« Le loup, ce sont des emmerdes 24 heures sur 24 »
Afin de cerner le dossier du loup et son impact sur les élevages, la nouvelle préfète a rencontré la profession agricole sur une exploitation du Vercors.

« Sous l’effet de la prédation lupine, l’élevage ovin extensif drômois est conduit à disparaître d’ici quelques années, alerte Frédéric Gontard, président de la Fédération départementale ovine (FDO) de la Drôme. Actuellement, la majorité des exploitations n’a plus de repreneurs car le loup, ce sont des emmerdes 24 heures sur 24 », a-t-il dit à la nouvelle préfète de la Drôme, Elodie Degiovanni, le 29 juillet dans la cour de ferme du Gaec de la Luire, à Saint-Agnan-en-Vercors. A cet endroit-même, en hiver, Thierry et Sébastien Arnaud ont vu des loups à quelques mètres de leur bergerie, sans aucune possibilité de tir. C’est donc là que la représentante de l’État a rencontré (sans la presse) des responsables agricoles (chambre d’agriculture, syndicats, FDO, association des éleveurs et bergers du Vercors) et cynégétiques (fédération des chasseurs), des éleveurs, des élus locaux ainsi que des représentants de l’administration (sous-préfète de Die, DDT, office français de la biodiversité) et des lieutenants de louveterie.
« Plus personne ne maîtrise la situation »
« En 2020, la prédation a augmenté de 42 % et la barre des 600 victimes du loup a été franchie pour la première fois dans notre département, souligne le président de la FDO. Les plans loups successifs sont des échecs. Des éleveurs se reconvertissent en production laitière, bovine ou végétale. » Les conséquences de l’affaiblissement du pastoralisme sont rappelées : intensification de l’élevage, désertification des campagnes, importation de viande, ensauvagement du territoire. « Le loup n’en finit pas de faire des ravages malgré une protection toujours plus lourde pour les éleveurs », fait remarquer Frédéric Gontard.
« Plus personne ne maîtrise la situation, constate Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Aujourd’hui, le coût du loup, c’est 33 millions d’euros d’aides de l’État et du Feader (Europe) avec, en sus, 25 à 30 % à la charge des éleveurs. Cet argent est prélevé sur le budget agricole au détriment d’aide à la modernisation des exploitations. Tant que le quota de loup à prélever reste national et tant que la convention de Berne (qui protège le loup - NDLR) sera en vigueur, on n’arrivera à rien. »
Chiens de protection, une situation « ingérable »
La multiplication des chiens de protection inquiète sérieusement : de plus en plus d’éleveurs sont en difficultés que ce soit en estive avec les pratiquants de loisirs de pleine nature ou en hiver, dans les villages avec le voisinage. « On dénombre plus de 490 chiens financés par la DDT de la Drôme, ce qui représente une augmentation de 68 % en quatre ans », indique Frédéric Gontard. Aujourd’hui, la présence renforcée de ces chiens de type molossoïde, seuls capables de limiter les impacts de la prédation, engendre une augmentation très importante des conflits avec les citoyens. « C’est devenu ingérable, cela pourrit la vie de certains éleveurs », constate, amer, le président de la FDO. Des éleveurs évoquent aussi les frais non pris en charge comme les colliers anti-loups ou la nécessité de créer des chenils.
Tirs : alléger les pesanteurs administratives
Les responsables agricoles ont également expliqué à la nouvelle préfète la difficulté de l’accès aux tirs de défense. « Il faut attendre d’être attaqué pour pouvoir défendre son troupeau On n’est plus dans la dynamique des années 1990 où l’on nous avait promis que le loup ne mangerait que quelques brebis malades de temps en temps. Aujourd’hui, c’est un carnage, regrette le président de la FDO. La profession agricole demande une évolution du plan loup. « Tout éleveur doit pouvoir protéger systématiquement son troupeau dès lors qu’il est en possession d’un permis de chasse, sans attendre une autorisation administrative. » Les éleveurs, tout comme le président de la chambre d’agriculture, souhaitent que les lieutenants de louveterie puissent agir plus facilement sur le terrain, avec moins de pesanteur administrative. « On n’est pas là pour tuer du loup, on est là pour élever nos animaux sans subir d’attaques », confie Frédéric Gontard. « C’est compliqué pour un éleveur d’avoir un fusil sur l’épaule 24 h sur 24 », complète Jean-Pierre Royannez. La profession pointe également des contrôles jugés « trop raides » de l’office français de la biodiversité (OFB) et exprime sa lassitude. « Cela fait vingt ans que les préfets se succèdent et que rien ne s’améliore, constate avec dépit Frédéric Gontard. Le seuil de viabilité du loup est atteint. Il faudrait s’inquiéter de la viabilité des élevages. »
Après avoir écouté chacun, « on est capable de démontrer que ça ne marche plus, on peut envisager la suite », a, selon la FDO, déclaré la préfète, évoquant par là l’actuel plan loup, qui se termine fin 2022.
Ch. Ledoux
Autorisation de prélèvements : 118 loups en 2021
Le préfet coordonnateur du plan national d’action sur le loup et les activités d’élevage, Jean-Paul Célet, annonce dans une note technique datée du 22 juillet, qu’il sera possible de détruire 118 loups pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021.