve.

Buses à turbulence  

Un atelier vidéo avec un drone prenant des vues au-dessus des arbres a permis de se rendre compte de l’efficacité du passage du pulvérisateur.
Sur les gros vergers, un volume de 900 l/ ha est à privilégier. Mais attention : des gouttelettes trop fines, bien que plus couvrantes, auront du mal à atteindre le haut de la canopée. Il conviendra donc de lever le pied (3 ou 4 km/h) pour permettre à la préparation d’être projetée le plus haut possible. Du réglage du volume d’eau à l’hectare dépend la qualité de couvrant. Un mouillage insuffisant laisse sur un feuillage sec des tâches grossières, un mouillage trop important favorise l’écoulement vers la pointe des feuilles. Les buses à turbulence types ATR assurent la meilleure répartition.
Dans un verger de petite taille, le traitement peut s’effectuer à haut débit. Enfin, les conseillers recommandent de ne pas dépasser 12 bars de pression afin d’éviter l’usure des régulateurs de pression. Dans tous les cas, il s’agira d’ajuster la pression, le débit et la vitesse afin d’obtenir un recouvrement optimal de la végétation.
Cependant, l’investissement dans ce type de matériel, qui reste individuel, est conséquent.
Isabelle Doucet

Le kaolin pour la mouche,  les pucerons et le soleil 

Le kaolin pour la mouche,  les pucerons et le soleil 
Patricia Blanc d’Agrisynergie présente les panneaux que les arboriculteurs peuvent placer aux abords de leurs parcelles traitées à l’argile.

Le kaolin et son adjuvant assurent une couverture optimale. Le produit utilisé lors de cette démonstration est le kaolin Sokalciarbo (Agrisynergie). Cette argile blanche extraite en Bretagne est un produit de biocontrôle à l’IFT 0. Sur noyers, elle est homologuée pour les pucerons, la mouche du brou et les coups de soleil. L’application recommandée est 60 kg/ ha la première fois, puis 30 kg/ha les fois suivantes. La concentration en arboriculture est de 7 %. Pour la mouche, la première application aura lieu avant la ponte. « En adhérant au végétal, l’argile gêne la mouche lorsqu’elle veut pondre et elle s’en va », explique Patricia Blanc, responsable Sud-Est. Elle annonce un taux d’efficacité de 85 % tout en précisant que la pluie ou le vent peuvent avoir une action limitante et nécessiter un retour dans la parcelle.
Les études concernant l’action du kaolin sur la photosynthèse prouvent que son application écarte les rayons infrarouge et ultraviolet. « La plante chauffe moins, transpire moins, a plus d’eau et absorbe davantage de CO2 », assure Patricia Blanc. Des essais sur pommiers et cerisiers, dans le respect des doses et des périodes de pulvérisation, ne relèvent aucun problème. « L’argile a un pH neutre et ne provoque aucun échange avec les autres produits », ajoute la technicienne. Selon les années, il sera nécessaire de passer une à six fois dans les parcelles.
Seul bémol, le produit est un peu abrasif, c’est aussi ce qui en fait son efficacité. Agrisynergie conseille d’utiliser un atomiseur muni d’une pompe à piston-membrane. « Le produit peut aller jusqu’en haut, avec certains réglages, une certaine ventilation, une certaine vitesse », insiste Patricia Blanc.
Elle ajoute que pour une meilleure communication auprès du voisinage de parcelle sur les traitements dans les vergers avec ces produits de biocontrôle, Agrisynergie propose à ses utilisateurs des panneaux d’information. Car le changement de couleur des arbres peut interroger et il convient d’expliquer les pratiques.

Un adjuvant pour sécuriser

L’adjuvant recommandé est l’Helioterpen film (Action pin, 40) aussi utilisable en agriculture biologique. C’est un produit d’origine végétale réalisé à base de dérivés du pin. La technologie de terpènes de pin est obtenue de l’extraction, à partir de sous-produits de la papèterie, d’oligomères terpéniques (910 g/l) principalement. Son rôle est de sécuriser l’application. Les propriétés attendues sont la limitation de la dérive (50 %), l’optimisation de la couverture, l’effet anti-rebond, une meilleure pénétration, le retard de la dessiccation des gouttes et la réduction du lessivage. Helioterpen est homologué en arboriculture à 0,2 % (environ 2  litres/ hectare). 

I. D.

En pratique

Pour bien préparer sa bouillie, il faut procéder dans l’ordre : 
- remplir la cuve au ¾,
- lancer l’agitation,
- mettre l’adjuvant,
- mettre le produit,
- compléter le volume d’eau,
- et traiter.
En cas de panne ou de cuve non terminée, il est recommandé soit de transvaser le produit, soit de le laisser déposer. Il faudra alors passer le jet d’eau pour remettre le fond de cuve en suspension, puis seulement alors relancer le brassage.

Des outils
La chambre d’agriculture du Gard a développé plusieurs outils d’aide à la pulvérisation. En effet, Renaud Cavalier est à la fois conseiller et Géo Trouvetou. Il a conçu et mis au point toute une série de matériels pour faciliter la vie des agriculteurs, commercialisés par la chambre d’agriculture. 
Le plus simple est sans doute le rinçotop, sorte de pistolet rince bidon. C’est surtout le topincorpo, dédié à la préparation des bouillies mères, qui a été présenté aux nuciculteurs. Adapté à l’argile, il a été initialement mis au point pour le traitement de la vigne. Cet outil, conçu ergonomiquement, permet la préparation d’une bouillie homogène. Il est aussi multifonction car il sert au brassage des bouillies, mais aussi à leur stockage en cas d’arrêt intempestif de la pulvérisation, ou encore à pomper les eaux de lavage du pulvé. Fabriqué sur commande, il coûte quand-même autour de 6 000 euros.