Chambre d'agriculture
Des Assises de l'eau lancées en Drôme
Réunis en session, les élus de la chambre d'agriculture de la Drôme ont dressé un bilan de campagne marqué par les effets du changement climatique. Le nouveau préfet de la Drôme a annoncé l'organisation d'une grande concertation sur la gestion de l'eau.

« Nous avons vécu une année complexe avec des secteurs qui accumulent les difficultés. » Voilà le constat dressé par Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme, face aux élus consulaires réunis en session le 29 septembre à Bourg-lès-Valence. L'inflation, qui mine le pouvoir d'achat et donc la consommation, pèse sur les débouchés agricoles de qualité (bio, circuits courts). Dans les exploitations, les hausses de charges ne sont toujours pas compensées. La prédation reste aussi un sujet prégnant et les annonces du prochain plan loup sont jugées imprécises. Cela s'ajoute aux effets toujours plus forts du changement climatique avec une année 2023 marquée par une multitude d'orages de grêle, une canicule après le 15 août et des pluies diluviennes à la mi-septembre (lire page 10 et 11). « La sécheresse a été moins moins compliquée à gérer qu'en 2022 mais il y a encore eu beaucoup d'arrêtés de restriction de l'irrigation », a fait remarquer Jean-Pierre Royannez.
« Nous avons vécu une année complexe avec des secteurs qui accumulent les difficultés. » Voilà le constat dressé par Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. ©CL-AD26
« Des injonctions contradictoires »
Plusieurs élus de la chambre d'agriculture ont exprimé des préoccupations. « Les évolutions climatiques sont inquiétantes car il est de plus en plus compliqué de protéger nos cultures », a dit Pierre Combat. « On va vers une déprise agricole, s'est alarmée Nathalie Gravier. Même en étant diversifié, ça ne suffit plus pour beaucoup d'agriculteurs. » Les difficultés des filières noix et lavande, entre autres, ont aussi été évoquées. Tout comme la disparition de matières actives phytosanitaires. « Ne faisons pas la même bêtise qu'en cerises, a réagi Bruno Darnaud. En l'absence de solution alternative efficace, il ne faut pas interdire. » Par ailleurs, il a dénoncé « le décret plastique franco-français » sur les emballages de fruits et légumes ainsi que la défiscalisation du gazole non routier. Il a aussi fustigé la hausse de la redevance pour pollutions diffuses en 2024, qui « va coûter 30 millions d'euros aux agriculteurs : c'est en totale contradiction avec le plan de souveraineté alimentaire du gouvernement pour enrayer la baisse de la production de fruits et légumes française. » Un point sur lequel Régis Aubenas a vivement réagi. « Dans ses récentes déclarations, le chef de l’État acte une baisse des rendements agricoles et nous dit qu'il faut la compenser par la production d'énergie renouvelable. C'est inacceptable car cette évolution pénalisera les petites exploitations, majoritaires, dont la vocation est de produire des biens alimentaires. » Jordan Magnet a noté « des injonctions contradictoires » de la part d'Emmanuel Macron. « Il faut garder une ligne forte pour une agriculture nourricière avant tout », a-t-il souligné.
Eau : une feuille de route au printemps
Fragilisation des exploitations, perte de repères des agriculteurs, risque accru de cessation d'activité, projets d'installation reportés… Autant de points sur lesquels Jean-Pierre Royannez a mis l'accent tout en invitant chacun « à ne pas baisser les bras » et « à imaginer l'agriculture du futur ». La réflexion est d'ores et déjà lancée au sein de la chambre d'agriculture (lire encadré).
Pour Thierry Devimeux, nouveau préfet de la Drôme, « il est fondamental et urgent de réfléchir à comment faire évoluer les modèles de productions agricoles ». ©CL-AD26
« L'agrivoltaïsme, j'y crois beaucoup », a répondu le nouveau préfet de la Drôme, Thierry Devimeux, ne voyant dans cette technique que des avantages. Sur la gestion de l'eau, « il faut aller plus loin dans la sobriété avec des stratégies les plus efficaces possibles, a-t-il confié. Ce sont des sujets à mieux travailler, à mieux partager pour arriver à une acceptation sociétale. » Pour ce faire, il a annoncé la tenue d'Assises de l'eau, une initiative qu'il connaît bien puisqu'il l'avait promue dans son précédent poste, en Ardèche. « L'objectif est d'aboutir à une feuille de route départementale au printemps », a-t-il précisé. Début décembre, des groupes de travail devraient être constitués en associant différents acteurs concernés par l'eau : organisations agricoles, syndicats de rivières, élus, associations environnementales, industriels, professionnels du tourisme... Ensemble, ils devront définir des objectifs prioritaires. Pour le préfet, « il est fondamental et urgent de réfléchir à comment faire évoluer les modèles de productions agricoles ». Vaste tâche loin d'effrayer celui qui se dit adepte de la théorie du colibri*. La profession agricole, de son côté, ne devrait pas manquer de rappeler les efforts déjà accomplis en agriculture et l'importance de sécuriser l'accès à l'eau pour continuer à produire.
Christophe Ledoux
* Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais mais je fais ma part. » Autrement dit, chaque petit geste compte pour améliorer notre environnement.

