CIRCUIT COURT
Du lait de la Drôme dans des glaces de Provence
Des glaces fabriquées exclusivement à partir de lait provenant de Drôme et d’Ardèche. C’est la volonté de Johan Mariman et de ses associés sous la marque Glaces de Provence. En mai dernier, le « maestro gelato » a rencontré l’entreprise Biolait chez Samy Raspail, éleveur à Comps, pour réfléchir aux termes d’un partenariat.
« Je cherchais du lait local et j’ai découvert Samy Raspail. Je suis venu visiter son exploitation avec l’un des mes associés. La qualité du travail, la passion de l’éleveur, tout ça nous a vraiment plu. C’est vraiment ce type de lait que j’ai envie de travailler », résume Johan Mariman. L’entrepreneur connaît son sujet. Installé à Allan depuis 2005, il est chef cuisinier, chef pâtissier mais aussi « maestro gelato », formé à la fabrication traditionnelle du gelato. Cette spécialité italienne se distingue de la crème glacée car elle ne contient que du lait, et non de la crème, et très peu d’air (20 % contre 50 dans la plupart des glaces industrielles). Johan Mariman a pris contact avec Samy Raspail dès l’automne 2022 dans la perspective de la mise en service de sa nouvelle unité de production à Malataverne (lire ci-dessous).
Contrat « départ ferme »
L’éleveur a accueilli cette demande avec intérêt. Installé à Comps, entre Bourdeaux et Dieulefit, il produit annuellement 400 000 litres de lait bio. Il est une exception dans ce territoire de la Drôme provençale, où il est le dernier éleveur de vaches laitières. « Ma survie, je la dois à Biolait qui a accepté en 2019, après ma conversion, de venir collecter ici [alors que les autres éleveurs alentours venaient d’abandonner la production laitière, ndlr]. Cela représente un détour de 40 km sur la tournée », souligne Samy Raspail. Une collecte assurée, certes, mais dans un contexte économique des plus tendu, entre explosion des coûts de production et recul de la consommation sur les produits laitiers bio qui a fait totalement décrocher le prix du lait bio. Au départ l’idée était de travailler dans le cadre d’un contrat « départ ferme » entre Biolait et le glacier de Malataverne, qui aurait permis à Samy Raspail de bénéficier en plus du prix de son lait d’une indemnité compensatrice. « Dans le cadre de son contrat avec le groupement de producteurs Biolait, l’éleveur a une obligation d’apport total. C’est pourquoi, pour répondre aux demandes particulières de certains clients - notamment des artisans qui souhaitent de petits volumes où qui ont des contraintes de qualité particulières -, nous avons mis en place le contrat “départ ferme” », explique Isabelle Machabert, commerciale chez Biolait. En contrepartie des contraintes occasionnées par ce départ ferme (présence quand le client vient chercher son lait, lavage supplémentaire du tank….), l’éleveur perçoit une indemnité.
« La bio partout et pour tous »
Aujourd’hui, la moitié des contrats de Biolait sur 120 clients sont des « départs ferme » mais ils ne représentent que 4 % des volumes. Soit des charges importantes (gestion des plannings, facturation, dé-densification des tournées notamment). Toutefois, insiste Isabelle Machabert, « c’est un souhait de nos administrateurs afin de répondre aux enjeux du projet politique du groupement : la bio partout et pour tous. Aujourd’hui, sans ces contrats, nous savons que certains artisans ne trouveraient pas les volumes de lait bio dont ils ont besoin. »
Pour Johan Mariman, un contrat de ce type offrait la garantie de travailler le lait de l’exploitation qu’il avait lui-même choisie. Mais le « départ ferme » impliquait soit que le glacier assure lui-même la collecte à l’aide de citernes de petit volume et donc qu’il dispose d’un agrément spécifique pour ce transport et que l’un de ses salariés puisse l’assurer ; soit qu’il passe par un prestataire, qui assure une collecte exclusive. Dans les deux cas, le coût s’est avéré trop important. D’où la décision, prise début septembre, que Biolait livre au glacier un mélange de lait issu de la tournée qui passe par l’exploitation de Samy Raspail. L’éleveur ne bénéficiera donc pas directement d’une indemnité « départ ferme ». « Mais, précise Isabelle Machabert, l’option retenue permet tout de même une valorisation de la collecte locale. En effet, en fournissant à un artisan du lait de son territoire, nous limitons les coûts de livraison, dans l’intérêt de tous nos adhérents locaux. » Neuf producteurs, cinq en Drôme et quatre en Ardèche, devraient donc voir une partie de leur lait transformé en glaces de Provence. Une opportunité offerte grâce à la qualité du travail de Samy Raspail qui a séduit le « maestro gelato » Johan Mariman.
Sophie Sabot
Une unité de production à Malataverne
Au printemps 2022, Johan Mariman a créé la société Drôme Saveurs avec trois associés dans l’objectif de lancer une production de glaces « haut de gamme », fabriquées à partir de matières premières locales. La production aurait dû démarrer dans son unité de Malataverne en juin dernier, mais l’entrepreneur a été confronté à de lourds aléas de livraison des équipements nécessaires à la fabrication du gelato, spécialité italienne uniquement à base de lait, sans ajout de crème. « Nous avons pris plusieurs mois de retard sur notre calendrier de production », indique le glacier. Mi-octobre, il a pu réaliser ses premiers tests de fabrication avec le lait, cru et bio, livré par Biolait. Contacté la semaine dernière, Johan Mariman attendait les résultats des analyses sur ses produits afin de lancer la fabrication à plus grande échelle. Objectif : proposer des bûches glacées aux saveurs de la Drôme provençale pour les fêtes de fin d’année.