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Sinistre climatique

Gel sur fruits : de forts dégâts sur les Baronnies, moindres ailleurs

Un nouvel épisode de gel a mis à rude épreuve les nerfs des arboriculteurs drômois. Hormis sur les Baronnies provençales, secteur très impacté, les pertes semblent globalement limitées, sans commune mesure avec le gel dévastateur de l’an dernier.

Gel sur fruits : de forts dégâts sur les Baronnies, moindres ailleurs
Les arboriculteurs drômois ont passé plusieurs nuits blanches à protéger du gel leurs vergers. Des dégâts sont à déplorer mais sans commune mesure avec ceux du gel dévastateur de 2021, hormis dans les Baronnies. ©Facebook Oboussier

« Ces quatre nuits de gel s’ajoutent à celles de début mars, fait remarquer Régis Aubenas, arboriculteur sur la commune de Châteauneuf-sur-Isère et président de Fruits Plus. Sur l’ensemble du bassin arboricole drômois, les dégâts sont essentiellement sur abricotiers, et dans une moindre mesure sur pêchers. La nuit du 4 au 5 avril, une température de -3°C a été enregistrée à la Sefra, à Etoile-sur-Rhône. Le potentiel drômois de fruits à noyaux ne ressort pas intact de ce gel mais il est difficile dans l’immédiat d’évaluer précisément les pertes de récolte. On est passé très très près d’une catastrophe majeure. »

Baronnies : trois nuits de gel dévastatrices

C’est dans les Baronnies que l’épisode de gel a été le plus sévère. Les producteurs d’abricot ont dû faire face à trois nuits de gel dévastatrices. « Tout a commencé par une gelée noire dans la nuit de samedi à dimanche qui a carbonisé les abricots au-dessus de 600 mètres d’altitude. La température est descendue à -3°C. Même avec les bougies les producteurs n’ont rien pu faire car il y avait trop de vent », décrit Franck Bec, président du syndicat de valorisation de l'abricot des Baronnies. Les nuits entre les 3 et 5 avril ont également été catastrophiques. « Avec l’humidité liée à la neige, c’était impossible de chauffer. Les températures sont descendues jusqu’à -4°C voire -6°C dans les bas-fonds mardi matin », poursuit le président. Sur l’aire de production de la future IGP « abricot des Baronnies », il estime que 70 à 80 % des volumes sont perdus. « Nous espérions 10 à 12 000 tonnes cette année. L’obtention de l’IGP est en bonne voie et il y avait un vrai engouement des producteurs et metteurs en marché pour mettre en valeur notre produit durant cette campagne », regrette Franck Bec. Plus d’une centaine d’exploitations sont une nouvelle fois touchées, pour la cinquième voire la sixième année consécutive. « On a mis beaucoup d’énergie sur l’abricot. Que devons nous faire à présent ? Reconvertir nos exploitations ? interroge-t-il. Ce gel est une nouvelle fois une catastrophe économique pour la région, pour les producteurs mais aussi pour les saisonniers, les marchands d’emballages, les entreprises de logistique... »

Selon Régis Aubenas, la situation des Baronnies devait être évoquée par Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits, lors de la visite du Premier Ministre, Jean Castex, le 5 avril dans des vergers très sinistrés du Tarn-et-Garonne

Des coûts élevés de protection

Plus au nord, à Loriol-sur-Drôme, les températures sont descendues jusqu’à -3°C dans les bas-fonds durant la nuit du 4 ou 5 avril. Il y a un an, durant la nuit du 7 au 8 avril, elles avaient atteint -6°C. Marc Fauriel, arboriculteur sur la commune, estime que les dégâts de ce nouvel épisode de gel devraient être moins sévères qu’en 2021, du moins sur les vergers qui ont pu être protégés.

Si le pire a été évité cette semaine, Marc Fauriel souligne que la nuit de lundi à mardi n’était pas moins que la huitième nuit de lutte contre le gel depuis début mars. « La première semaine de mars, les températures sont descendues jusqu’à - 6°C, avec des dégâts sur floraisons précoces en pêche et abricot », précise-t-il. Huit nuits de lutte, cela pose nécessairement la question du coût de cette protection des vergers : celui des bougies, celui du GNR pour les éoliennes... Des coûts qui pourront difficilement être répercutés jusqu’au consommateur, avertit Marc Fauriel. Pour lui, se pose désormais la question de la résilience des vergers face au changement climatique. « La meilleure protection, ce sera des variétés plus adaptées pour éviter des floraisons trop précoces et de devoir protéger nos vergers début mars. La Sefra a identifié en pêche et abricot des variétés adaptées à la vallée du Rhône. Il faudra certainement s’orienter vers des variétés plus rustiques même si les potentiels de calibre sont inférieurs », conclut le producteur.

« Ça s’est joué à un demi degré »

Dans le Nord-Drôme, « la nuit du 4 au 5 avril est celle qui a fait le plus de dégâts, raconte Emmanuel Martin, arboriculteur à Epinouze. Aux alentours de 23 h 30 à minuit, le thermomètre était en négatif laissant craindre une chute très importante au fil de la nuit. Heureusement, ça a stagné à -1°C. Il y aura des pertes mais les moyens de lutte, notamment l’aspersion et les chaufferettes, ont bien fonctionné. Il faudra cependant voir comment ça va évoluer à la nouaison, tant en fruits à noyaux qu’en poires, en particulier sur les vergers non protégés. » En pomme, il estime que les pertes devraient être limitées. Également producteur de fraises, Emmanuel Martin indique qu’il n’y aucun dégât apparent pour les productions sous abris. 

À Albon, la température est tombée à -2°C les nuits du 3 au 4 et 4 au 5 avril. « Mais la dernière nuit, le gel a démarré dès 22 h 30, témoigne Bruno Chaléat, père de Mathieu, arboriculteur. Comme les abricots étaient plus développés, ils ont davantage souffert. En pêches, on a frôlé la catastrophe, ça s’est joué à un demi degré. Le réseau d’irrigation ayant tenu, l’aspersion a bien fonctionné. Et les chaufferettes ont mieux fonctionné que l’an dernier. Globalement, la situation est sans commune mesure avec celle vécue en avril 2021. »

Sophie Sabot - Christophe Ledoux

Espagne : la Catalogne touché par le gel

Selon Bruno Darnaud, président de l’AOP pêche et abricot de France, le secteur de Lerida en Catalogne espagnole a beaucoup souffert. Les températures sont tombées à -6°C laissant augurer des pertes importantes. Pas d’écho en revanche pour l’Italie.

Baronnies provençales : des élus sur le terrain

Paul Bérard, candidat aux législatives, s’est rendu le 4 avril auprès d’arboriculteurs des Baronnies. Alors que le gel frappe ce secteur pour la cinquième année consécutive, il a constaté que plusieurs arboriculteurs n’ont pas encore touché les aides « d’urgence » du gouvernement pour l’épisode de gel de début 2021, ce qui, indique-t-il, « ne leur a pas permis d’avancer l’argent aujourd’hui pour se protéger contre ce nouvel épisode ».

De son côté, la députée Célia de Lavergne a annoncé sa venue dans les Baronnies le 6 avril après-midi, aux alentours de Saint-Auban-sur-l'Ouvèze, « pour une séquence dédiée au soutien [des] arboriculteurs touchés par le gel des derniers jours. »