76 millions d'euros supplémentaires pour enrayer la crise viticole

Depuis sa nomination le 4 juillet, c'est la toute première fois que le Premier ministre, Jean Castex, se rendait dans une exploitation agricole, en l'occurrence chez un viticulteur du Cher. Accompagné par le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Julien Denormandie, il a visité une exploitation de vin biologique de Menetou-Salon avant de se rendre à la maison des vins de Sancerre, pour y rencontrer les professionnels locaux, notamment la FNSEA 18 et les Jeunes Agriculteurs. Prenant la parole à l'issue de sa visite, Jean Castex a indiqué que l'Etat allait « accroître son effort de solidarité à destination des viticulteurs [...] Nous allons porter le plan d'aides à 250 millions d'euros (246 M€ en réalité ndlr) ». Le gouvernement fera en sorte que ces aides « soient distribuées le plus rapidement possible car les besoins en trésorerie [...] sont forts », a souligné le chef du Gouvernement en s'appuyant sur les échanges de la matinée.
Distillation : + 600 000 hl
En comparaison du premier train de mesures qui avait été annoncé en mai dernier par le gouvernement d'Edouard Philippe et qui prévoyait une enveloppe de 170 millions d'euros, ce sont donc 76 millions d'euros supplémentaires que l'Etat met sur la table. 56 M€ viennent compléter la distillation (+ 600.000 hl qui s'ajoutent aux 2 millions d'hectolitres déjà prévus). « Cette distillation supplémentaire va permettre d'éliminer les surstocks et donc de mieux gérer le marché. C'était une annonce attendue alors même que les vendanges vont débuter », a précisé Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et viticulteur dans l'Hérault.
Le stockage privé voit son enveloppe plus que doubler. Aux 15 millions d'euros (M€) initiaux, le ministre de l'Agriculture ajoute 20 M€ supplémentaires. « Ainsi, les viticulteurs pourront stocker le vin en cave pendant 6, 9 ou 12 mois pour éviter de perdre des parts de marché. », a-t-il ajouté. L'indemnisation totale de 35 M€ permettra de financer ce stockage à hauteur de quatre centimes d'euros/hl/mois.
Le secrétaire général de la FNSEA regrette toutefois qu'une partie des crédits annoncés soient pris sur l'Organisation commune de marché (OCM) viti-vinicole, autrement dit le budget européen : « Sur ces 246 millions d'euros, 119 viennent du national et les 127 M€ restant proviennent de l'OCM. Or nous ne souhaitons pas qu'une crise conjoncturelle soit financée par des fonds structurels », a-t-il dit précisant que le dispositif européen est avant tout destiné à « investir, à chercher de la compétitivité, à élaborer des campagnes de promotion à l'étranger ».
Taxe Trump
Jérôme Despey regrette également « de ne pas avoir eu de réponse sur l'exonération de charges patronales, en particulier sur le seuil de 80% de chiffre d'affaires sur la période mars avril mai trop pénalisante pour le secteur viticole et bien d'autres productions. Il faut revoir le curseur à la baisse et surtout que le gouvernement ne ferme pas la porte », a-t-il dit en insistant sur la poursuite des négociations pour « parvenir à 100% d'exonération de charges sur cette période ». Il explique cette demande par le fait que, dans le milieu agricole, les exploitants ont conservé leurs salariés et n'ont pas eu recours au chômage partiel comme d'autres catégories socio-professionnelles qui, en plus, ont obtenu 100% d'exonération de charges patronales pour fermeture administrative.
Soulagé d'avoir été écoutée sur le dispositif TODE (lire encadré), la FNSEA l'est tout autant concernant le Plan de relance qui inclura bien l'agriculture dans son dispositif. C'est une confirmation. D'autres sujets ont été abordés avec le ministre de l'Agriculture : sécheresse, ressource en eau et retenues collinaires mais aussi zones intermédiaires avec la disparition des Indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN). Ces dossiers devraient faire l'objet d'un rendez-vous qui devrait être programmé dans les prochaines semaines. Il y sera également évoqué les compensations de la taxe Trump. « Le dossier n'est pas clos. Le secteur viticole est victime d'un préjudice sur un conflit qui ne lui appartient pas. En attendant, cela nous coûte cher », a conclu Jérôme Despey.
Reconduction du TODE /
« Une bonne nouvelle » pour la FNSEA
La FNSEA a salué la reconduction du dispositif Travailleurs Occasionnels Demandeurs d'Emploi (TODE) qui exonère les charges patronales pour les employeurs de saisonniers agricoles. « Cette annonce est une bonne nouvelle », indique la FNSEA dans un communiqué de presse le 5 août. « La reconduction était demandée avec insistance depuis l’année dernière par la FNSEA, pour soutenir la compétitivité et l’emploi agricole mis à mal par une concurrence exacerbée sur le coût du travail », poursuit le communiqué. Le dispositif TODE concerne tous les secteurs agricoles employeurs de main d’œuvre saisonnière : arboriculture, viticulture, maraîchage, grandes cultures, élevage, etc. « L’annonce de Julien Denormandie apporte un soutien tangible pour 2021. Au-delà d’une reconduction d’année en année, la FNSEA demande que le TODE soit désormais pérennisé afin d’apporter plus de visibilité aux employeurs agricoles », conclut le communiqué.