Itinéraire technique de la culture de lentilles

La lentille fait partie de la catégorie des légumineuses potagères sèches (LPS) qui s'adaptent à différents types de sols : sol argilo-calcaire superficiel, sol volcanique et granitique. Mais elle est pénalisée si le sol est séchant ou profond à grosse réserve en eau. Il convient de choisir des parcelles propres et saines qui drainent très bien parce que la lentille est sensible à l'asphyxie racinaire. En zone d'élevage, la prairie temporaire est à privilégier.
Une rotation longue de cinq ans minimum est nécessaire pour s'affranchir des pathologies transmises par le sol. C'est la clé de réussite dans l'itinéraire cultural de la lentille. Au niveau du travail du sol, la préparation des terres doit être soignée : travailler en profondeur pour faciliter l'enracinement et le drainage, utiliser des outils à dents. La structure du sol doit être aérée sur 15 cm afin de favoriser l'installation des nodosités fixant l'azote. S'agissant du choix variétal, anicia est l'unique variété en lentille verte. En lentille blonde, il existe flora, santa et rosana. Les semis précoces sont propices au rendement : soit dès février dans le Sud et le Sud-Ouest de la France, autour du 5 au 20 mars en zone de plaine, de mi-mars à mi-avril en altitude. Les dates de semis sont optimales en cas de floraison avant les fortes chaleurs et de remplissage du grain avant les périodes de sécheresse. Il est conseillé de semer à 2 ou 3 cm de profondeur avec une densité de 270 grains/m2 (75 kg/ha) pour des semis précoces, 300 grains/m2 (90 kg/ha) pour les semis tardifs et 300 à 320 grains/m2 (90 à 95 kg/ha) en zone d'altitude.
Privilégier le désherbage mécanique
La maîtrise des adventices est aussi une étape clé dans la réussite de la culture de lentilles, sensible à la concurrence. Cela passe par une intervention en post-semis pré-levée systématique et un rattrapage à partir de 3 à 4 feuilles (à raisonner suivant la parcelle). À noter que les solutions herbicides sont peu nombreuses et elles doivent être précoces dès 4 feuilles. Plusieurs solutions alternatives sont possibles : des faux semis en inter-culture, un désherbage mécanique avec un ou deux passages d'outils à dents (herse étrille, houe rotative, bineuse) après le semis, des couverts végétaux en intercultures en évitant les légumineuses et les protéagineux, faire un test en mélangeant la lentille avec cameline, lin ou avoine. En revanche, une culture associée en sur-semis s'avère peu convaincante, sauf en conduite biologique.
Face aux insectes ravageurs, il faut être particulièrement vigilant avec les plus redoutables, à savoir la cécidomyie et la bruche. Les dégâts sont plus secondaires et ponctuels avec la sitone, le thrips, la tordeuse du pois et le puceron vert. Pour lutter contre ces nuisibles, les traitements insecticides peuvent être remplacés par des insectes auxiliaires naturels carnivores (chrysope, coccinelle, sirphe...). Concernant l'état sanitaire de la partie foliaire, la lentille est sensible aux maladies. Si le printemps est pluvieux, il faut intervenir dès le début de floraison pour protéger de l'anthracnose (ascochytose) des pourritures grises et du mildiou. Si les conditions sont chaudes et humides en fin de cycle, il y a un risque d'attaque de rouille brune.
Une plante à croissance indéterminée
Par ailleurs, la lentille est sensible au phénomène de pourriture du système racinaire. Les agents telluriques pathogènes sont responsables de ces nécroses racinaires. Des tests sur échantillons de terre permettent d'indiquer le potentiel infectieux du sol. À ce jour, il n'existe pas de traitement efficace.
En matière de fertilisation, les exigences sont faibles : l'apport d'engrais n'a pas d'effet significatif sur le rendement, ni sur la vigueur de la lentille, ni sur les pathogènes du sol. On constate une verse accrue des plants de lentilles fertilisés. La lentille est une légumineuse ayant un cycle biologique court de 130 à 150 jours. Sa croissance est indéterminée. La chaleur estivale stoppe la floraison, active la dissection de la plante et la maturité du grain. La récolte débute mi-juillet en zone de plaine, elle se déroule en août dans les régions tardives. Le taux d'humidité maximum est de 16 %.
