Il s’installe en lait pour l’IGP Saint-Marcellin
A Montmiral, en Drôme des collines, Lucas Mottin a rejoint son père en 2020 sur la ferme familiale. Objectif : produire 340 000 litres de lait pour l’IGP Saint-Marcellin et trouver un nouvel équilibre pour l’exploitation qui a perdu l’ICHN lors de la révision des zones défavorisées simples (ZDS) en 2019.

Motivation et énergie sont les deux piliers d’un projet agricole. Encore plus quand on choisit de s’installer sur un territoire qui vient d’être déclassé des zones défavorisées et que l’on ne peut plus compter sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). A Montmiral, malgré ce contexte pénalisant, Lucas Mottin a souhaité franchir le pas. Il a rejoint son père Pascal sur l’exploitation familiale début 2020. Ensemble, ils ont recréé le Gaec des Brunes, que Pascal avait fondé en 1986 avec son père. La mère de Lucas, Mireille, est également salariée à mi-temps de l’exploitation. D’emblée, elle avoue : « Nous n’étions pas favorable à ce que Lucas s’installe en vaches laitières. C’est un métier sept jours sur sept et nous savons qu’à un moment ou à un autre, il se retrouvera seul avec cette astreinte ». Ce qui n’a pas effrayé Lucas : « C’est une réalité qui va arriver, j’en ai conscience. Mais je voulais m’installer et je n’ai pas laissé le choix à mes parents ».
Réaménagement des bâtiments
Son projet chevillé au corps, il a donc réfléchi avec le contrôleur laitier et le conseiller de la chambre d’agriculture aux possibilités de le concrétiser. Tout d’abord en se donnant les moyens d’augmenter la taille du troupeau. Pascal Mottin avait conservé depuis son installation un système de stabulation entravée qui lui permettait d’accueillir trente vaches au maximum. La configuration de l’exploitation, handicapée par la pente et la nature mouvante du sol, n’offrait pas la possibilité de construire une nouvelle stabulation. C’est donc le bâtiment destiné au stockage et abritant les génisses et les brebis qui a été transformé en stabulation libre avec logettes raclées. « Nous avons investi 365 000 euros pour réaménager les deux bâtiments, créer une fosse à lisier de 400 m³, installer deux tunnels de stockage, nous équiper d’une mélangeuse et construire un silo bétonné. Pour les logettes, nous avons fait le choix de matelas confortables avec un ajout de sciure pour remplacer la paille qui devient chère et rare », détaillent Pascal et Lucas Mottin.
Le bâtiment transformé en stabulation libre pourra accueillir 42 vaches laitières. Au total les associés ont investi 365 000 euros pour réaménager deux bâtiments, créer une fosse à lisier de 400 m³, installer deux tunnels de stockage, s’équiper d’une mélangeuse et construire un silo bétonné.
L’arrivée de la relève a changé la donne
Tous deux se donnent la possibilité de passer à 42 vaches laitières mais aussi produire sous le cahier des charges de l’IGP Saint Marcellin, qui offre une revalorisation de 20 euros par tonne de lait produite. « Nous étions dans les clous du cahier des charges sur de nombreux points, que ce soit les 180 jours de pâturage, les 50 % de matière sèche que doit représenter l’herbe dans la ration de base annuelle et les 80 % de matière sèche de la ration totale issue de la zone », explique le jeune éleveur. L’un des points forts de l’exploitation, c’est notamment de disposer d’une douzaine d’hectares accessibles depuis le bâtiment pour les vaches laitières. « Il nous manquait simplement le silo de stockage sur aire bétonnée pour pouvoir rentrer dans l’IGP. Je ne l’avais pas fait avant car j’approchais de la retraite [il en est aujourd’hui à cinq ans, Ndlr] et je ne voulais pas investir 45 000 euros dans un silo bétonné », reconnaît Pascal Mottin. L’arrivée de la relève a changé la donne. « Bien sûr, je souhaite désormais faire un produit qui rapporte et surtout travailler le plus longtemps possible avec une laiterie familiale comme la Fromagerie Alpine à Romans », insiste l’éleveur.
Objectif : 9 500 litres par vache
Avant l’installation de son fils, il affichait une production annuelle de 7 500 litres par vache. « Nous sommes passés en 2020 de 30 à 38 vaches. Nous allons poursuivre la sélection interne au troupeau pour monter progressivement à 42. » En 2020, ils ont produit 240 000 litres de lait, « mais attention, les vaches n’ont déménagé dans la nouvelle stabulation qu’en septembre, soit seulement un tiers de l’année dans les nouvelles conditions », rappelle Mireille Mottin. C’est donc l’exercice 2021 qui donnera une idée plus précise du potentiel de ce nouvel outil. Lucas souhaite atteindre les 9 500 litres par vache. « Nous avons des marges de progrès sur la génétique mais aussi sur l’alimentation en personnalisant les compléments avec un distributeur automatique de concentrés », estime-t-il.
