ZNT : « C’est la transcription juridique d’une injonction politique »
Après la publication des nouveaux textes sur les zones de non-traitement (ZNT) le 26 janvier, le point avec Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA.

Le gouvernement a publié le 26 janvier, au Journal officiel, un décret et un arrêté sur les distances d’épandage des produits phytosanitaires, les zones de non-traitement (ZNT). Quelle est votre première réaction à la lecture de ce texte ?
Hervé Lapie : « Très clairement, cet arrêté ne fait plaisir à personne, surtout pas aux agriculteurs, qui sont victimes d’une surtransposition de textes de l’Union européenne. Ce que nous dénonçons à la FNSEA. à marché unique européen, règles uniques ! »
En quoi ce décret et cet arrêté ne vous conviennent-ils pas ?
H. L. : « Ces nouveaux textes introduisent une obligation d’information préalable avant les traitements mais aussi des ZNT le long des lieux accueillant régulièrement des travailleurs et des ZNT spécifiques pour les produits classés CMR2 (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). Ils sont la transcription juridique d’une injonction politique et non celle d’un raisonnement technique, scientifique à la fois argumenté et éclairé. Je rappelle que tous les produits que les agriculteurs utilisent font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Nous respectons les doses et les efforts de réduction des intrants par les agriculteurs ont été considérables ces vingt dernières années. Dans la mesure où ce sujet intègre le champ de la santé/environnement, il est logique que l’Anses* ait à définir les conditions d’utilisation des produits, dont les distances. Cependant, j’ai du mal à comprendre comment elle peut rendre des décisions sans tenir compte des innovations techniques. »
C’est-à-dire ?
H. L. : « Nos voisins européens, notamment allemands pour ne citer qu’eux, ont intégré les matériels anti-dérives pour homologuer leurs produits phytosanitaires, notamment les CMR2. L’Anses le fait également mais sur des matériels datant des années 1980-90. C’est incompréhensible. Il nous semble indispensable de tenir compte des évolutions technologiques pour prendre une décision conforme aux réalités du terrain. Ce minimum de bon sens permettrait en outre d’éviter des impasses sur nombre de cultures, y compris orphelines. Nous nous assurerons par ailleurs que les industriels de la protection des plantes déposent bien des données pour compléter l’autorisation de leurs produits CMR2 avant le 1er octobre prochain. Nous aurons d’ailleurs une clause de revoyure avec le gouvernement au printemps pour faire un état d’avance de ces demandes de renouvellement. »
Ces textes remettent-il en cause les chartes départementales ?
H. L. : « Les chartes restent valides jusqu’à juillet prochain. Elles devront ensuite être mises à jour, en lien avec les préfets, pour y inclure le sujet de la prévenance que nous souhaitons le plus simple et le plus réaliste possible (le gyrophare au champ devrait pouvoir être reconnu), et surtout en dehors de tout système de délation comme certains outils (Phytosignal, ndlr) tentent de le faire. Nous devrons également approfondir la difficile question de la définition des lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de nos parcelles. A la FNSEA, nous avons toujours défendu le dialogue et comptons bien suivre cette voie pour convaincre nos interlocuteurs des dangers d’une réglementation trop contraignante. Le risque est qu’à terme, nous ne puissions plus produire, ce qui mettrait à mal notre souveraineté agricole et alimentaire, sans compter les conséquences induites sur le bilan carbone, la perte de biodiversité, etc. »
Qu’attendez-vous finalement du gouvernement ?
H. L. : « Nous attendons qu’il tienne compte des difficultés de notre métier et qu’il ne rajoute pas des contraintes supplémentaires à des réglementations franco-françaises. Nous attendons en particulier qu’il valide le principe de réciprocité, c’est-à-dire le fait que les règles de ZNT s’appliquent aussi aux aménageurs, aux constructeurs. Nous attendons également qu’il compense les pertes subies dès le premier centimètre. Nous nous réunirons le 4 février au ministère pour travailler ce sujet de la compensation. Chaque hectare doit être productif et doit produire. Il faut sécuriser l’outil de travail et le revenu des agriculteurs. Tout le réseau FNSEA qui a déjà fourni un remarquable travail, est mobilisé sur ce sujet des ZNT. »
Propos recueillis par Christophe Soulard
* Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
ZNT : un décret et un arrêté publiés le 26 janvier
Six mois très exactement après la décision du Conseil d’État de juillet 2021, le ministère de l’Agriculture a publié ce 26 janvier au Journal officiel le décret et l’arrêté consacrés aux zones de non-traitements (ZNT) aux pesticides. Comme attendu et conformément à la demande de la plus haute juridiction administrative, le texte applique ces dispositifs aux lieux « accueillant des travailleurs présents de façon régulière ». Principale nouveauté introduite suite à la concertation publique : l’application des distances à ces lieux « accueillant des travailleurs présents de façon régulière » n’interviendra qu’à partir du 1er juillet 2022 pour toutes les surfaces emblavées avant la parution des textes.
Le Conseil d’État avait également demandé au gouvernement de prendre des mesures concernant les produits suspectés d’être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR2). Sur ce point, « nous avons engagé un processus pour demander à l’Anses de réviser ces AMM afin d’y inclure les distances de sécurité », rappelle l’entourage de Julien Denormandie. Au premier octobre 2022, les produits dont le dossier n’aura pas été déposé se verront appliquer une distance minimale de 10 mètres. Parallèlement aux révisions d’AMM, promet-on rue de Varenne, des concertations seront lancées pour envisager la compensation dans les éventuels cas d’impasses.