Conférence
Pour une relance coopérative

Le 12 mai dernier, les Rencontres du Crédit agricole Sud Rhône Alpes se sont intéressées à la puissance du travail coopératif.

Pour une relance coopérative
Anne-Fleur Barret (à g), interroge Isabelle Guillaume, présidente de Grenoble INP-UGA et Philippe Watteau, directeur de l’innovation de CEA Tech.

«Quels sont les moyens, quelles sont les formes d’organisation pour la relance ? », s’est interrogé Jean-Pierre Gaillard, président du Crédit agricole Sud Rhône Alpes lors du lancement des Rencontres, le 12 mai dernier à Alpexpo Grenoble, sur la thématique « Coopérer pour relever les défis ». Il estime que « l’environnement régional se prête à la coopération d’entreprises - qui ne sont pas des coopératives - mais qui portent des projets de faire ensemble ». Les défis à relever sont économiques, environnementaux, sociétaux, humains et culturels.
Plusieurs grands témoins étaient présents, chacun apportant sa vision de l’esprit coopératif.
Isabelle Guillaume, présidente de Grenoble INP-UGA*, souligne que « les pôles de compétitivité sont l’ADN de la coopération », car ils rassemblent les entreprises, les laboratoires, l’enseignement supérieur et les organismes de formation. Ils génèrent un écosystème d’innovation « sur une thématique et sur un territoire ».
Ainsi, Philippe Wattteau, directeur de l’innovation à CEA Tech cite en exemple, dans le domaine de la santé, la start-up Diabeloop qui a inventé un dispositif de délivrance automatisé d’insuline pour le traitement du diabète de type 1. Cette innovation est le résultat d’un travail mené en commun par les médecins, les technologues et les patients. Il préconise une approche de l’innovation par les usages et rappelle, comme préalable au travail coopératif, l’importance « de synchroniser les différents temps des acteurs pour aboutir à une innovation commune ».

Faire confiance

Un autre ingrédient du succès coopératif est certainement, comme le mentionne Isabelle Guillaume, la confiance entre acteurs. Celle-ci s’acquiert en faisant preuve d’écoute et de partage, mais aussi en favorisant les rencontres entre les personnes. Mieux se connaître permet de mieux faire confiance.
La production d’une énergie décarbonée, considérée sous l’angle de la mobilité, apparaît comme le grand thème collaboratif de l’année. Les acteurs économiques appréhendent cette contrainte par le prisme de la filière hydrogène. Sophie Sidos, présidente du Medef Isère et présidente de la fondation Vicat, fait valoir le projet ZEV pour Zéro émission valley et de sa structure commerciale Hympulsion, qui réunit des acteurs privés et publics régionaux  pour initier le marché de la mobilité verte hydrogène dans la région. Il prévoit le déploiement de 20 stations de distribution d’hydrogène, l’équipement de 1 200 véhicules légers pour les professionnels et l’installation de trois électrolyseurs pour produire de l’hydrogène.

Petits et grands

De son côté, Gilles Moreau, directeur de l’innovation chez Verkor, start-up grenobloise qui développe des batteries bas carbone, a rapporté son expérience de collaboration entre une petite entreprise naissante et un grand groupe comme Renault. « La vélocité de la start-up et la capacité d’un grand groupe, génèrent une situation de gagnant-gagnant ». Verkor comptait six cofondateurs en juillet 2020, elle a 130 salariés aujourd’hui et en recrute 1 200 l’année prochaine pour son entreprise qu’elle basera à Dunkerque. Elle s’apprête à lever 1,5 milliard d’euros…
D’un autre côté, les plus gros savent aussi chercher les petits pour des initiatives vertueuses. C’est le cas de la major 
ST Microelectronics (46 000 emplois dans le monde dont 6 500 en Isère). « Nous avons découvert une fonderie d’aluminium dans l’Allier qui a besoin de silice, explique Thierry Beauchon, le directeur du site de Grenoble. Or, nous pouvons lui fournir, des tranches de silicium que nous destinions au rebut. » Cela représente 5 tonnes par an : une façon de limiter l’empreinte carbone du géant de la microélectronique.

Acceptation sociétale

Jean-Laurent Nectoux, vice-président de Rossignol est, à son tour, venu témoigner de la façon dont le constructeur avait réussi à avancer dans la prise en compte de la fin de vie et du recyclage des skis. C’est en travaillant main dans la main avec MTB Recycling à Trept que Rossignol a pu mettre au point d’une part, une machine capable de séparer les matériaux et d’autre part, avancer sur la composition des skis en matériaux recyclables.
Enfin, Philippe Watteau rappelle une donnée essentielle qui doit présider à l’innovation coopérative, c’est celle de l’acceptation sociétale. Il ajoute « faite confiance à la jeunesse, c’est elle qui a toutes les idées et toutes les ruptures ».  

Isabelle Doucet
* Etablissement public d’enseignement supérieur de l’Université Grenoble Alpes, réunissant écoles d’ingénieurs, de management et des laboratoires de recherche.

« Regarder son empreinte »

 
Denis Ferrand, directeur général Rexecode, expert en prévisions économiques, était l’invité d’honneur des rencontres du Crédit agricole Sud Rhône Alpes.
Il confirme que « le sujet qui appelle le plus à la coopération est le défi environnemental ». Il préconise « de regarder son empreinte, plutôt que son émission   de gaz à effet de serre ». Car « tous les efforts que la France fait en 10 ans, sont gommés par la production de la Chine en trois mois ».
L’économiste identifie un levier d’action principal qui est « la reconstruction d’une cohérence économique » par une « réorganisation de la production ». 
Isabelle Doucet