SANITAIRE
Brucellose bovine : « Pas d’abattage tant que la maladie n’est pas éradiquée dans la faune sauvage »

Le 10 novembre, un animal d’élevage haut-savoyard a été officiellement confirmé positif à la brucellose bovine.  Depuis le statut indemne de brucellose est suspendu pour la Haute-Savoie.

Brucellose bovine : « Pas d’abattage tant que la maladie n’est pas éradiquée dans la faune sauvage »
La souche de brucellose détectée est identique à celle qui touche les bouquetins du massif du Bargy. © DR

Un cas de brucellose bovine a été confirmé le 9 novembre dans une exploitation laitière de Haute-Savoie, a communiqué la préfecture du département dans la soirée du 10 novembre. La surveillance sanitaire régulière avait déjà détecté une suspicion sur une jeune vache le 20 octobre. Dans l’intervalle, les analyses bactériologiques et moléculaires conduites en laboratoire ont avéré l’infection. Pour le moment, tout le reste du troupeau composé d’un peu plus de 200 bovins est sain. Mais en vertu des accords internationaux pour préserver le statut indemne de la France à l’export, une réglementation très stricte prévoit obligatoirement depuis 2008 l’élimination de la totalité du cheptel en cas d’infection de brucellose. Par mesure de protection vis-à-vis de l’élevage concerné, son identité n’est pas révélée. Depuis le 10  novembre, le statut indemne de brucellose est suspendu pour la Haute-Savoie (marché d’environ 500 veaux / semaine vers l’Italie et l’Espagne).

Les analyses bactériologiques et moléculaires conduites en laboratoire ont confirmé la suspicion de brucellose.

La souche origine Bargy prouvée

Le 22 novembre, il a été confirmé que la souche de brucellose détectée est identique à celle qui touche les bouquetins du massif du Bargy. Pour la profession agricole, ce dangereux réservoir d’infection fait courir depuis plus de dix ans une grave menace sur la filière fromagère et l’ensemble de l’agriculture. Le président de la FDSEA des Savoie, très investi sur ce dossier, s’insurge :  « Tous les éleveurs situés autour du Bargy ou qui y montent en alpage vivent tous les jours avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’est inadmissible et irresponsable, l’État doit agir pour éradiquer au plus vite ce foyer persistant dans la faune sauvage », répète Bernard Mogenet à chaque fois qu’il est interrogé sur le sujet. Il tient pour responsables les gouvernements qui se sont succédé et qui « n’ont jamais pris la mesure du problème depuis la première contamination d’un élevage du Grand-Bornand en 2012 à partir des bouquetins du Bargy ». Le troupeau de l’éleveur avait été abattu et depuis, l’épizootie de brucellose a continué à prospérer parmi l’effectif de 300 à 350 bouquetins dont 20 % sont potentiellement malades (chiffres préfecture 2020). Les plans d’assainissement mis en place ne prévoyaient que l’euthanasie des animaux susceptibles de véhiculer la maladie. Avec seulement 50 bouquetins testés/an, ils manquaient d’ambition et de moyens pour parvenir à réellement assainir le massif. La seule mesure forte (destruction de 20 sujets/an au cœur du foyer) a été cassée par les opposants environnementalistes. « Ces mesurettes ont été construites autour d’une doctrine mortifère des sachants de la bien-pensance écologiste. On l’avait dit, elles n’ont eu aucune efficacité. Nous avons multiplié les avertissements sur la dangerosité de ce foyer récurrent de brucellose au milieu d’une zone fromagère au lait cru. Pendant des années, on nous a ri au nez et personne ne nous a pris au sérieux. C’est un grand malheur pour l’agriculture de la Haute-Savoie, 70 ans de génétique animale sont foutus en l’air à cause de l’inaction de certains ». Bernard Mogenet étudie en ce moment la possibilité d’une plainte « contre l’État et contre certaines associations environnementalistes qui ont fait et font encore barrage à l’assainissement ».

Une « épreuve insoutenable » 

Une cellule de crise a été activée, en lien avec les autorités ministérielles et sanitaires au plus haut niveau. Avec plusieurs autres responsables agricoles et de filières, le président de la FDSEA s’est rendu sur l’exploitation pour épauler les éleveurs face à cette « épreuve insoutenable ». Par précaution, le lait de la ferme est écarté et pasteurisé depuis octobre. La trentaine de tonnes de fromages fabriqués depuis septembre, en partie avec la collecte de l’exploitation, a été bloquée (60 jours réglementaires). Les responsables professionnels et politiques des Savoie (Cédric Laboret, Marie-Louise Donzel, Martial Saddier…) ont activement travaillé sur la communication préfectorale afin de protéger l’élevage et minimiser l’impact sur la filière fromagère et la coopérative laitière. Bernard Mogenet demande d’ailleurs un fonds d’urgence gouvernemental à très court terme pour aider la coopérative à faire face à cette perte économique importante, non couverte par les assurances (maladie réglementée).

