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Vin

Les effervescents de Die très pénalisés par le Covid

Le 26 août à la Cave Jaillance à Die, la filière viticole de ce territoire a fait part de ses difficultés au préfet. Ses ventes ont été très impactées par la crise sanitaire.
Les effervescents de Die très pénalisés par le Covid

La Cave de Die Jaillance produit principalement de la Clairette de Die, qui est consommée à des moments festifs et conviviaux. Or, durant le confinement surtout et aussi après, les célébrations familiales et amicales se sont fort restreintes. « Dans la filière viticole, le secteur des vins effervescents est le plus pénalisé », ont constaté le président de la coopérative, Olivier Rey, ainsi que la directrice administrative et financière de Jaillance, Dominique Favier, le 26 août lors d'une visite du préfet de la Drôme, Hugues Moutouh. Il est venu rencontrer le monde viticole diois pour échanger sur les difficultés de cette filière. Accompagné de la sous-préfète de Die, Camille Witasse-Thézy, et de la directrice de la DDT, Isabelle Nuti, il a assuré : « Nous sommes très attentifs, vigilants et désireux d'apporter notre aide ».

Le préfet et le président de la cave de Die Jaillance (de gauche à droite).

Chute des ventes

La filière viticole et cette cave coopérative, acteur majeur, pèsent dans l'économie du Diois, a souligné Olivier Rey, avant que Dominique Favier expose les conséquences de la crise Covid : « Nos marchés ont subi des baisses allant jusqu'à - 30 % en grandes et moyennes surfaces(*), - 90 % sur le réseau CHR(**) et notre caveau a été fermé près de deux mois. » La perte de chiffre d'affaires étant inférieure à 50 %, aucune indemnisation n'est prévue. L'assurance perte d'exploitation ne joue pas car la crise sanitaire n'est pas reconnue comme cause possible dans le contrat ». Hôtellerie, restauration, traiteurs ont bénéficié de baisses de charges. Alors, « est-il envisageable d'avoir une indemnisation à due proportion ? », a-t-elle interrogé, avant de préciser : « A ce jour, le total des ventes est en retrait de 17 % » par rapport à la même période de 2019. Le caveau « fait une belle saison estivale ». Les commandes sur août et septembre dans les hyper et supermarchés français et européens repartent sur la tendance de l'an passé. Mais « les ventes vers la restauration et l'hôtellerie restent limitées à - 24 % à la date de ce jour », a-t-elle ajouté.

Distillation de crise

La mévente a eu des répercussions sur les stocks. La mesure de distillation de crise a permis de vider les cuves de la cave pour accueillir la nouvelle récolte (rendement maximal fixé à 45 hl, pour réajuster les stocks). Mais « l'écart entre l'indemnisation de l'Etat sur la distillation et le coût réel du stock représente quasiment 10 % de la valeur de la récolte ». En plus, l'indemnisation par l'État des expéditions à la distillerie (entre mi-juin et mi-juillet) n'est prévue qu'en novembre ; un délai jugé trop long par Dominique Favier.

Projets annulés

Pendant la visite de la cave de Die Jaillance.

Pour passer ce cap « tendu », la coopérative a annulé des projets d'investissements techniques, informatiques, de communication, marketing produits, des embauches et ne les a pas reprogrammés, faute de lisibilité. L'activité partielle, les prêts garantis par l'État (PGE), les reports d'échéances d'emprunts sur six mois lui ont redonné de l'oxygène à partir de juin. Mais « la reprise est incertaine et la visibilité faible sur la fin d'année, a poursuivi Dominique Favier, que les modalités de remboursement des PGE inquiètent. Limitée, la capacité financière est principalement absorbée par les remboursements des dernières lignes de production et bâtiment de stockage construit en 2013. Cette incertitude ne nous permet pas d'anticiper et de prévoir pour la prochaine année le plan de ré-étalement de la dette qui permettrait de ne pas amputer les investissements futurs et indispensables de certains matériels de conditionnement ».

