Congrès des fermiers et métayers
Le statut du fermage doit contribuer au renouvellement des générations

Mercredi 22 et jeudi 23 février, à Villerest (Loire), la FDSEA 42 accueillait le congrès de la Section nationale des fermiers et métayers (SNFM), association spécialisée de la FNSEA. Travaux en groupes, table ronde et interventions se sont multipliés pour traiter du thème de ce rendez-vous national : « Le statut du fermage : pilier d’une transmission réussie ».

Le statut du fermage doit contribuer au renouvellement des générations
De gauche à droite : Raphaël Reynaud (président de la SDFM Loire), Gérard Gallot (président de la FDSEA Loire), Bertrand Lapalus (président de la SNFM), Patrice Chaillou (secrétaire général de la SNFM), Benoît Davin (premier vice-président), Denis Labri (premier secrétaire général). ©DR

C’est un discours empreint d’émotion, néanmoins maîtrisée, que Bertrand Lapalus prononçait jeudi en fin de congrès de la Section nationale des fermiers et métayers (SNFM). Non seulement parce que ce rendez-vous se tenait dans le Roannais, où il est agriculteur, mais aussi parce qu’il s’agissait de son dernier discours comme président. Pendant trois ans, « nous avons eu à cœur de travailler, au regard des évolutions démographiques agricoles, sur la transmission des exploitations à des jeunes agriculteurs, assurait Bertrand Lapalus. Nous avons œuvré pour rendre le statut du fermage plus attractif, pour faciliter l’évaluation de l’exploitation agricole cédée à sa valeur de rentabilité économique, pour encourager le portage du foncier, en faciliter l’accès et éviter l’agriculture totalement déléguée. »

Statut du fermage et loi d’orientation

Bertrand Lapalus rappelait que plus de 70 % des terres sont exploitées en fermage. « Pour une grande majorité d’entre nous, agriculteurs, le premier contrat que l’on doit signer est un contrat pour louer des terres. Lors d’une transmission, il est primordial que le cédant et le nouveau preneur s’accordent avec le ou les propriétaires pour éviter tout écueil. » Selon lui, « le statut du fermage a besoin d’être réformé pour perdurer. De plus en plus de jeunes ont du mal à faire signer des baux et à reprendre des fermes dans leur globalité ». Dans l’objectif d’être forts et entendus, les membres de la SNFM et de la  Section nationale des proprié­taires ruraux (SNPR) ont travaillé ensemble sur la réforme du statut du fermage. « L’accord1 ne réglera peut-être pas l’intégralité des difficultés concernant la transmission, mais il pourra énormément la faciliter grâce à un statut du fermage plus en adéquation avec l’agriculture d’aujourd’hui et les nouveaux profils d’agriculteurs. »
Ce travail de concertation vient alimenter le rapport d’orientation que la FNSEA présentera lors de son congrès fin mars à Angers. « Cela nous laisse espérer une reprise de nos travaux dans leur intégralité par les pouvoirs publics dans la foulée », poursuivait le président. Effectivement, le Pacte pour la transmission et l’installation et la Loi d’orientation et d’avenir agricoles (LOA) sont en ligne de mire. Les responsables de la SNFM estiment que la future loi devra inévitablement aborder l’évolution du statut du fermage, d’autant plus que l’un des principaux objectifs de la LOA est la transmission. Patrice Chaillou, secrétaire général, prévenait : « Notre accord n’est pas un buffet froid où l’on prend que ce qui fait envie, c’est un tout indissociable ». 

Définition d’agriculteur professionnel

La position de la SNFM est claire : si cet accord devait être traduit dans une loi sans les préalables, elle ne la soutiendrait pas, car ce sont eux qui lui donnent du sens. Pour Bertrand Lapalus, le statut de l’agriculteur professionnel ne vise pas à « exclure », mais à « apporter une vraie reconnaissance professionnelle pour tous ceux qui souhaitent devenir agriculteur et pour endiguer le développement de l’agriculture totalement déléguée qui empêche l’installation des jeunes agriculteurs. Nous avons besoin de cette reconnaissance afin de différencier ceux qui portent un vrai projet économique de carrière de ceux qui voudraient faire de l’argent avec l’agriculture, mais qui s’assimile plus à du loisir ou bien encore de l’optimisation d’aides Pac ».
Le statut d’agriculteur professionnel a également été évoqué dans le cadre de l’agrivoltaïsme. Le gouvernement, pour répondre à la demande de la profession d’encadrer son développement, mentionne que « la vocation nourricière de la terre doit être prioritaire » et que le projet « s’inscrive dans le cadre d’un statut d’agriculteur professionnel », rapportait Bertrand Lapalus. Or, cette définition n’est pas inscrite dans la loi. « Faire référence à quelque chose qui n’existe pas dans la loi, c’est fort, ou plutôt, c’est bien français », s’indignait-il.

Perspectives de travail

Méthodes d’évaluation de l’entreprise agricole et portage du foncier ont également été débattus et sont apparus comme des sujets étant toujours d’actualité quand les perspectives de travail ne manquent pas à la SNFM. 
À commencer par la révision des modalités de calcul de l’évolution du fermage* en raison de la fluctuation importante des données économiques en seulement quelques mois et des inégalités grandissantes entre les départements du fait des aléas climatiques de plus 
en plus violents. Ou encore la formation : « Aujourd’hui, trop peu de personnes qui veulent s’installer connaissent le statut du fermage », mentionnait Bertrand Lapalus. Lors du parcours à l’installation, « il serait logique de dispenser aux agriculteurs de demain une formation sur les enjeux du foncier, sa protection, sa location et les solutions de portage ». 

