FONCIER
Surfaces pastorales : ne plus perdre un hectare en Drôme
L’association départementale d’économie montagnarde (Adem 26) vient de signer une convention de partenariat avec la Safer pour mieux préserver le foncier pastoral.
Le 27 avril, Philippe Cahn, président de l’Adem 26 et Marc Fauriel, vice-président de la Safer Aura et président du comité technique départemental de la Drôme, ont signé une convention de partenariat. Cette convention vise à « optimiser les actions des deux structures en vue de la sauvegarde et la protection des alpages, des terres agro-pastorales et des espaces intermédiaires y compris les surfaces supportant des bâtis alpestres. » La signature a eu lieu à Châtillon-en-Diois à l’occasion de l’assemblée générale de l’Adem 26.
« Si nous avons choisi de faire de ce sujet une priorité, c’est parce que sans sécurité foncière, il ne peut y avoir d’installations agricoles, de travaux d’aménagement, d’aides Pac, de mesures agro-environnementales (MAE)… Nous constatons qu’il y a de plus en plus de ventes d’espaces pastoraux en Drôme. Nous avons pu travailler avec la Safer sur plusieurs de ces dossiers », a expliqué Dominique Narboux, directrice de l’Adem 26. « Notre engagement partenarial avec la Safer, que nous concrétisons par la signature de cette convention, a déjà donné de bons résultats », a affirmé Philippe Cahn, citant des lieux emblématiques comme Miélandre, Combemale ou Belle Motte « qui ont pu être préservés pour le pastoralisme grâce à cette coopération exemplaire ».
Trois dossiers, 840 ha de foncier pastoral
En 2019, les 255 ha de la montagne de Miélandre ont effectivement pu être acquis par la commune de Vesc dans le cadre de la politique en faveur des espaces naturels sensibles (ENS), a rappelé Damien Bertrand, directeur départemental de la Safer. Une acquisition rendue possible grâce au soutien financier du Département et de la Région via le PNR des Baronnies provençales. En 2021, c’est au tour de l’alpage de Belle Motte, située sur la commune de Châtillon-en-Diois d’être proposé à la vente par une agence immobilière spécialisée dans les grands domaines. Début 2022, une SCI domiciliée à Paris se porte acquéreur des 370 ha, utilisés par le groupement pastoral de Jabouit. L’inquiétude grandit chez les éleveurs qui craignent de perdre cette ressource. Grâce à un important travail de concertation mené par la Safer et l’Adem 26, la nouvelle propriétaire accepte de garantir l’utilisation pastorale du site pour les vingt prochaines années (lire également L’Agriculture Drômoise du 20 octobre 2022).
Un peu plus au nord, non loin du col de Rousset, ce sont les 215 ha de l’alpage de Combemalle qui sont mis en vente en 2020. En 2021, grâce à un accompagnement technique de la Safer, du PNR du Vercors et de l’Adem 26, la commune de Saint-Agnan-en-Vercors se porte acquéreur de l’alpage, dans le cadre de la création d’un ENS. Là aussi, comme pour la montagne de Miélandre, l’acquisition sera aidée à hauteur de 80 % (40 % du Département de la Drôme et 40 % de l’État, via le PNR du Vercors dans le cadre du plan de relance).
Une AFPL créée à Saint-Agnan-en-Vercors
Mais le travail ne s’arrête pas là. En effet, les élus de Saint-Agnan-en-Vercors, accompagnés par l’Adem 26, viennent d’impulser la création d’une association foncière pastorale libre (AFPL). Elle regroupe 487 ha, dont 356 appartenant à la commune (dont les 215 ha de l’alpage de Combemalle). « L’association réunit treize propriétaires dont un syndicat des eaux, des propriétaires privés et la commune », explique Florence Pesenti, première adjointe à Saint-Agnan-en-Vercors et présidente de l’AFPL. Cette AFPL va permettre d’établir des conventions de pâturage avec les locataires, de programmer des aménagements (piste notamment) et de fixer des règles de pâturage compatibles avec la présence d’un captage d’eau potable. Et surtout, elle crée un espace de dialogue et de confiance entre tous les propriétaires, chaque membre de l’AFPL disposant d’une seule voix, quelle que soit la surface représentée.