Un besoin d’égalité et de justice

Mais le pire reste à venir. Le troupeau entier devra être éliminé sous 30 à 45 jours depuis la parution de l’arrêté préfectoral de déclaration d’infection du 10 novembre. Les éleveurs n’y sont pas du tout préparés. Cette perspective fait réagir dans les campagnes. On entend que certains y seraient opposés et prêts à venir empêcher les opérations. « Évidemment, je soutiens à 100 % l’élevage. Comme tout éleveur, je suis profondément choqué par ce différentiel de traitement : d’un côté on laisse proliférer la maladie chez les bouquetins avec des taux de prévalence records et de l’autre on abat la totalité du troupeau bovin alors que tout est négatif. C’est incompréhensible, injuste et inéquitable. Parfois on se demande si on parle de la même maladie. La position de la FDSEA des Savoie est claire : nous ne laisserons pas faire d’abattage total tant que la maladie n’est pas éradiquée dans la faune sauvage. Il reste donc à l’État un peu plus d’un mois pour mettre en place une opération d’envergure avec les moyens adéquats, l’armée s’il le faut, pour éliminer tous les bouquetins contaminés. De notre côté, nous nous tenons prêts à mobiliser nos réseaux agricoles. Nous en avons tous assez d’être les paillassons de la société », conclut le président de la FDSEA.

Bertrand Coffy

400 manifestants pour dire « stop à l’éco-terrorisme »
Lundi 29 novembre, une action syndicale à l’appel de la FDSEA et des JA a rassemblé quelque 400 agriculteurs devant la préfecture d’Annecy.

400 manifestants pour dire « stop à l’éco-terrorisme »

Lundi 29 novembre à Annecy, près de 400 agriculteurs, chasseurs et élus du monde rural ont répondu à l’appel de la FDSEA et des JA pour exprimer leur solidarité avec l’élevage touché par la brucellose. La FDSEA des Savoie et les JA ont mobilisé près de 400 agriculteurs devant la préfecture d’Annecy pour soutenir l’exploitation frappée par la contamination de brucellose en provenance des bouquetins du Bargy dont l’origine a été confirmée le 22 novembre. Ils se sont aussi réunis pour mettre la pression sur l’État pour un assainissement rapide du massif et dénoncer la suprématie des associations environnementales dans l’espace public. Rejoints par des chasseurs et des élus locaux, les manifestants ont bloqué le centre-ville pendant quatre heures. Une délégation a été reçue par le préfet. Les agriculteurs se sont ensuite dirigés du côté de Pringy pour évacuer leur colère sur les locaux de France Nature Environnement Haute-Savoie (lire ci-contre).

Iniquité de traitement

Debout sur la remorque, le président de la FDSEA des Savoie, Bernard Mogenet, a remercié toutes celles et ceux qui ont pris de leur temps pour montrer, ici, leur totale solidarité avec la famille touchée par cette contamination. « Nous sommes tous révoltés par cette profonde injustice : on nous impose l’abattage total du cheptel pour un seul cas alors que l’État, paralysé par les écologistes de salon, a été incapable de gérer le foyer dans la faune sauvage. Nous allons tout faire pour sauver ce qui peut l’être et déposer une plainte pour faire reconnaître les fautes et tenter d’obtenir des réparations pour l’exploitation ». De retour de réunion, la délégation a affiché sa déception. L’abattage total a été confirmé mais un engagement a été pris pour sauvegarder le capital génétique de l’exploitation (banque d’embryons). Une réunion va aussi être prochainement organisée par la préfecture pour informer l’ensemble des élevages pratiquants du massif. Pour éradiquer la maladie chez les bouquetins, l’Anses doit proposer un protocole d’intervention dans la semaine. Bernard Mogenet prévient : « On a déjà du matériel pour se défendre contre les loups. Si l’État n’est pas capable de faire ce grand ménage dans le Bargy, nous n’aurons pas d’autre choix que d’y aller nous-mêmes pour protéger nos troupeaux ». 
B. C.

Des agriculteurs prennent pour cible France Nature Environnement
Du fumier a été épandu face aux fenêtres de la FNE de Pringy (Haute-Savoie) et de gros pneus usagés ont été déposés pour entraver l’entrée du bâtiment.

Des agriculteurs prennent pour cible France Nature Environnement

Pour terminer l’action syndicale, une centaine de manifestants se sont rendus devant les locaux de France Nature Environnement (FNE) à Pringy. Cette association, connue pour attaquer au Tribunal administratif toutes les tentatives d’assainissement des hardes du Bargy, a toujours nié les risques sanitaires pour l’économie agricole. Une demi-remorque de fumier a été épandue face aux fenêtres et de gros pneus usagés ont été déposés pour entraver l’entrée du bâtiment. « Devant ce drame pour notre agriculture, on espère tous qu’ils vont faire profil bas et laisser les opérations se dérouler. Sinon, on reviendra ! », a promis le président de la FDSEA des Savoie. Le parking des locaux de France Nature Environnement a ensuite été recouvert de fumier, de paille et de vieux pneus sous le regard des forces de l’ordre. 
B. C.