Les paysans de Rougeline investissent dans une serre « éco »

Le développement d'un parc de serres à Pierrelatte entre 1984 et 1986 a été fulgurant : sur 40 hectares (ha) ont travaillé jusqu'à 400 personnes. A cette époque, les serristes utilisaient la chaleur de l'usine Eurodif pour faire croître leurs productions. Avec des difficultés économiques et techniques, beaucoup de serres ont fermé. Cependant, le réseau de chaleur est resté en place et après la fermeture d'Eurodif, le Département de la Drôme, associé notamment à la chambre d'agriculture dans le cadre du Smard(1), ont alors choisi de mettre en place une délégation de service public pour gérer un site de cogénération utilisant la biomasse. Ce réseau peut depuis 2013 alimenter des serres (23,5 ha en activité), en sus de la Ferme aux crocodiles, du site Areva Tricastin, de bâtiments de la ville de Pierrelatte et près de 1 000 logements sociaux.
« Nous souhaitons revitaliser cette zone de Pierrelatte avec l'installation de cette nouvelle génération de serres hightech et plus écologiques permettant de produire des tomates saines et savoureuses répondant aux attentes des consommateurs », résume Gilles Bertrandias, directeur général de la SAS Rougeline basée à Mirmande(2). La SAS Rougeline ambitionne d'ici trois à cinq ans d'avoir en France moitié de ses serres transformées en écoserre®. Dans la zone de Pierrelatte, on compte une dizaine de paysans de Rougeline.
Une meilleure productivité
Au matin de l'inauguration officielle, le 27 mai, c'est Henri Jourdain l'un des quatre associés de la serre l'Etang et ancien salarié d'une serre jusqu'en 1994 qui conduit la visite. « Cette écoserre® fonctionne déjà depuis juin 2015. Nous l'avons conçue à partir du modèle du groupe et avons apporté des améliorations pour tenir compte de la réalité locale en modulant le programme de gestion. Dans cette serre fermée de 7,5 mètres de haut et très lumineuse, nous avons installé des filets fins pour empêcher les insectes de pénétrer là où nous ouvrons. Nous utilisons des macrolophus pour lutter contre les ravageurs. Nous gérons le climat de la serre, l'humidité et la chaleur (23 à 24 °C) de façon à éviter le développement de maladies et assurer une croissance régulière aux lianes ».
Dans les rangs de tomates plantées à 40 jours en décembre, il rappelle que le substrat irrigué au goutte à goutte, changé tous les ans, est recyclé. « L'eau et les fertilisants sont calculés au plus juste et nous récupérons ce liquide, qui après avoir été désinfecté aux UV est réutilisé. Dans une telle serre nous produisons 15 à 20 % de tomates en plus que dans une serre standard selon les variétés de fruits ». Cinq à six ruches à l'hectare pollinisent les fleurs en permanence dans la serre. « Ce sont nos meilleurs salariés et l'on vérifie que toutes les fleurs sont visitées ».
Les plants vont produire jusqu'en octobre
Henri Jourdain se montre satisfait de la gestion collective du travail dans cette serre où une astreinte 24 h sur 24 est nécessaire. Il possède par ailleurs douze autres ha de serres qui ont trente ans. A moyen terme, il souhaite les transformer en passant à ce modèle plus respectueux de l'environnement. A plus court terme, une seconde serre de 3,2 ha va être adossée à cette écoserre® pour laquelle trois jeunes associés vont les rejoindre. « Nous serons alors sept producteurs et nous pourrons créer une coopérative afin de gérer l'ensemble de ces deux équipements ».
Louisette Gouverne
(1) Smard : syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme.
(2) Les 160 paysans de Rougeline (Sud de la France) cultivent fruits et légumes sur 500 ha en pleine terre et 280 ha sous serres (dont 200 pour produire des tomates). La SAS a pour actionnaires cinq organisations de producteurs dont quatre sont des coopératives.
Repères /
La serre l'Etang à Pierrelatte
Cette écoserre® fermée couvre 3,7 ha avec un bâtiment de 1 800 m². ,8 ha de tomates charnues et 1 ha de tomates grappe et cerises (rouges) y sont cultivés. L'investissement a atteint 1,5 million d'euros à l'ha. Selon la période, de 12 à 43 personnes travaillent dans cette serre. Le contrat de fourniture de chaleur avec Coriance a été conclu pour 20 ans (jusqu'en 2032). Aucun traitement pesticide n'est réalisé ; la pollinisation est effectuée avec des bourdons ; autre insecte auxiliaire, une punaise (le macrolophus).
Les écoserre® RougelineLa première des serres modèles a vu le jour en 2010 à Parentis-en-Born (Landes). Il en existe 13 en France sur 70 haInvestissement moyen hors foncier : 1,2 million d'euros HT à l'ha.Objectifs : économiser l'énergie pour s'affranchir des énergies fossiles. Réduire la consommation d'eau et de fertilisants en les contrôlant et les recyclant. Utiliser des insectes auxiliaires pour contrôler les attaques de ravageurs. Gérer les déchets. Le travail dans la serre est manuel.La centrale de cogénération CorianceSa mise en service s'est faite en 2013, sa puissance électrique représente 12 MW.Elle produit 85 GWh d'électricité et 170 GWh de chaleur par an.Elle utilise près de 150 000 tonnes par an de biomasse (plaquettes forestières, palettes, élagages…).La ressource biomasse est locale (à 85 % en 2015 dans un rayon inférieur à 80 km).L'électricité est vendue à EDF à un prix attractif (arrêté du 27 janvier 2011).L'investissement a représenté 57 millions d'euros et 200 emplois directs et indirects.Le niveau de poussières des fumées est à 80 % inférieur aux maximums autorisés.