Taxe TATFNB : « Une érosion inacceptable »
Comme elles le craignaient, les chambres d'agriculture dénoncent l'absence de retour de la l’augmentation de 7 % de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB), hausse dont elles ne pourront pas bénéficier car le projet de loi de finances pour 2024 fige sa taxe affectée (TATFNB). « C'est inacceptable au regard de nos charges, des nouvelles missions à assurer, des attentes de nos collaborateurs, a dénoncé Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. En neuf ans, nous subissons une “érosion certaine”. Il n'est pas acceptable que les agriculteurs, les forestiers... voient leur impôt augmenter sans bénéficier d'un retour vers la chambre d'agriculture. » La colère s'est transformée en une délibération adoptée à l'unanimité.
Par ailleurs, la chambre d'agriculture a adopté son budget rectificatif pour 2023 à hauteur de 10,9 millions d'euros, en hausse de 2,53 % par rapport au budget primitif. Les élus consulaires ont également approuvé, à l'unanimité, une délibération autorisant l'entrée de la chambre d'agriculture dans le capital de la SAS Drôme Agri Solaire.
C. L.
Imaginer l'agriculture de 2050
Afin d'imaginer quel pourra être l'avenir de l'agriculture d'ici 2050, une grande étude prospective a été lancée par la chambre d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes, le 29 juin. Ce chantier a été décliné dans la Drôme avec la première réunion d'un groupe de pilotage, le 29 septembre à Bourg-lès-Valence. En s'appuyant sur une méthode globale mêlant quantitatif et qualitatif, l'objectif est de définir des scénarios d'évolution possibles, afin de mieux appréhender et anticiper le changement climatique, d'identifier les risques et les opportunités et ainsi de définir des stratégies. « Nous devons aborder la question de l'évolution climatique sans tabou, selon une approche transversale, a déclaré Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Ce n'est pas parce que c'est difficile que ce sera impossible. »
C. L.
Viande in vitro : motion rejetée
La motion présentée par la Confédération paysanne de la Drôme s'opposant au développement de la viande cellulaire (viande in vitro) a été rejetée. « Nous avons déjà acté notre opposition à la viande in vitro, a expliqué Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Ce sujet sera intégré dans une prochaine motion englobant plus largement les problématiques de l'élevage (prédation, revenu…). »
C. L.

Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA) : des clarifications sont attendues
Alors que la phase de conclusion du projet de PLOAA approche, Damien Colin, directeur de la chambre d'agriculture de la Drôme, a présenté un point d'étape au 1er septembre. La concertation autour des trois thématiques nationales - orientation/formation, installation/transmission et adaptation au changement climatique - a fait l'objet d'ateliers régionaux. Beaucoup de points restent à préciser, notamment sur la faisabilité des actions et les moyens financiers qui seront alloués pour, entre autres : l'étude des gisements pour produire de la biomasse et des bio-ressources, les projets de stockages de l'eau, les formations au changement climatique, la journée de découverte de l'agriculture par les enfants du primaire, la création d'un bachelor agro (niveau bac + 3). Des clarifications sont également attendues sur la création d'un France services agriculture, la mobilisation des excédents du Livret A sur la transition agricole et la souveraineté alimentaire ou encore le développement des groupements fonciers agricoles investisseurs (GFAI). Le développement du photovoltaïsme (promu dans la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables - dite loi Aper) reste un sujet de crispation. Les élus consulaires ont alerté sur la nécessité de stopper les projets consommateurs de foncier. Isabelle Nuti, directrice de la DDT, s'est montrée rassurante : « Nous avons une doctrine départementale qui verrouille les projets et, avec la loi Aper, il est désormais nécessaire de fournir des avis conformes en CDPenaf*. De plus, nous sommes très vigilants sur l'examen des PLU ».
C. L.
* CDPenaf : commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.