Fruits
« L'offre en abricot n'est pas assez construite en amont »

Le marché de l'abricot souffre de mévente. Le point avec Bruno Darnaud, arboriculteur drômois et président de l'AOP pêches et abricots de France.

« L'offre en abricot n'est pas assez construite en amont »
Selon Bruno Darnaud, président de l'AOP pêches et abricots de France, "la production française d'abricots pourrait atteindre 130 000 tonnes cette année, un volume que le marché français ne peut pas absorber".

Qu'est-ce qui a provoqué la mévente des abricots cette année ?

Bruno Darnaud : « Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. L'entrée en production s'est faite alors que le mois de mai était assez pluvieux et la qualité gustative des abricots pas au top. Il n'y a pas eu d'engouement chez les consommateurs. De la fin mai au 15 juin, la filière ne s'est pas inquiétée car l'offre et la demande s'équilibrait, comme les années précédentes. Mais sur la deuxième quinzaine de juin, le marché s'est très vite engorgé avec l'arrivée de forts volumes d'abricots et une consommation toujours atone du fait d'une météo défavorable. Le bergeron est arrivé alors que les stocks d'autres variétés étaient encore importants et l'export totalement inexistant. Pour l'instant, la production française d'abricots est supérieure d'environ 25 % aux prévisions, du fait de gain sur les calibres. Quelques pourcents de plus de production font très vite basculer un marché. »

Qu'en est-il actuellement ?

B. D. : « Les promotions du mois de juin n'ont pas eu d'effet. Le déséquilibre entre l'offre et la demande perdure ainsi depuis le 20 juin. Cependant, depuis l'accentuation des campagnes de communication, vers le 20 juillet, la consommation redémarre. Aujourd'hui, on sort davantage de volumes qu'il n'en rentre mais il y a encore du stock à vendre. La situation s'améliore mais elle reste tout de même compliquée. Jusqu'au 10 juillet, on a essayé de maintenir un prix consommateur à 2,50 € en magasin. Aujourd'hui, pour booster les ventes, les promotions sont à 1,99 €. »

Quels enseignements peut-on tirer de cette situation ?

B. D. : « Il faut se poser les bonnes questions. D'abord sur la qualité des fruits car certains déçoivent les consommateurs. Il faut donc continuer l'amélioration gustative. Il faut sans doute également rééquilibrer le calendrier de production car à certaines périodes on a des volumes trop importants, notamment si on n'a plus d'export. Je note que ni les Italiens et ni les Espagnols n'ont pris notre place en Allemagne, et ce malgré des prix bas. En l'absence d'abricots depuis trois ans, on se demande si le consommateur allemand n'est pas passé à autre chose.

La production française d'abricots pourrait atteindre 130 000 tonnes cette année, un volume que le marché français ne peut pas absorber. Un ménage français achète en moyenne deux kilos d'abricots par an, contre 6 kg pour la pêche. Contrairement à la pêche, l'offre en abricot n'est pas assez construite en amont. On souffre d'une désorganisation de la production. Il faut davantage de professionnalisme à la production et à la consommation. »

Avez-vous des craintes pour le marché de la pêche ?

B. D. : « Jusqu'à présent, le dynamisme commercial a été bon mais on est désormais à la limite. L'offre et la demande s'équilibre mais ça reste tendu. Il suffit d'une mauvaise météo pour que tout bascule car il reste 50 % de volumes à vendre. La promotion opérée par Carrefour sur la pêche plate espagnole, cette semaine, a suscité de vives réactions (lire ci-dessous). Ce type d'opération peut aussi très vite faire basculer le marché du mauvais côté car la pêche plate espagnole prend des parts de marché sur la pêche ronde française. »

Un dernier mot ?

B. D. : « L'abricot est un fruit “moderne”, c'est-à-dire pratique à manger, apprécié des consommateurs. Consommez de l'abricot, c'est important. »

Propos recueillis par Christophe Ledoux

Pêches : la promotion de Carrefour passe mal

Le 27 juillet par communiqué, la FRSEA et les JA d'Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que la FNPFruits, ont dénoncé des promotions de pêches espagnoles en pleine saison française par plusieurs enseignes. Ils ciblent spécifiquement une promotion entre le 1er et le 5 août chez Carrefour sur les pêches plates espagnoles. « Alors que les producteurs connaissent des difficultés d’écoulement depuis le début de la saison, cette promotion se ferait au détriment des pêches et nectarines rondes françaises », souligne Grégory Chardon, président de la section fruits de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. La FNSEA et la FNPFruits ont pu faire valoir la situation actuelle de la production française auprès de Carrefour et le message semble être passé. Si la promotion ne peut être arrêtée (question de calendrier), le distributeur se serait engagé à limiter son impact en n’en faisant pas publicité dans ses magasins, d'après eux.