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Des plants de noyers in vitro à partir de 2026

Sauf dérogation, une réglementation européenne applicable à partir de 2026 empêchera les nuciculteurs qui veulent être éligibles aux subventions de plantation d’utiliser des noyers produits à partir de noix semées. Cela ouvre la voie à la multiplication in vitro et au clonage des porte-greffes.

Des plants de noyers in vitro à partir de 2026
Laurent Jouve présentant l’abondance du chevelu racinaire d’un plan in vitro d’un an, mycorhizé et greffé Franquette. À ses côtés, Jean Coulié pour qui « la multiplication in vitro des porte-greffes de noyers sera nécessaire à partir de 2026 pour pouvoir accéder aux subventions de plantation. »

La noix de Grenoble est actuellement frappée par une crise conjoncturelle, voire structurelle qu’elle n’avait jamais connue auparavant et qu’elle n’a pas vu venir. Pour autant, l’amélioration de la qualité et de la productivité des vergers doit être une quête permanente qui ne doit pas réagir à court terme, au son des canons. Ces moments difficiles devraient à tout le moins permettre aux producteurs de renouveler les vergers les plus anciens, l’impact du « trou de production » serait moindre à subir en période de prix bas.
C’est le sens qu’a voulu donner Jean Coulié, des pépinières éponymes, à cette prérogative de renouvellement, en réunissant une centaine de producteurs et acteurs de la filière, à Chatte, le 1er février. Au programme, les avancées en matière de recherche sur les porte-greffes et sur « l’obligation » pour les pépiniéristes de mettre sur le marché des plants produits in vitro, dès 2026.

Des porte-greffes clonés

La technique de production des plants certifiés est bien connue : le pépiniériste sème une noix régionale de type Lozeronne ou Chaberte, de la famille des Juglans régia, la fait pousser en pépinière pendant un an. Le greffage se réalise ensuite au champ ou sur table, au printemps suivant. Le plant greffé est remis en pépinière, un à deux ans, pour forçage, avant d’être vendu aux agriculteurs. Dans certaines zones plus humides ou en cas de replantation, il est aussi possible d’utiliser des porte-greffes hybrides, Juglans nigra, dits « américains », pour les variétés traditionnelles. Mais ce mode de production risque bien de disparaître dans un horizon de trois ans, ceci pour respecter la législation européenne.
Afin d’accéder à la certification de ses prochains porte-greffes, le pépiniériste du Sud-Ouest est en train de développer, en collaboration avec le laboratoire de biotechnologies végétales Tarnagas, des porte-greffes produits in vitro. Les boutures sont désinfectées et élevées en milieu stérile sur du matériel génétique traditionnel comme Juglans régia ou en allant chercher des caractéristiques intéressantes sur des souches américaines comme, par exemple, la résistance à la black line, aux nématodes, au phytophthora, à l’asphyxie racinaire, à la chaleur, à la sécheresse… L’agriculteur aura ainsi un large choix de porte-greffes certifiés qu’il pourra adapter au mieux aux conditions pédoclimatiques de son exploitation.

Le mini-greffage et le greffage inversé

Pour Laurent Jouve, créateur du laboratoire de biotechnologie végétale situé en Corrèze, « nos travaux nous ont permis de mettre en production 13 000 porte-greffes l’année dernière. Nous avons aussi remarqué que la mycorhization in vitro d’un champignon de la souche Risophagus irrégularis apportait au porte-greffe une accélération du développement du système racinaire, d’où une meilleure résistance aux stress hydrique et aux pathogènes… ».
Les deux animateurs de cette réunion ont également rendu compte d’une technique prometteuse qui consiste à greffer un porte-greffe juvénile in vitro entre le stade herbacé et ligneux, ce qui a l’avantage de mieux cicatriser, c’est ce qu’ils appellent le « mini-greffage ».
Le pépiniériste s’est aussi exprimé sur la technique du « greffage inversé » qu’il avait initié sur les porte-greffes juvéniles. Cela consiste non pas à effectuer une fente sur le porte-greffe et placer le greffon affûté, mais l’inverse, c’est-à-dire appointer le plant et venir le chapoter avec un greffon fendu. L’intérêt de cette technique est une meilleure cicatrisation avec moins d’entrées d’eau pendant la phase de soudure qui peut, souvent, être une période de contamination du plant par des pathogènes.
Passionné par son métier de pépiniériste qu’il a démarré en 1972, Jean Coulié continue à ouvrir des voies nouvelles sur la recherche de porte-greffes les mieux adaptés aux conditions de milieux de chaque exploitation. Il ne cherche pas forcément à créer de nouvelles variétés pour la postérité, comme une « couliette » par exemple. Il préfère dire que c’est plutôt aux stations expérimentales de réaliser cela. Selon lui, la multiplication in vitro est le moyen qui doit faire la synthèse entre la demande des producteurs et les obligations réglementaires de 2026. Il s’est dit prêt, devant l’auditoire réuni à Chatte, à partager sa technique avec d’autres pépiniéristes présents. Une technique qui ne devrait coûter que quelques euros de plus par plants.

Roland Saint Thomas