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Chanvre

Un marché porteur s’ouvre  avec la production de cannabidiol (CBD)

La France vient d’adopter un arrêté autorisant la production de cannabidiol à partir des feuilles et fleurs de chanvre. Une bonne nouvelle pour la filière qui espère conquérir un marché estimé à près de 700 millions d’euros dès 2022, selon l’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC).

Un marché porteur s’ouvre  avec la production de cannabidiol (CBD)
Grâce à l’évolution de la réglementation, les fleurs et les feuilles de chanvre pourront être récoltées, importées ou utilisées mais uniquement pour la production industrielle d’extraits de chanvre. ©bistrot_cbd.

L’arrêté autorisant la récolte des fleurs et feuilles du chanvre est paru au Journal officiel du 31 décembre. Désormais, l’utilisation industrielle de toutes les parties de la plante - et non plus uniquement de la fibre et de la graine - est possible, permettant ainsi une valorisation complète du chanvre. Ainsi, le cannabidiol (CBD) mais aussi d’autres cannabinoïdes non stupéfiants (CBG, CBC, etc.) pourront être fabriqués en France. Le texte précise par ailleurs que « seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre ». Les variétés autorisées sont celles de Cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,3 %. Elles devront être inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
En outre, les fleurs et feuilles ne pourront être récoltées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. « Sont interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation », précise l’arrêté.
Enfin, le texte stipule que l’achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français « fait l’objet d’un contrat écrit entre producteur et acheteur » et que « le contrat comporte des informations sur le volume et le prix des produits ».

La filière se structure

En trente ans, la filière chanvre n’a cessé d’évoluer, en témoignent les chiffres annoncés par Alexis Verniau, ingénieur régional de développement Auvergne-Rhône-Alpes de Terres Inovia. La filière chanvre représentait 
4 000 hectares en 1990 contre 20 000 aujourd’hui. Mais elle reste très minoritaire face à celle du colza par exemple avec 1,2 million d’ha en France. Centralisée principalement dans le Nord-Est et l’Ouest du territoire français, la culture du chanvre connaît un développement progressif dans la Drôme et l’Isère. Cette production de niche est pourtant une culture ancienne puisque la Fédération nationale des producteurs de chanvre (FNPC) a été créée en 1932. Aujourd’hui, le chanvre offre une diversité d’utilisation : litière animale, paillage horticole, matériaux pour les bâtiments, textile, alimentation humaine, cosmétique, etc.


Face à la progression de cette culture à forte valeur ajoutée, et à une réglementation en évolution, l’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC) a vu le jour en février dernier, dans le but de représenter et de défendre la filière française. « L’UIVEC rassemble les acteurs industriels et économiques intéressés par l’exploitation des extraits de chanvre [CBD, CBG, CBN, etc., à l’exception du THC et du THC-A] en France et représente toute la chaîne de valeur de la filière des extraits de chanvre, de la production à la distribution en passant par la transformation et le conseil », rappelle Ludovic Rachou, son président. L’Union intervient uniquement sur les extraits de chanvre non stupéfiants.

La réglementation concernant le CBD évolue

Si la parution de l’arrêté autorisant la récolte de fleurs et des feuilles pour une utilisation industrielle est une très bonne nouvelle pour les producteurs et les transformateurs, des points doivent encore être éclaircis pour garantir un développement serein de la filière.  Trois dossiers doivent notamment être réglés, a constaté l’UIVEC à l’issue d’une première réunion de filière le 13 décembre. En effet, l’encadrement de l’extraction n’est pas complètement défini, précise-t-on à l’UIVEC. Il reste à réglementer l’extraction, pour que la fraction de THC (molécule psychotrope du chanvre) soit détruite et non pas revendue sur des marchés illégaux. Deuxième point, avant la validation du CBD dans le cadre de la réglementation Novel Food (Règlement UE 2015/2283 concernant les nouveaux aliments), les professionnels souhaitent un cadre transitoire, comme il en existe un au Royaume-Uni, pour les produits alimentaires contenant des extraits de chanvre. Enfin, les professionnels doivent encore étudier les modalités de la contractualisation entre un producteur de chanvre et son premier acheteur. L’arrêté du 31 décembre prévoit en effet que l’achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français fera l’objet d’un contrat écrit entre ces deux parties. Le contrat devra comporter des informations sur le volume et le prix des produits et éventuellement sur la qualité attendue. Le contrat devra obligatoirement être conclu avant le début de la campagne de production.

Amandine Priolet et Sophie Sabot

Itinéraire technique : le chanvre, une culture zéro phyto

Intégré dans une rotation comme tête d’assolement, le chanvre, grâce à son système racinaire puissant « permet d’ameublir et de structurer le sol en profondeur. Il peut être un bon précédent à des céréales à paille, avant un blé par exemple », indique Alexis Verniau, ingénieur chez Terres Inovia. Il convient de le semer entre le 1er avril et le 10 mai, dans un sol ressuyé et suffisamment réchauffé (10-12 °C), avec une densité de 40 à 50 kg/ha. Sur la culture du chanvre, aucune intervention de désherbage n’est nécessaire. « La réussite de l’implantation suffit à étouffer les adventices », conclut-il. La récolte se fait environ 4 à 6 semaines après la date de pleine floraison, soit à partir de début septembre. 
A. P. 

Les chiffres clés

La France s’impose comme leader européen du chanvre en représentant près d’un tiers de la production. On note depuis quelques années une réelle dynamique traduite par la constante progression des surfaces cultivées et de nouveaux pays qui se tournent vers cette plante à fort potentiel. En 2020, 17 900 ha de chanvre ont été implantés en France, dont 1 800 ha en production de semences. 1 278 producteurs cultivent cette plante avec des rendements moyens d’une tonne de chènevis et 7 t de paille par hectare. Les graines (11 % du volume récolté) et les pailles (89 % du volume) représentent respectivement 21 % et 79 % de la valeur économique issue de la culture. Avec une production mondiale de plus de 275 000 ha en 2019, les surfaces de chanvre augmentent progressivement depuis 2012. L’Europe fait partie du trio de tête avec l’Amérique du Nord et la Chine.
Le poids économique de la filière
Avec près de 300 salariés, la filière chanvre reste une petite filière. Pourtant, le dynamisme des acteurs et l’innovation sur les produits placent le chanvre au premier rang de toutes les cultures pour répondre aux attentes environnementales de la société. Aujourd’hui, la nouvelle version des Règles professionnelles de construction va bientôt permettre de passer le béton de chanvre en techniques courantes. Il est possible de construire tous types de bâtiment en béton de chanvre notamment des ouvrages publics. Certains bâtiments du village olympique des JO de Paris devraient être à base de chanvre. 

Le marché français du cannabidiol est estimé à près de 700 M€ dès 2022. ©lescomptoirsdelabiobarjouville