SANITAIRE
Huiles essentielles : une alternative intéressante aux antibiotiques

À l’occasion de sa journée technique volailles de chair, qui a eu lieu fin novembre, l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) a consacré une partie de ses travaux aux thèmes de la santé et de l’hygiène en élevage.

Huiles essentielles : une alternative intéressante aux antibiotiques
La filière avicole s’est penchée sur l’intérêt des huiles essentielles en matière de prévention sanitaire en élevage. © DR

Dans le cadre du plan ÉcoAntibio, visant à réduire l’utilisation des antibiotiques vétérinaires, la filière avicole s’est penchée sur l’intérêt des huiles essentielles en matière de prévention sanitaire en élevage. 
La colibacillose aviaire, une pathologie très fréquente en élevage de volailles qui induit de nombreuses pertes économiques, constitue « la première cause d’utilisation d’antibiotiques », selon Anne-Christine Dufay-Lefort, vétérinaire chargée de mission santé et hygiène au sein de l’Itavi. Dans un contexte de lutte contre l’antibiorésistance et de diminution de l’utilisation d’antibiotiques, la recherche d’alternatives s’avère donc nécessaire. C’est pourquoi la filière a mené une enquête en interrogeant éleveurs, vétérinaires et techniciens sur l’utilisation des huiles essentielles en élevage. L’occasion d’établir un panel de produits à base d’huiles essentielles, avec des composants réputés actifs sur les bactéries (phénols, alcools, aldéhydes aromatiques), utilisés au sein d’élevages français en production certifiée standard et canard mulard, tous concernés par la problématique de la colibacillose. « L’idée était d’objectiver l’utilisation des huiles essentielles et de recueillir les retours d’expériences afin de guider les éleveurs dans leur démarche de gestion sanitaire, a expliqué Anne-Christine Dufay-Lefort. Ces retours du terrain avaient également pour but d’élaborer des outils d’information sur l’intérêt des produits à base d’huiles essentielles et les bonnes pratiques d’usage à mettre en œuvre. »

Huiles essentielles et Phytogramme®, le duo gagnant

En parallèle, les élevages se sont appuyés sur l’outil de diagnostic Phytogramme®, technique développée en 2014 par le réseau Cristal, qui permet d’orienter le choix du vétérinaire en testant l’activité antibactérienne d’un mélange d’huiles essentielles et d’extraits végétaux en milieu gélosé afin de choisir la meilleure solution adaptée à l’élevage en fonction de ses problèmes sanitaires. En revanche, « le Phytogramme® n’a pas de raison d’être utilisé en l’absence d’un problème dans l’élevage ou en cas de maladie trop avancée », a précisé la vétérinaire. Les retours d’expériences ont permis de mettre en avant une liste d’impacts positifs grâce à l’utilisation conjointe du Phytogramme® et des huiles essentielles : baisse de la mortalité, de morbidité et du taux de saisie, correction des troubles, faible usage des antibiotiques, mais aussi confort de l’éleveur et anticipation dans sa gestion sanitaire. Une anticipation de rigueur qui s’explique par le fait que les produits à base d’huiles essentielles agissent moins vite que les antibiotiques. « Les huiles essentielles sont donc des produits à utiliser dès les premiers signes de symptômes. En revanche, dès qu’il y a une grosse mortalité, les huiles essentielles ne sont pas suffisantes pour endiguer ce fléau », a ajouté la vétérinaire.

Des performances équivalentes aux antibiotiques ?

Toutefois, les résultats obtenus ont permis de « relever, en cas de troubles détectés, des indicateurs sanitaires et des performances technico-économiques équivalents entre les lots traités par antibiotiques et ceux traités en phytothérapie », a souligné Anne-Christine Dufay-Lefort. 
La sélection du produit adapté au contexte d’élevage et son utilisation précoce au sein du cheptel figurent comme des facteurs de réussite dans l’efficacité du traitement. De ce fait, le tandem huiles essentielles et Phytogramme® est perçu comme étant un outil efficace, utilisable en alternative aux antibiotiques et permettant de répondre à une prévention intéressante des colibacilloses. 
Ces retours du terrain ont permis de mettre en évidence le manque de connaissances et de formation du monde avicole sur l’usage de ces produits de phytothérapie, sur la réglementation et les risques liés aux résidus dans les denrées. Par ailleurs, la manipulation des huiles essentielles doit se faire avec précaution : il est notamment conseillé de mettre des équipements de protection individuelle (EPI) lors de l’usage des produits à base d’huiles essentielles et de conserver les flacons hors de portée des enfants. La filière travaille actuellement sur la réalisation d’un livret d’information, qui devrait être disponible en début d’année 2023. In fine, « l’utilisation de spécialités à base d’huiles essentielles apparaît comme une stratégie sanitaire préventive, complémentaire aux autres mesures de gestion sanitaire (biosécurité) pour réduire l’usage des antibiotiques en élevage », a conclu Anne-Christine Dufay-Lefort.  

