SANTÉ DES RUMINANTS
En Drôme, la situation sanitaire est stable mais des menaces pèsent
Le point sur l’actualité sanitaire en Drôme pour les ruminants avec Philippe Crosset-Perrotin et Martin Brusselle, respectivement président et vétérinaire conseil du GDS 26.
« En Drôme, nous n’avons pas connu en 2023 de grosse alerte sur les maladies réglementées* », indique Martin Brusselle, vétérinaire conseil du groupement de défense sanitaire de la Drôme (GDS 26). La situation est donc globalement stable et maîtrisée sur ces maladies qui font l’objet d’une prophylaxie obligatoire. Mais Philippe Crosset-Perrotin, président du GDS 26, n’oublie jamais de le rappeler : « Il ne faut jamais relâcher la vigilance, maintenir la surveillance des troupeaux et rester vigilants lors des mouvements d’animaux... » D’autant que de nouvelles menaces pèsent. Jusqu’à présent les élevages de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont été épargnés par la maladie hémorragique épizootique (MHE) qui touche essentiellement les bovins. Mais, avec le retour du printemps, l’activité des culicoïdes, moucherons vecteurs de sa transmission, va reprendre. D’où un risque de voir progresser la maladie au-delà des départements actuellement touchés. « Le GDS 26 joue notamment un rôle d’information auprès de ses adhérents qui sont concernés par des échanges d’animaux avec des départements en zone régulée comme le Cantal, une partie de l’Allier, du Puy-de-Dôme, de la Haute-Loire ou de l’Ardèche », signale Martin Brusselle.
La FCO-8 aux portes du département
Autre sujet de préoccupation : la fièvre catarrhale ovine (FCO). Présente en France depuis une quinzaine d’années, celle-ci a fait son retour en 2023 au sud du Massif-central avec l’apparition d’une nouvelle souche (BTV-8). Cette souche déclenche « des signes cliniques plus graves que les années précédentes. À l’automne, elle a provoqué une épizootie importante avec plus de 1 500 foyers et s’est propagée rapidement dans plusieurs régions françaises », signale GDS Aura sur son site internet. Là aussi, la reprise de l’activité des moucherons vecteurs laisse craindre de nouvelles propagations. Martin Brusselle appelle les éleveurs drômois à la plus grande vigilance. Des cas de FCO ont en effet été confirmés en Ardèche, dans la Loire et l’Ain. D’où la recommandation de GDS France et de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) de « vacciner le cheptel souche, a minima contre le sérotype 8, dès que possible, avant que les vecteurs ne redeviennent actifs. »
Autre crainte également exprimée par le vétérinaire conseil du GDS 26, celle de voir se cumuler sur des troupeaux, bovins notamment mais aussi ovins, les virus de la MHE et de la FCO. D’où l’intérêt de vacciner contre le sérotype 8 pour « limiter le risque d’infections simultanées ou d’infections successives qui démultiplieraient l’impact sanitaire », précisent GDS France et la SNGTV. Sans oublier la menace de voir arriver en France le sérotype 3 de la FCO, qui a émergé aux Pays-Bas en 2023 et a été identifié depuis en Belgique, Allemagne et au Royaume-Uni. Pour l’instant aucun vaccin n’est disponible contre ce sérotype.
Face à ces menaces, Philippe Crosset-Perrotin insiste sur la nécessité de s’acquitter de sa cotisation volontaire auprès de la section spécialisée « ruminants » du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (voir encadré ci-dessous). En effet, depuis le 1er janvier 2024, les élevages touchés par la MHE ne bénéficieront plus d’aides directes de l’État. Seuls les éleveurs adhérents au FMSE pourront bénéficier de ces indemnisations.
Besnoitiose et néosporose sous surveillance
Concernant les autres dossiers suivis en Drôme, Martin Brusselle rappelle que la besnoitiose reste une préoccupation principale pour les élevages bovins du département. En 2023, seize élevages ont été suivis en plan d’assainissement besnoitiose (dont quatre ont été clôturés) et quatorze autres élevages ont bénéficié du plan de surveillance. Le vétérinaire conseil insiste sur la nécessité de bien communiquer entre éleveurs sur la présence de cette maladie afin de déclencher des plans de surveillance chaque fois que nécessaire dans les élevages voisins ou membres d’un même groupement pastoral.
