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« La transition agroécologique passe par les carburants verts ! »

Être à l’initiative de cette transition permet au monde agricole, en posant le cadre de la transition, de ne pas la subir, et donc de contenir le niveau de charges des exploitations. Cette transition énergétique qui passe notamment par les carburants verts doit être un nouveau levier de compétitivité, et non une charge supplémentaire. 

« La transition agroécologique passe par les carburants verts ! »


 Le projet de loi de Finances 2022 est actuellement en discussion au Sénat. Il prévoit une réorientation des soutiens au Gasoil non routier (GNR). Qu’en est-il ? Pouvez-vous nous faire un point ? 

Luc Smessaert : "Les carburants détaxés, dont le GNR fait partie, heurtent une part de plus en plus importante de la société, qui s’oriente vers des modes de locomotion plus vertueux. On le constate d’ailleurs sur le marché automobile des particuliers. Au mois de septembre dernier, la Tesla Model 3, une voiture électrique, s'est classée en tête du top des meilleures ventes européennes de véhicules devant la Renault Clio et la Dacia Sandero. De plus, les énergies fossiles sont, par nature, des ressources épuisables. La sortie des carburants fossiles paraît inéluctable et il faut l’anticiper. Les pouvoirs publics ont pris conscience de cette évolution et incitent les acteurs économiques à s’engager dans des démarches plus protectrices de l’environnement. C’est pourquoi les Travaux publics vont perdre leur accès au GNR le 1er janvier 2023. Pour ces mêmes raisons le Parlement a adopté dans le cadre de la loi « Convention Citoyenne pour le Climat » (CCC) une suppression du taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE - via un remboursement partiel a posteriori) pour le transport routier d’ici à 2030. "

Le GNR est-il menacé ? 

LS : "Même si le taux réduit de TICPE sur le GNR n’est pas menacé à ce jour, il est important d’anticiper la transition énergétique en cours, afin de ne pas la subir. Tout l’enjeu pour l’agriculture est de proposer des solutions, afin que l’enveloppe budgétaire aujourd’hui dédiée à maintenir un faible coût du carburant conserve sa finalité. Sur une période de transition réaliste, il faut que le montant des aides accordées au GNR par sa moindre taxation « subventionne » les énergies décarbonées et renouvelables utilisées par les agriculteurs. Ces aides devront naturellement être adaptées au poste « énergie » de chaque exploitation et progresser au rythme de cette transition."

L’exercice ne paraît pas simple. Comment le mettre en œuvre ? 

LS : Effectivement, développer les biocarburants agricoles pour l’agriculture reste un vrai défi, à la fois pour les exploitants agricoles et pour les machinistes. Pour les agriculteurs, passer de producteur à utilisateur est tout à fait réaliste car la Ferme France peut assurer son avenir à travers un mix énergétique. A deux conditions toutefois : il faudra relever le défi technologique induit par ces nouveaux carburants (technique des moteurs par exemple), tout en préservant la compétitivité économique des exploitations. Des solutions sont déjà mises en œuvre au quotidien, et c’est ce type de transition que nous envisageons : réduire progressivement le recours au GNR, non pas à marche forcée, mais en fonction des évolutions techniques et du renouvellement du parc de matériel des exploitations. Le petit matériel de ferme, nécessitant peu de puissance, voit déjà émerger des motorisations à l’électricité et au biogaz. Des enjambeurs en viticulture sont également en train d’être développés autour de l’électricité. Les biocarburants (biodiesel et bioéthanol) sont déjà à l’œuvre dans des moteurs de camions, qui nécessitent, comme les tracteurs, couple et autonomie. L’hydrogène a fait également son apparition, pour du matériel de puissance moyenne (télescopiques). Toutes ces raisons ont amené la FNSEA à rédiger un amendement qui a été déposé par la députée Bénédicte Peyrol (LREM, Allier), l’objectif étant de réduire le soutien actuel au GNR, à la condition d’augmenter, dans le même temps, le soutien aux énergies alternatives, par des dispositifs financiers et fiscaux adaptés, sans perte du budget dont bénéficie actuellement l’agriculture."

Tous ces efforts trouveront - ils une traduction financière pour les agriculteurs ?

LS :  Nous l’espérons bien ! Le bilan carbone de la France s’améliorera par la réduction de ses émissions (par l’utilisation d’énergies non fossiles et plus locales), mais également par sa capacité à capter plus de carbone. La biomasse est le deuxième puits de carbone après les océans. C’est pourquoi la FNSEA propose la reconnaissance fiscale, à travers le PLF 2022, du caractère agricole des prestations pour services environnementaux (PSE). L’objectif est que ces PSE soient reconnues comme des activités agricoles et qualifiées de bénéfices agricoles (et non aux bénéfices industriels et commerciaux). Car les actions en faveur de la protection de l’environnement et du climat (non labour, plantations de haies, jachères mellifères…) sont des activités complémentaires qui s’intègrent à l’activité agricole. A travers cette disposition, c’est une vraie reconnaissance de l’action que nous, agriculteurs, apportons au quotidien sur les enjeux de la transition écologique et de la biodiversité.

Propos recueillis par Christophe Soulard