ENTREPRISE
Amazon France s’essaye au circuit court

Depuis novembre 2018, la Boutique des producteurs d’Amazon permet de vendre des produits alimentaires et boissons sur un vaste marché. Toutefois, sa vision du circuit court et du monde agricole semble assez floue. Illustration avec une boucherie de Montélimar. 

Amazon France s’essaye au circuit court
A Montélimar, la Maison Victor-Toutengros soutient les éleveurs locaux en se fournissant directement chez eux, à prix juste. ©Maison Victor-Toutengros

Géant de la vente en ligne à travers le monde, avec 470 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, Amazon fait chaque jour traverser la planète à un nombre incalculable de produits. Avec vingt-huit entrepôts disséminés sur le territoire français, l’entreprise est en effet capable de livrer en un temps record des produits venus de l’autre bout du monde. Toutefois, fin 2018, Amazon France a pris une direction opposée en se lançant dans les circuits courts à travers l’ouverture d’une Boutique des producteurs. « Cette boutique est née de la volonté des Français de changer leurs méthodes de consommation en privilégiant à la fois les produits de nos régions et une plus juste rémunération des producteurs », justifie Patrick Labarre, directeur de la marketplace Amazon.fr.

Un fonctionnement transparent

Rubrique du site Amazon.fr, la Boutique des producteurs se donne pour objectif de ne présenter que des produits entièrement fabriqués en France ou ayant subi leur dernière transformation dans l’Hexagone et respectant une commercialisation en circuit court. On y trouve principalement des produits alimentaires et boissons, dont les bières, vins et spiritueux, reflets du terroir français. Chaque produit est étudié par les équipes d’Amazon avant d’être accepté. Et les vendeurs peuvent créer des boutiques, vitrines de leur identité et de leur travail auprès des consommateurs. Financièrement, Amazon France se veut transparent. Ainsi, pour accéder à la Boutique des producteurs, chaque vendeur doit s’acquitter d’un abonnement mensuel de 39 euros et de commissions sur ses ventes allant de 8 à 15 %. En échange, il reste maître de sa politique commerciale en définissant lui-même ses prix de vente, ses modes d’expédition et ses stocks. « La boutique des producteurs permet aux producteurs de valoriser leurs produits et d’étendre leur zone de chalandise à tous les clients d’Amazon. Elle va aussi leur donner accès à des outils et un savoir-faire marketing pour maximiser leurs ventes », souligne Patrick Labarre. Ceux qui le souhaitent peuvent ainsi bénéficier d’un accompagnement permettant de se familiariser avec la vente en ligne.
Directeur d’Esprit Foie Gras, une conserverie productrice de foie gras et de confits de canards IGP Gers, Damien Boutines avait à cœur de vendre en circuit court tout en agrandissant sa zone de vente. 

« L’équivalent d’une boutique sur les Champs-Elysée »

« Pour nous, vendre sur Amazon, c’est l’équivalent d’une boutique sur les Champs-Elysées. Le numérique permet de développer une activité dans un territoire rural, en touchant un public plus éloigné, tout en gardant la maitrise de la vente. » Présent sur la Boutique des producteurs depuis son lancement, il a noté une augmentation constante des ventes, qui représentent aujourd’hui 20 % de son chiffre d’affaires.
À Montélimar, Victor Mazoyer en est également satisfait : « Les frais sont moins élevés que pour la création d’un site de vente en ligne. A part l’abonnement, on ne paye que lorsque l’on vend. Et on bénéficie de la forte visibilité d’Amazon. » Le jeune homme dirige la boucherie Maison Victor-Toutengros, créée par son père en 1976 dans la cité montilienne, qui travaille en direct avec des éleveurs locaux. La Boutique des producteurs lui permet de conserver son indépendance et son mode de fonctionnement traditionnel, tout en s’ouvrant à un marché plus vaste. Les ventes Amazon représentent 100 000 euros sur leurs 8,4 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. « Mais cela augmente sans cesse, relève-t-il. Nous embauchons pour gérer les nouvelles tâches liées à la gestion des stocks, la mise sous vide et l’envoi ».

Un circuit court qui en perd ses objectifs

Après trois ans et demi d’existence, la Boutique des producteurs recense plus de treize-mille références produits proposées par plus de quatre-cents producteurs. Toutefois, elle peine à remplir ses objectifs. En effet, à défaut de circuit court, la marketplace est en réalité remplie de revendeurs de produits du terroir français. Or, la définition d’un circuit court est stricte : elle ne doit impliquer au maximum qu’un seul intermédiaire. De plus, si en 2019, Patrick Labarre annonçait des ambitions fortes en affirmant que la Boutique des producteurs « contribue au développement des TPE et PME qui ont encore du mal à s’inscrire dans l’économie numérique, notamment dans le domaine agricole », force est de constater que nous n’avons trouvé aucun agriculteur vendant directement ses produits sur la Boutique des producteurs. Interrogé sur ces points, Amazon France n’a pas souhaité s’expliquer. 

Leïla Piazza