Axel Poulain et Lucie Grolleau-Frécon


*  L’accord politique de principe sur l’évolution du statut du fermage entre la SNFM et la SNPR a été validé par le conseil d’administration de la FNSEA en 2020. Il tient en six points et deux préalables. Ces derniers sont : le statut de l’agriculteur professionnel et le renforcement du contrôle des structures.

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau attaché au statut du fermage

En clôture de congrès, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, s’est exprimé en vidéo devant l’assistance. Celui-ci a commencé par indiquer devoir « penser, planifier et définir des outils pour réussir les transitions, indispensables pour garantir l’avenir de l’agriculture française et maintenir nos capacités de production et la souveraineté alimentaire du pays ». Marc Fesneau a ensuite renouvelé son attachement au statut du fermage qui, « depuis près de soixante-dix ans, a démontré son utilité au service de la sécurité des exploitations et des productions ». Indiquant que toute modification de l’équilibre du bail rural devra faire l’objet d’une étude d’impact sérieuse et approfondie. Il rappelait ensuite que la question du foncier fait évidemment partie des leviers pour faciliter l’installation et la transmission. 
« Je voudrais vous redire que s’il est moins connu du grand public que notre agriculture, notre gastronomie ou notre paysage, notre système de protection du foncier, articulé autour du contrôle des structures, du statut du fermage et de l’action des Safer, est désormais renforcé par la loi Sempastous et pris en modèle au niveau européen et mondial. » La question de la préservation du foncierdemeure en effet l’un des moteurs de la SNFM : « Nos outils de régulation doivent plus que jamais perdurer et doivent même apporter de nouveaux services si l’on veut encore demain des fermes et non des firmes ». Pour le président de la section, la loi Sempastous « vient enfin renforcer la régulation foncière, notamment avec le contrôle des transferts de parts de sociétés ». 

Sébastien Delafosse succède à Bertrand Lapalus
Sébastien Delafosse, 53 ans, est le nouveau président de la SNFM. Il succède à Bertrand Lapalus.

Sébastien Delafosse succède à Bertrand Lapalus

 Agriculteur dans la Manche en production laitière, Sébastien Delafosse, 53 ans, succède à Bertrand Lapalus au poste de président de la section nationale des fermiers et métayers (SNFM). Denis Labri devient secrétaire général. Le nouveau président de la section est conscient du chantier qu’il reste à conduire. « Lors de ce congrès, beaucoup de choses ont été dites et revendiquées. Il y a sans nul doute du grain à moudre pour les trois prochaines années, même si je pense qu’elles ne seront peut-être pas assez longues pour répondre aux attentes de nos fermiers ». Ainsi, la SNFM souhaite continuer de travailler sur « la transmission bien sûr, mais il y a encore des sujets, comme la fiscalité, le portage de capitaux, ainsi qu’un meilleur suivi sur les installations ». D’où le besoin urgent d’établir « une feuille de route pour les trois prochaines années ». Au nouveau président de conclure : « Ce qui m’importe avant tout, c’est le statut du fermage. Il faut mettre les terres à bail car c’est la seule solution pour les jeunes installés de pouvoir investir dans leur outil de production avant d’acheter du foncier, de le rendre performant, économiquement viable et de laisser au fermier la possibilité d’entreprendre comme il le souhaite en fonction de sa production ». 

Statut du fermage et transmission

Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et membre du conseil d’administration de la FNSEA, en ouverture de la table ronde « Le statut du fermage : pilier d’une transmission réussie », organisée lors du 75e congrès de la SNFM, rappelait que « l’enjeu est extrêmement important au vu de la pyramide des âges que connaît l’agriculture. Il va falloir transmettre nos outils à des productions traditionnelles, mais également à de nouveaux profils qui souhaitent embrasser le métier ». Mettant en lumière « la chance » d’avoir ces derniers, il rappelait l’importance d’adapter les choses, mais aussi de les anticiper. « Le statut du fermage est, tout simplement, un contrat entre un fermier et un propriétaire. Il est toujours d’actualité. Il faut le faire évoluer, mais il doit persister. »
Porte-parole de Jeunes agriculteurs, Julien Rouger (membre du bureau JA), questionné sur leur création d’un livre blanc pour favoriser la transmission, a expliqué la raison de sa rédaction : « On a beaucoup travaillé sur l’installation chez JA et on se faisait souvent la réflexion qu’il y avait beaucoup moins de moyens, de dispositifs et de discussions sur la transmission. On a donc creusé la thématique ». En sont ressortis quatre axes de travail : l’accompagnement des cédants, l’entreprise agricole, l’environnement social et fiscal et les moyens de production. « Plus globalement, on doit élargir cette question à la transmission des moyens de production, avec des porteurs de projets qui ne veulent plus forcément tous faire carrière et investir dans l’ensemble de leur entreprise. »
Des profils différents
Fabrice Pannekoucke, vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes en charge de l’Agriculture, a, quant à lui, rappelé deux préalables pour aider, faciliter et encourager la transmission. « Premièrement, le portrait-robot du repreneur a totalement changé ces dernières années. La dimension de hors cadre familial est un élément essentiel à prendre en compte si on veut pouvoir anticiper, expliquer et préparer des solutions durables. Par ailleurs, lorsque l’on parle de transmission, quatre acteurs sont à considérer : le cédant, le futur installé, le propriétaire et la collectivité. » Pour Patrice Chaillou, secrétaire général de la SNFM, les clés de la réussite sont « l’envie » et « l’anticipation. Il faut en parler bien avant pour mettre tout le monde bien en phase. »