Parmi les priorités pour 2024, Martin Brusselle cite également la nécessité de surveiller deux nouvelles maladies chez les bovins : la néosporose et la maladie de Mortellaro. Concernant la néosporose, il s’agit d’une maladie parasitaire identifiée comme la première cause infectieuse d’avortement au niveau national. Le parasite étant transféré de la mère à son veau, l’introduction d’une femelle contaminée peut infecter durablement le cheptel. « C’est pourquoi depuis l’an dernier, le GDS de la Drôme propose aux éleveurs bovins de réaliser un dépistage volontaire de cette maladie sur la même prise de sang que celle du pack intro** », signale Martin Brusselle. L’analyse est prise en charge à 100 % (du montant HT) pour les éleveurs adhérents.
Maladie de Mortellaro à ne pas négliger
Après des signalements de cas de maladie de Mortellaro en Drôme, également connue sous le nom de dermatite digitée ou pododermatite, le GDS 26 compte également en 2024 faire le point sur la situation dans les élevages du département. « Ce qui est inquiétant d’après les vétérinaires et les pareurs, c’est que cette maladie jusqu’alors considérée comme caractéristique des élevages laitiers touche désormais les élevages allaitants », souligne le vétérinaire conseil.
Enfin, du côté des ovins, il insiste sur la nécessité de faire remonter les signalements de cas de gale. « Si nous devons envisager de mettre en place une solution de traitement collectif [comme les baignoires mobiles mises en place dans les Bouches-du-Rhône et l’Allier, ndlr], il nous faut une idée précise de la situation pour pouvoir mobiliser sur ce dossier des financeurs comme le Département », indique Martin Brusselle.
Autant de sujets qui vont encore cette année mobiliser toute l’énergie du GDS de la Drôme, en plus de ses missions de prophylaxie.
Sophie Sabot
* Brucellose en ovin et caprin ; brucellose, leucose, IBR, BVD et varron en bovin. Un seul bovin détecté positif au varron en 2023, le cheptel concerné reste sous surveillance pour cette campagne.
** Le pack intro bovin comprend le dépistage lors d’achat d’animaux et en fonction de leur âge de l’IBR, la BVD, la besnoitiose et la paratuberculose.
Garantie « Indemne de CAEV »
En 2023, en Drôme, huit cheptels caprins ont bénéficié de la garantie « Indemne de CAEV » et un neuvième est en cours d’acquisition. Cette garantie, gérée par GDS France, permet de contrôler l’absence du virus dans l’élevage et de vendre des animaux de renouvellement indemnes d’arthrite virale caprine.
Dépistage et plan Brucella ovis
Le dépistage de Brucella ovis sur les béliers est proposé aux éleveurs du département pour contrôler le statut de leur propre cheptel ou lors d’achats de nouveaux béliers pour empêcher la maladie d’infecter le cheptel. En 2023, 71 exploitations drômoise ont fait tester 618 béliers. Pour rappel, Brucella ovis est une bactérie responsable de l’épididymite contagieuse qui peut entrainer la stérilité des béliers.
Pour la période 2023-2025, un plan d’assainissement, réservé aux éleveurs adhérents du GDS 26, a été lancé avec le soutien du Département. Ce plan est ouvert à tout élevage possédant au moins un bélier détecté positif au dépistage brucella ovis. Il consiste à détecter tous les béliers de l’exploitation et à réformer les positifs. En retour, l’éleveur peut bénéficier d’aides via le plan départemental ovin pour l’achat de béliers de remplacement. Douze élevages sont entrés dans ce plan en 2023.
Pourquoi cotiser à la section spécialisée ruminants ?
Le GDS 26 rappelle qu’il y a un véritable enjeu pour les éleveurs à cotiser à la section spécialisée ruminants du fonds national de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE). Mis en place depuis une dizaine d’années, ce fonds comprend deux niveaux de cotisation. La première, destinée à la section commune à toutes les filières agricoles, est obligatoire par le biais des cotisations MSA. Elle couvre des indemnisations en cas d’incidents environnementaux ayant un impact transversal pour toutes les productions (accident industriel, incendie…). La seconde est facultative pour l’une des douze sections spécialisées. Chaque section programme ensuite des indemnisations en cas de maladie ou attaque de nuisibles réglementés au niveau européen et national. Un exploitant ne cotisant pas à la section spécialisée ruminants ne pourra pas recevoir d’indemnisations en cas de problèmes liés à un risque réglementé (brucellose, fièvre charbonneuse, botulisme, tuberculose bovine, leucose bovine, FCO, destruction de fourrages par les campagnols). Depuis le 1er janvier, la MHE fait aussi partie de cette liste.