Helminthes : un problème sous-estimé
La présence des helminthes, heterakis, est largement sous-estimée en élevage avicole. ©Anses
Parasitisme sur parcours

Helminthes : un problème sous-estimé

La filière avicole ne cesse d’évoluer et aujourd’hui davantage de volailles peuvent accéder à des parcours. De ce fait, les contaminations par les parasites intestinaux, tels que les helminthes (ou vers), sont de plus en plus fréquentes. Ces vers causent chez les animaux des épisodes de diarrhée, des obstructions intestinales, voire des chutes de ponte et des baisses de croissance. « Des problèmes de résistance aux anthelminthiques ont été décrits chez des ruminants. 

En volailles, en revanche, nous n’avons que très peu d’informations en France. C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons créé un observatoire, avec l’Anses dans le Grand Ouest », a indiqué Anne-Christine Dufay-Lafort, vétérinaire chargée de mission santé et hygiène au sein de l’Itavi. Cet observatoire découle du développement d’une méthode de diagnostic spécifique, à double tamisage, mise au point avec l’Anses. « Jusqu’ici, nous n’avions pas de méthode disponible suffisamment fiable, précise et rapide à utiliser en laboratoire, pour pouvoir diagnostiquer les parasites intestinaux des volailles (nématodes et cestodes), souvent difficiles à visualiser à l’examen direct à l’autopsie », a-t-elle poursuivi.

Les volailles de ponte davantage contaminées

Ainsi, entre juin 2019 et mars 2020, des échantillons dans quatre-vingt-quatorze élevages de volailles de chair (poulets et pintades) et ponte (poules pondeuses) ont été collectés et analysés. Parmi les premiers résultats, il s’avère que la pression parasitaire est plus importante en volailles de ponte qu’en volailles de chair. « 84 % des pondeuses vermifugées et 30 % des poulets traités sont porteurs de parasites », a indiqué Anne-Christine Dufay-Lefort. Ces données ont montré la réalité d’un portage important au sein des élevages. D’où une nécessaire prise de conscience des éleveurs : « aujourd’hui, le portage parasitaire est très largement sous-estimé », a-t-elle affirmé. Ces données chiffrées rappellent l’importance des applications de produits vermifuges. « L’intervalle des traitements préconisés toutes les quatre à cinq semaines n’étant pas toujours respecté, la pression parasitaire en élevage ne baisse pas. J’insiste donc sur le fait que des traitements effectués de manière régulière, à la bonne dose, empêchent une recontamination importante », a conseillé la vétérinaire.

Un observatoire en région

Pour approfondir ses connaissances en termes de parasitisme sur parcours, la filière souhaite créer, dans le cadre de l’appel à projet Pepit « Helminthes » (2023-2024), un observatoire dans le Sud-Est de la France et plus précisément en région Auvergne-Rhône-Alpes, où l’élevage de volailles en plein air est très présent. De plus, les conditions pédoclimatiques étant différentes du Grand Ouest, le risque de parasitisme est plus élevé, avec une contamination par différents parasites. L’idée sera de caractériser la pression parasitaire en fonction du système d’élevage (poulets label, bio ou fermiers, pondeuses plein air ou bio) et de mieux cerner les facteurs à risque (animaux, bâtiment, parcours, pratiques d’élevage, statut sanitaire, etc.) pour améliorer la prévention. « L’objectif est de pouvoir optimiser les méthodes de prévention pour réduire les traitements post-contamination », a indiqué Léa Ottmann, chargée de mission à l’Itavi.            
 A. P.