Produire plus et mieux valoriser, c’est la direction que doit prendre l’exploitation. La perte annuelle de 10 000 euros d’ICHN ne laisse guère le choix aux associés du Gaec des Brunes. Mais la pilule reste amère suite à la révision des zones défavorisées. « Notre exploitation est à la frontière avec l’Isère. Nous avons basculé d’une zone défavorisée à une zone de plaine tandis qu’à 500 mètres de nos parcelles, la commune iséroise voisine basculait d’une zone défavorisée à une zone de montagne », décrit Lucas. « La réalité du territoire n’a tout simplement pas été prise en compte », déplore sa mère. Une réalité qui saute pourtant au yeux quand on emprunte la route en lacets qui monte depuis Parnans.
Perte de l’ICHN et DJA en baisse
Le Gaec des Brunes, comme d’autres exploitations du secteur, a donc subi de plein fouet cette révision administrative : d’une part avec la perte de l’ICHN, d’autre part avec une dotation jeune agriculteur (DJA) et un plan de compétitivité et d’adaptation (PCAE) revus à la baisse pour Lucas.
Reste à présent à composer avec cette nouvelle donne. Et avec d’autres éléments qui toucheront forcément l’exploitation comme le changement climatique. Aucune culture, mis à part les chrysanthèmes, n’est irriguée sur l’exploitation. « Nos terres très argileuses nous ont jusqu’à présent permis de pallier l’absence d’irrigation. Nous essayons de semer tôt les maïs pour qu’ils soient à un stade suffisamment avancé avant les fortes chaleurs », explique Lucas. Quid de l’évolution dans les années à venir ? Les associés du Gaec des Brunes reconnaissent qu’ils sont de plus en plus souvent en difficulté avec le débit des sources en fin d’été pour les chrysanthèmes et abreuver le troupeau.
Pas de quoi pourtant freiner Lucas, attaché à son territoire et à la continuité de l’exploitation familiale.
Sophie Sabot
Des chrysanthèmes pour financer un mi-temps salarié

En 1995, Mireille Mottin a souhaité se lancer dans la production de chrysanthèmes. « C’était mon métier de base, j’étais dans l’horticulture. » Pour limiter les investissements, elle a fait le choix d’une production en plein champ. Les plants sont commandés auprès d’un obtenteur du sud-ouest et livrés en boutures racinées qui sont rempotées sur l’exploitation. « Durant environ un mois et demi je les laisse développer un joli système racinaire dans le pot, explique la productrice. Fin juin, nous positionnons les pots sur une toile hors-sol pré-percée, en les enfonçant légèrement pour que les racines puissent aller chercher eau et nourriture dans le terrain ». L’irrigation est gérée à l’économie grâce à un système de goutte à goutte. « Avant la Toussaint, j’ôte les pots de terre au dernier moment, en étant vigilante sur l’arrosage pour limiter le stress. Cette conduite en plein champ nous permet d’obtenir une qualité de chrysanthème recherchée par nos clients, avec notamment plus d’intensité dans les couleurs.» . 4 200 pots sont commercialisés chaque année en demi-gros auprès de jardineries sur Romans, Valence, Grenoble et auprès de particuliers directement à la ferme. Cette activité permet de financer le mi-temps salarié de Mireille Mottin.
S.S
Carte d’identité du Gaec des Brunes
- Commune : Montmiral, l’une des vingt-deux communes drômoises déclassées lors de la révision des zones défavorisées simples en 2019.
- SAU : 78 ha dont 21 ha labourables (15 ha de maïs, 4 de céréales à paille et 2 de noyers, le tout non irrigué) + 5 000 m² de chrysanthèmes.
- Vaches laitières : 38 actuellement avec un objectif de 42. Race : Holstein pour 60 % du troupeau, le reste en Montbéliarde. Alimentation hivernale : enrubannage de prairies naturelles (80 % des stocks), luzerne enrubannée et mélange Saint-Marcelin + ensilage de maïs (25 à 30 kg/vache/jour).
Au pâturage de mi-mars à mi-novembre + 20 kg/vache/jour d’ensilage de maïs.
Salle de traite 2 x 6 postes. Projet d’installer un robot de traite d’ici 2030. L’aménagement du bâtiment a été réalisé dans cet objectif.
- Ovins : une soixantaine de brebis, race « mouton charollais », pour la vente directe en carcasse à des bouchers et restaurateurs + travail sur la génétique pour vendre quelques reproducteurs.