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INTERVIEW

Claude Font : « Interpellez  vos élus sur le Plan loup 2023 ! »

Le responsable du dossier prédation à la Fédération nationale ovine (FNO), Claude Font, également éleveur en Haute-Loire, appelle les éleveurs ovins à faire pression sur les élus locaux pour faire évoluer le prochain Plan loup.

Claude Font : « Interpellez  vos élus sur le Plan loup 2023 ! »
Claude Font, responsable du dossier prédation à la FNO. ©EA71

En quoi consiste le travail de la FNO sur le Plan loup ?
Claude Font : « Ce Plan loup va jusqu’en 2023. À la FNO, nous travaillons déjà sur le prochain en vue d’améliorer la situation des éleveurs. Nous le faisons au niveau européen (au sein du Copa-Cogeca) sur le statut du loup. En raison du statut protégé du loup avec la convention de Berne, on ne peut travailler que sur des dérogations possibles. Ce sont des travaux de longue haleine qui demandent l’unanimité des pays européens. C’est donc d’abord une recherche d’alliés. »

Quelle est la situation actuelle en France ?
C. F. : « Il y a de plus en plus de loups et de territoires concernés par la prédation. En raison des effectifs passés de 530 à 580 loups selon les estimations de l’OFB en France, les territoires colonisés augmentent. On constate aussi une hausse des installations permanentes. La multiplication des meutes entraîne la dispersion des jeunes loups, chassés de la meute, à la recherche de nouveaux territoires. »

Le plan Loup est extrêmement complexe : ne faut-il pas simplifier ?
C. F. : « De par le statut protégé du loup, la France est contrainte à sa protection stricte. On doit donc travailler par dérogations en faisant attention à ce que chaque décision et chaque arrêté ne soient pas mis à mal par les associations environnementales. Un gros travail a été fait par les services du préfet coordonnateur en ce sens. Malheureusement, ce régime dérogatoire nous oblige à travailler sur une procédure et à s’y tenir. C’est pourquoi, la première chose à faire quand on a des attaques, c’est de mettre en place des protections et après, graduellement, d’avoir droit à des tirs de défense simples et renforcés par la suite, ce qui permet à terme de prélever le loup, souvent avec ces tirs de défense. »

Au-delà des batailles juridiques entre éleveurs et défenseurs du loup, le combat n’est-il pas aussi une question d’image du loup dans nos sociétés et donc un sujet politique ?
C. F. : « En effet et j’appelle tous les départements à profiter de cette année d’élections départementales et régionales pour faire le forcing sur ce dossier. Idem sur les échéances présidentielles futures puisqu’on travaille sur l’évolution du futur Plan loup. C’est un dossier mené conjointement par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique et comme ils ne sont pas d’accord, ce sont les services du Premier ministre qui tranchent. Il y a donc des arbitrages politiques et avoir les élus des territoires - maires, conseillers, parlementaires - aux côtés des éleveurs est essentiel. »

Quels peuvent être ces arbitrages ?
C. F. : « Le dossier prédation se décline en fait en plusieurs sous-dossiers. Le premier est l’utilisation des chiens de protection. Celle-ci peut engendrer des retours de bâton aux éleveurs en raison de l’attitude des chiens vis à vis des promeneurs ou des chasseurs (et sur la faune sauvage). Un travail juridique est en cours et un autre, technique avec l’Institut de l’élevage, pour restructurer cette filière et ainsi permettre aux éleveurs d’être accompagnés dans l’utilisation de ces chiens qui ne sont pas, à proprement parler, à dresser. Nous sommes donc en train de référencer les chiens de protection en France, au nombre de 5 000 et plus, pour qu’ils jouent bien un rôle de protection dans un contexte donné. Un autre travail se fait sur les indemnisations et les pertes indirectes avec le ministère de l’Environnement pour prendre en compte les pertes de production dues à la prédation et au-delà, c’est-à-dire, l’évolution ou l’obligation pour les éleveurs d’adapter leurs systèmes à la prédation. Autre chantier sur les critères des cercles, notamment sur les zones historiques comme le fameux cercle 0, pour y avoir droit et les indemnisations qui vont avec. » 

Propos recueillis par Cédric Michelin
  

MOTION / « L’Etat doit cesser de reculer »


A l’initiative des Savoie où la pression de la prédation est déjà insupportable sur les sorties de troupeaux du printemps, la chambre régionale d’agriculture, la FRSEA et les JA Auvergne-Rhône-Alpes ont adopté le principe d’une motion qui va être proposée en session nationale APCA le 17 juin. « L’objectif est d’avoir un positionnement fort et inédit de la profession agricole. Nous demandons solennellement à l’Etat de cesser de reculer. Nous avons besoin tout de suite de mesures réactives pour soutenir nos éleveurs et faire face aux agressions de nos troupeaux », explique Bernard Mogenet, président de la FDSEA des Savoie et également vice-président de la FRSEA en charge du dossier loup. En cours d’écriture, le texte dénonce « un retour en arrière inacceptable, en ce moment, tout est fait pour qu’on arrête de prélever des loups. Les éleveurs sont exaspérés, découragés. L’OFB ment sur ses comptages, les procédures de tirs de défense sont inopérantes. Dernièrement, sur une exploitation du col du Mont-Cenis, il a fallu sept attaques successives sur des veaux avant d’obtenir le premier tir. C’est beaucoup trop tard  ! », peste le syndicaliste. La décision unilatérale de la Fédération nationale des chasseurs de cesser toute participation aux actions loup aggrave encore la situation : « les éleveurs ne peuvent pas remplir leurs dossiers de demande de tir de défense car ils ne savent plus quels chasseurs sont encore mandatés sur leur secteur. Tout est paralysé. On comprend le combat politique des chasseurs pour obtenir du matériel adéquat mais ce n’est pas aux éleveurs de payer la note. » 
B. C.

PREDATION /  Chiffres clés

2021 : 18 loups prélevés depuis le 1er janvier (chiffres au 31 mai 2021)
2020 :
• 97 loups prélevés (105 décomptés du plafond 2020).
• 3 968 victimes indemnisables en Auvergne-Rhône-Alpes (3 623 en 2019).
• 389 victimes indemnisables en Bourgogne Franche-Comté (107 en 2019).
Sources : Données Dreal Auvergne-Rhône-Alpes / Bourgogne Franche-Comté