Ne pas oublier les petits vignerons

« La crise sanitaire a été soudaine et peut-être encore plus violente pour les vignerons indépendants, a confié celui qui les représentait, Emmanuel Poulet. Certains ont perdu jusqu'à 90 à 95 % de leur chiffre d'affaires pendant le confinement. Aujourd'hui, les ventes reviennent à la normalité. Mais, après le gel de 2017, des difficultés économiques en 2018, en 2019 et encore cette année, comment rembourser les emprunts, payer les charges sociales ? » Et d'appeler à ne pas oublier les petits vignerons qui sont dans une situation très précaire.

 

(*) CHR : cafés, hôtels, restaurants.
(**) Les grandes enseignes des GMS représentent plus de 65 % de l'activité de la Cave de Die Jaillance.

Annie Laurie

Ils ont dit

Lors de l'échange entre le monde viticole et le préfet.
Comme pistes pour améliorer la situation, le président de la cave Jaillance, Olivier Rey a évoqué l'allégement des charges, lors de la rencontre avec le préfet. Il a aussi suggéré d'« imaginer (ce qui est peut-être plus du ressort des parlementaires) un plan d'aménagement sectorisé effervescents ». Et encore d'aligner le droit d'accise (impôt indirect payé à la bouteille) des effervescents (plus de 9 € l'hectolitre) sur celui des vins tranquilles (moins de 4 €). Le préfet Hugues Moutouh a répondu : « C'est plutôt une bonne idée, cela mérite une réflexion. Pourquoi pas, en ciblant la mesure sur les vins qui connaissent des difficultés particulières ».
Représentant les vignerons indépendants, Emmanuel Poulet voit le soutien dans une baisse des charges sociales supérieure et le maintien des salons des vins. Au niveau de l'exonération des charges sociales des exploitants, il n'y a pas d'enveloppe fléchée « spéciale viticulture » aujourd'hui à la MSA, a constaté le président de la FDSEA, Grégory Chardon : « Il faudrait regarder s'il ne pourrait pas y en avoir une car c'est un secteur très touché, qui a été impacté par le gel, la sécheresse et l'effet du Covid sur le commerce. Et, au niveau national, on va tout faire pour obtenir une exonération automatique de TFNB(*). » Sandrine Roussin, vice-président de la chambre d'agriculture, et Léa Lauzier, co-présidente des Jeunes Agriculteurs, ont appelé à être vigilant sur le maintien des installations de jeunes viticulteurs dans le Diois.
Pour la sous-préfète de Die, Camille Witasse-Thézy, « toutes les pistes doivent être explorées. Jaillance est une institution et il est très important de maintenir l'activité du secteur viticole de ce territoire ». Les considérant eux aussi essentiels, la maire de Die, Isabelle Bizouard, et le premier vice-président de la Communauté de communes du Diois, Olivier Tourreng, ont dit être très attentifs à leurs problèmes. Christine Marion, attachée parlementaire de la députée Célia de Lavergne, a souligné l'importance de travailler sur des mesures plus spécifiques adaptées au produit Clairette de Die. Et Stéphane Lévy-Valensi, collaborateur parlementaire de la sénatrice Marie-Pierre Monier, a observé : « On peut regarder pour une mesure particulière. Mais si les vins de Champagne sont exclus, leurs parlementaires ne seront pas forcément d'accord ». Et le préfet d'ajouter : « Les parlementaires drômois sont très actifs sur la viticulture et collaborent ensemble, poussent dans le même sens. Il y a des relais entre l'Assemblée nationale et le Sénat, c'est vrai pour la Clairette et également pour le dispositif TODE(**), pour lequel le Premier ministre a annoncé un an de plus, jusqu'à janvier 2022 ».
A. L.
(*) TFNB : taxe sur le foncier non bâti.
(**) TODE : travailleurs occasionnel demandeurs d'emploi.

 

Repères
Cave de Die Jaillance : autour de 220 adhérents, 110 salariés. 1 200 hectares, soit plus de 75 % de la surface totale des AOC viticoles de Die, dont 1 190 hectares en vins effervescents (Clairette et Crémant de Die).
Chiffre d'affaires du groupe Jaillance : 33,6 millions d'euros en 2019.