ÉNERGIE
La facture d’électricité pourrait mettre à sec les réseaux d’irrigation

Il reste moins de trois semaines au syndicat d’irrigation drômois (SID) pour signer ses contrats d’électricité pour 2023. En l’état, la facture grimperait à 30 M€ contre 7,5 M€ en 2022 et 2,5 M€ en 2021. Une hausse impossible à supporter ont scandé les élus du SID et le président de la chambre d’agriculture de la Drôme lors d’une conférence de presse le 27 octobre.

La facture d’électricité pourrait mettre à sec les réseaux d’irrigation
De gauche à droite : Anne-Claire Vial, première vice-présidente du SID, Bernard Vallon, président du SID, Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme et Gérard Roch, deuxième vice-président du SID.©AD26

« Au vu de la flambée des prix de l’électricité, nous nous posons la question de savoir si nous pourrons mettre en service les réseaux d’irrigation en 2023 car les agriculteurs ne pourront tout simplement pas payer la facture que nous serons obligés de leur répercuter », a annoncé Bernard Vallon, président du syndicat d’irrigation drômois (SID), le 27 octobre. « L’heure est grave et nous n’avons pas de solution », a affirmé Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Tous deux s’exprimaient à l’occasion d’une conférence de presse organisée dans les locaux du SID, en présence d’élus locaux et d’agriculteurs. Objectif : alerter les pouvoirs publics sur la menace pure et simple qui pèse sur l’agriculture en Drôme si rien n’est fait pour amortir l’augmentation délirante de la facture d’électricité annoncée pour l’année prochaine.

Menace sur les exploitations

Il reste moins de trois semaines aux dirigeants du SID pour signer le contrat proposé par leur fournisseur d’électricité. Sauf que le marché de l’énergie s’est considérablement emballé ces derniers mois et que les tarifs proposés aujourd’hui multiplient par quatre la facture prévisionnelle d’électricité du SID pour 2023. « Il nous faudrait inscrire au budget 30 millions d’euros rien que pour l'énergie », ont détaillé ses dirigeants. Pour y faire face, le SID serait obligé de majorer le prix du m³ d’eau facturé à ses clients, soit pour des agriculteurs irrigants un coût qui passerait de 0,12 €/m³ en 2022 à 0,62 €/m³ en 2023. Au bas mot, le prix moyen de l’irrigation passerait de 700 à 2 400 € par hectare ! « À ce prix, au moins 50 % des exploitations ne pourront pas suivre », a avertit Jean-Pierre Royannez.

En résumé : si le SID signe ces contrats, lui et ses clients seront dans l’incapacité d’honorer la facture en 2023. S’il ne signe pas, il prend le risque de ne pas avoir d’électricité pour fonctionner. « Aujourd’hui nous faisons appel aux pouvoirs publics car le SID n’a bénéficié jusqu’à présent d’aucune aide sur le prix de l’énergie », a déploré Bernard Vallon. En cause, son statut de syndicat intercommunal qui se confond avec une régie d’exploitation des réseaux. « Nous ne sommes considérés ni comme une collectivité locale, ni comme une entreprise. C’est ce statut “bâtard” qui nous exclut des dispositifs comme le plan de résilience », a expliqué Sophie Lasausse, directrice du SID.

Situation grave

Les dirigeants du syndicat n’ont pour l’heure aucune lisibilité sur les mesures à venir. « Le ministre Bruno Lemaire a parlé d’étude au cas par cas des situations des collectivités, a rappelé Anne-Claire Vial, première vice-présidente du SID. Mais pouvons-nous être concernés ? » Rien n’est moins sûr. « Et si effectivement on nous annonçait des mesures qui permettent de prendre en charge 10 ou 20 % de la facture, ce ne serait pas suffisant. La facture resterait impossible à supporter pour le SID et ses clients », a estimé Jean-Pierre Royannez.

La députée Emmanuelle Anthoine a assuré qu’elle était intervenue la veille par courrier auprès du ministre de l’Économie. « La situation est véritablement grave. Nous avons tous conscience que se joue là l’avenir de l’agriculture du département », a-t-elle poursuivi. « Lorsque nous avons créé le SID [en 2013, ndlr], nous étions persuadés que gérer de manière collective l’irrigation au travers d’une telle structure était un choix intelligent. Or nous sommes complètement pénalisés aujourd’hui », a déploré Anne-Claire Vial. « Cette structure nous permet de mener une véritable politique de l’eau. Sans nous, ce serait un dérèglement total de l’irrigation », a renchéri Gérard Roch, deuxième vice-président du SID.

La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics. Le SID a alerté les parlementaires et jusqu’au ministre de l’Agriculture. L’ensemble de ses clients agriculteurs a également été prévenu par SMS des risques de voir exploser la facture. Bernard Vallon compte sur une mobilisation forte des agriculteurs sur le sujet. Reste à savoir dans les plus brefs délais si le dispositif  "amortisseur électricité" annoncé par le gouvernement pour la facture 2023 pourra concerner le SID et le sortir de cette situation. 

Sophie Sabot

Menace sur la souveraineté alimentaire

Dans une lettre ouverte au ministre de l’Agriculture la semaine dernière, les présidents du SID et de la chambre d’agriculture ont alerté sur le risque de voir s’effondrer tout un pan de l’agriculture. « En Drôme, 80 % des surfaces irriguées le sont grâce aux réseaux gérés collectivement par le SID, a rappelé le président de la chambre d’agriculture. En aucun cas il ne faut prendre cette menace qui pèse sur le SID à la légère. Si les exploitations concernées ne peuvent irriguer, c’est toutes les entreprises qui entourent l’agriculture qui seront concernées. Si les réseaux ne peuvent ouvrir, il n’y aura ni fruits, ni semences, ni alimentation pour le bétail (…) Aujourd’hui, les collectivités travaillent toutes sur leur projet alimentaire territorial (PAT). Sans irrigation, elles pourront tirer un trait dessus. »

S.S. 

Syndicat d’irrigation drômois : 67 GWh par an

Le SID exploite en régie les réseaux d’irrigation collectifs sur 126 communes de Drôme et d’Isère, soit 2 500 exploitations concernées et 26 000 ha irrigués. Pour faire fonctionner ses 115 stations de pompage et ses 2 000 km de réseaux sous pression, le SID consomme environ 67 GWh par an, le classant ainsi dans la même catégorie que les entreprises électro-intensives. « Une consommation qui s’étale d’avril à octobre, soit hors période de tension sur les réseaux électriques », a précisé Sophie Lasausse, directrice du SID. Le syndicat alimente également plusieurs milliers de particuliers et quelques entreprises et communes.

S.S.