Ces trois exemples, qui permettent de sécuriser l’usage de plus de 1 000 ha de surfaces pastorales, démontrent tout l’intérêt d’une collaboration efficace entre la Safer et l’Adem 26. « La Drôme est un département attractif dont le foncier est convoité. La préservation du foncier agricole est vraiment ce qui anime l’action de la Safer, a souligné Marc Fauriel. À travers ces trois exemples, il est intéressant de rappeler que, finalement, peu importe qui est propriétaire, ce qui est important c’est de garantir l’usage. »
Sophie Sabot
Toutes les actions de l’Adem 26 sont à retrouver sur son nouveau site internet www.adem-drome.fr
Un usage à développer
« Le pastoralisme, c’est mieux que des canadairs pour nos forêts ». Cette phrase lancée par André Aubanel, président de Fransylva 26, syndicat qui regroupe les propriétaires forestiers de la Drôme, met en évidence la nécessaire collaboration entre éleveurs et forestiers. D’autant que, « avec l’évolution climatique, le pâturage sous forêt devient nécessaire pour le bien-être animal », a renchéri Philippe Cahn, président de l’Adem 26. La facilitation de la collaboration avec les propriétaires forestiers privés semble en bonne voie. « Le pastoralisme est ciblé très clairement dans les futurs schémas régionaux de la gestion sylvicole », a indiqué Julien Camacho, technicien du centre national de la propriété forestière (CNPF) en Drôme. Quant à la forêt publique, Stéphane Richard, responsable de l’unité territoriale du Haut-Diois pour l’Office national des forêts (ONF), a reconnu être de plus en plus sollicité par des éleveurs pour des conventions de pâturage. « Pour les forêts domaniales, nous essayons de répondre le plus positivement possible sous forme de ventes d’herbe ponctuelles », a-t-il indiqué. Quant aux forêts communales, il a rappelé que l’ONF a pour mission de fournir un avis aux communes sur cette utilisation pastorale. Mais, in fine, c’est bien la commune qui décide d’accueillir ou non un troupeau.
Enfin, Philippe Cahn a invité les maires à être prudents sur le classement de leurs forêts dans le réseau Frene (forêts en libre évolution naturelle). Ce classement interdit en effet toute action sur la forêt, hormis la chasse, fermant ainsi toute possibilité d’une utilisation pastorale de ces surfaces.
S.Sabot
2023 s’annonce aussi noire que 2022
Fabien Candy, technicien pastoral à l’Adem 26, en charge du portail internet Maploup, a livré les premiers constats pour 2023. « Ce début d’année est intense en termes de prédation. Ces dernières semaines, nous renseignons plusieurs attaques par jour pour la Drôme », a-t-il révélé. En date du 2 mai, 64 suspicions d’attaques ont déjà été recensées par Maploup pour 153 victimes (4 bovins, 7 caprins, 2 équins et 140 ovins). Ces attaques sont survenues sur l’ensemble du département, les plus récentes concernant les communes de Upie, Aouste-sur-Sye, Chabrillan, Sauzet, Volvent, Pelonne ou encore Montfroc.
Isabelle Nuti, directrice départementale des territoires (DDT), a rappelé que les propositions élaborées en concertation avec la profession agricole pour le prochain plan loup ont été transmises au préfet de région, coordonnateur du plan loup. « Les derniers débats se tiennent à la fin de ce semestre pour finaliser ce projet de plan national d’actions, qui sera mis à consultation du public. Il devrait ensuite être approuvé fin 2023 pour une mise en œuvre début 2024 a-t-elle expliqué. Il ne s’agit pas d’éradiquer le loup mais, aujourd’hui, il a une place déséquilibrée. » Le nouveau plan devrait selon elle « remettre les choses dans le bon ordre » pour éviter « certaines dérives qui pourraient menacer le pastoralisme ».
À noter, dans le cadre du protocole d'intervention 2023, un premier loup a été prélevé fin avril sur le Vercors drômois. En 2022, neufs loups ont été abattus dans le département dont huit dans le cadre du protocole légal. Au niveau national, le plafond de prélèvement autorisé pour 2023 reste fixé à 174 loups, comme en 2022.