Lors de la moisson, un réglage plus lent du batteur contribue à limiter les grains cassés. Une vidange méticuleuse des machines s'impose afin d'éviter le mélange d'autres grains de céréales.
Un pré-nettoyage avant stockage garantit la bonne conservation en silo. Globalement, la production de lentilles présente des avantages intéressants pour la diversification des cultures, l'allongement des rotations, la réduction de la fertilisation (pas d'apport de fertilisants minéraux), la restitution d'azote et la valorisation des sols à faible potentiel.
Les économies d'intrants permettent ainsi de réduire les coûts de production par rapport à d'autres grandes cultures. Les prix de vente s'avèrent stables, la culture de lentille étant contractualisée.
C. B.
Témoignage / Des essais dans le Rhône et l’Isère
En février 2018, le Geda de l’Ozon(1), en collaboration avec le BTM(2), a organisé une formation sur « Produire des lentilles » avec l’intervention de Bernard Daudet, technicien spécialiste de la lentille à la chambre d’agriculture de Haute-Loire. Une dizaine d’agriculteurs du Rhône y ont participé. Dès cette année, quelques-uns de ces céréaliers ont choisi de tester la culture de lentilles. C’est le cas de Mickaël Flandin, associé en EARL avec Philippe Robin sur une exploitation convertie en agriculture biologique. La parcelle d’essai de 9 500 m2, non irriguée, se situe à Corbas. La culture précédente était du chia, une céréale de printemps. Après le labour en hiver, le semis de lentilles a eu lieu le 23 mars à une densité de 90 kg/ha et en rajoutant 1 kg/ha de cameline. Il est conseillé de semer à partir de mi-février, mais déconseillé en décembre, à cause d’un trop grand risque de gel. Sur cette parcelle, le désherbage mécanique (avec herse étrille et houe rotative) s’est fait en deux passages fin avril. La levée a été plutôt bonne rapidement. « La lentille est une plante à croissance indéterminée, explique Bernard Daudet. Plus elle a de la place, plus elle ramifie et mieux cela vaut ». La cameline, semée en même temps, « peut jouer un rôle de couvre-sol et limiter ainsi le problème de concurrence avec les adventices, mais ce n’est pas une certitude ».Des essais en Isère
En Isère, c’est le Gaec Jordan à Vénérieu qui accueille une parcelle consacrée à des essais autour de la lentille associée ou pure, menés par la coopérative Groupe Dauphinoise. Par ailleurs, le Gaec, en agriculture biologique, a implanté une parcelle complète de lentilles vertes anissa pour tester. Le sol est plutôt drainant, un plus pour la lentille. Malgré cela, avec les pluies récurrentes du mois de mai, les plants de lentilles situés sur la partie de la parcelle la plus basse sont moins développés que les autres plus au sec. Le semis s’est également déroulé le 23 mars à 100 kg / ha à un cm de profondeur, puis la herse étrille a été passée deux fois pour limiter le salissement.
L’intérêt de la lentille est d’être recherchée par des acteurs régionaux de l’agroalimentaire, de dégager de 600 à 800 euros/ha de marge brute, d’offrir un cycle de culture court et un reliquat d’azote pour la culture suivante de 30 à 40 unités.
C. B.
(1) Groupement d’étude et de développement agricole de l’Est Lyonnais.
(2) Bureau technique des maraîchers du Rhône.
En France, un marché porteur
À travers le monde, la lentille blonde et la lentille corail sont les plus consommées, tandis que la lentille verte est une spécialité française en plein essor. Plus rarement cultivée pour ses petites graines noires, la lentille noire peut s’hybrider avec la précédente. En France, la production de lentilles couvre seulement 50 % de la consommation, le reste étant importé essentiellement du Canada. Les débouchés sont donc largement assurés. La demande du marché est même en augmentation, avec de plus en plus de consommateurs à la recherche de protéines d’origines végétales.Selon les chiffres de la Draf Auvergne-Rhône-Alpes et de l’Anils (association nationale interprofessionnelle des légumes secs), on recensait 17 160 ha cultivés de lentilles en 2015, dont 26 % des surfaces en Auvergne, principalement en Haute-Loire. En 2016, les données chiffrées sont estimées entre 18 000 et 20 000 ha. La production est majoritairement sous signes de qualité : agriculture biologique, AOP lentille verte du Puy, label rouge du Berry, lentille verte de France, lentille blonde de Saint-Flour.
C. B.