Énergies vertes : faut-il changer de paradigme ?
Le Salon Pollutec, qui s’est tenu du 12 au 15 octobre, s’affiche comme un activateur de la transition écologique. Dans le cadre d’un forum Agriculture et climat, plusieurs conférences se sont tenues dont une intitulée « Énergies vertes, nouvelles ressources agricoles ? »

Dans le cadre de la loi de transition énergétique, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, à baisser sa consommation d’énergies fossiles et à porter la part des énergies renouvelables à 32 % de sa consommation finale d’énergie (et à 40 % de sa production d’électricité). Elle s’est également engagée à réduire sa consommation énergétique et à diversifier sa production d’électricité. Des objectifs ambitieux qui, pour être atteints, demandent une nécessaire transformation de notre production et consommation d’énergie actuelles. Des solutions existent, des alternatives voient le jour, et l’agriculture est déjà bien engagée dans cette transition avec la production d’énergies renouvelables. À l’occasion du Salon Pollutec, une conférence a permis de se questionner sur la production d’énergies vertes comme nouvelles ressources pour l’agriculture avec la présentation de projets réalisés ou en cours en Auvergne-Rhône-Alpes, notamment grâce au photovoltaïque.
L’agrivoltaïque pour protéger les vergers
Et si, en plus de produire de l’énergie verte, les panneaux photovoltaïques pouvaient protéger les cultures des aléas climatiques. C’est ce que va tester grandeur nature la station expérimentale fruits Rhône-Alpes (Sefra) d’Étoile-sur-Rhône (26). « L’objectif est d’agir en priorité sur la protection des cultures face aux aléas climatiques, gel et canicule, au moyen de panneaux photovoltaïques. La production d’énergie vient en second plan », explique Bruno Darnaud, arboriculteur et président de la Sefra. Les panneaux photovoltaïques pourraient servir de « parapluie » pour protéger les cultures de la grêle et de « parasol » en cas de canicule. L’expérimentation va permettre de tester les avantages et inconvénients des panneaux installés sur 2,6 ha de la station, au-dessus des arbres fruitiers (cerisiers, pêchers, abricotiers). « Nous avons besoin de données et de retours agronomiques sur les cultures », indique Bruno Darnaud.
Les parcelles du futur
Au sein de l’établissement public d’enseignement agricole de Lyon-Dardilly-Ecully (69), spécialisé en horticulture, deux systèmes agrivoltaïques ont été installés afin d’accompagner l’agriculture face aux changements climatiques. Porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), ce projet concerne deux sites agrivoltaïques en plein champ et en pépinière, soit un total de 6 000 m² associant des cultures et un système de panneaux solaires photovoltaïques mobiles. La structure porteuse des panneaux constitue « un outil agricole au service de la plante, permettant de protéger les cultures des aléas climatiques et de diminuer leurs besoins en eau », explique la CNR. L’expérimentation vise à démontrer que la gestion d’un microclimat, généré par les panneaux solaires mobiles déployés au-dessus des zones de cultures, permet de les protéger, d’en augmenter la productivité, de diminuer la consommation d’eau tout en répondant aux besoins essentiels de la plante. L’installation servira également d’outil pédagogique à l’enseignement des étudiants. Ce projet d’1,4 million d’euros (investissement + expérimentation) bénéficie du soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 40 %. n
C. Dézert
Centrale solaire flottante : énergie, irrigation et biodiversité

À Mornant, à 30 km au Sud-Ouest de Lyon, une plateforme de 630 panneaux photovoltaïques flotte sur une surface de 2 500 m2 du lac d’irrigation de la Maldone. Propriété du Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (Smhar), cette retenue collinaire d’un volume d’eau de 340 000 m3 sécurise l’approvisionnement en eau d’irrigation d’environ mille exploitations agricoles. Mis à la disposition du public, ce plan d’eau est aussi un espace de détente et de pêche pour les habitants de la région lyonnaise. « L’idée de départ était de produire de l’énergie verte locale et renouvelable à partir du patrimoine du Smhar pour financer l’entretien et l’amélioration du réseau d’irrigation et réduire la facture d’eau des irrigants », indique Nicolas Kraak, directeur du syndicat mixte. C’est de là qu’est né le projet d’une centrale solaire flottante, intitulé Ô Solaire, porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) en partenariat avec le Smhar et l’Isara (école d’ingénieurs agronomes de Lyon). Mise en service en 2019 (450 000 € d’investissement), « avec seulement 4 % de couverture du plan d’eau de 24 ha, la plateforme dispose d’une puissance solaire photovoltaïque de 230 kWc (production de 250 MWh) par an, ce qui représente l’équivalent de la consommation annuelle de 57 foyers et la production annuelle d’électricité que les trois pompes d’irrigation de la Maldone consomment en une année », indique, satisfait, Nicolas Kraak.
Pour maintenir et favoriser la biodiversité de la faune aquatique du lac, la CNR a installé seize refuges à poissons recréant des habitats artificiels continuellement disponibles pour la reproduction des espèces. Enfin, pour impliquer la population, un parcours pédagogique a été installé pour expliquer le fonctionnement de la plateforme, sensibiliser les usages du lac aux énergies renouvelables et à la biodiversité des lieux. Au final, le projet Ô Solaire s’avère gagnant pour les agriculteurs, la biodiversité, les habitants du secteur et permet, en plus, d’éviter la libération dans l’atmosphère de 36 tonnes de CO2 par an.