FONCIER
Consommation « masquée » : la Safer tire la sonnette d’alarme
Début mars la FNSafer alertait sur la perte de surfaces agricoles liée à une consommation foncière « masquée ». Un phénomène observé de près en Auvergne-Rhône-Alpes depuis deux à trois ans.
En Auvergne-Rhône-Alpes, le phénomène de consommation foncière agricole « masquée » a été identifié depuis près d’une dizaine d’années maintenant. Il semble s’amplifier partout en France depuis la crise de la Covid-19. C’est en tout cas ce cri « d’alerte et d’alarme » que la FNSafer a lancé début mars. « L’attention est focalisée sur l’artificialisation des sols, mais il existe aussi une consommation foncière masquée », a déclaré son secrétaire général Gilles Flandin qui est aussi président de la Safer Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), seule région de France où le phénomène a été étudié et quantifié.
L’équivalent de la disparition de 59 exploitations
Ainsi, en Aura notamment, la demande de biens résidentiels porte beaucoup sur des maisons avec jardin, proches des réseaux de circulation. Ces propriétés incluent quelques hectares de terre qui peuvent sortir de l’usage agricole pour un usage récréatif. La Safer Aura estime au total sur l’ensemble du territoire régional à près de 4 000 ha/an (en moyenne sur 2015-2020) la surface agricole acquise par des particuliers lors d’un achat résidentiel, soit « si nous devions schématiser les choses de manière théorique, l’équivalent de la disparition de 59 exploitations agricoles (taille moyenne des exploitations Aura selon le Sdrea. NDLR) », souligne Gilles Flandin. Dans la « grande majorité des cas », ces terres quittent l’espace productif agricole pour devenir notamment des jardins d’agrément, du foncier de loisir. Ce que la Safer appelle de la consommation foncière « masquée ». À titre de comparaison, l’artificialisation des sols en Auvergne-Rhône-Alpes représente environ 2 500 ha/an sur la même période. « Pour autant, cette consommation n’est pas à négliger », tient à souligner Gilles Flandin. Alors si la sonnette d’alarme à l’échelle nationale vient tout juste d’être tirée, en Auvergne-Rhône-Alpes, la Safer a pris cette problématique à bras-le-corps, il y a quelques années maintenant. La lutte contre la consommation « masquée » fait notamment partie de la feuille de route 2022-2028 de la Safer Aura. « Nous avons dû identifier les déclarations d’intention d’aliéner envoyées par les notaires aux Safer pour qu’elles remontent dans nos logiciels », explique Gilles Flandin.
La carte de la médiation
« L’ensemble des départements de notre région sont concernés à des degrés différents. Nous n’avons à l’heure actuelle que très peu de moyens pour lutter contre ce phénomène, si ce n’est de trouver un compromis à l’amiable avec les nouveaux propriétaires », poursuit le président de la Safer Aura. Ainsi, quand la Safer est notifiée de la vente d’une résidence avec terrain agricole, cette dernière tente de rentrer en contact avec l’acquéreur pour trouver la solution qui permettrait de conserver l’exploitation agricole de ces surfaces (l’acquisition de seulement une partie des terrains ou la mise en location via un bail du foncier concerné). « Grâce à cette médiation, nous parvenons à trouver une solution pour environ 2 500 ha sur les 4 000 ha concernés. En revanche, 1 500 ha disparaissent toujours », note Gilles Flandin avant d’ajouter : « Cette médiation permet également bien souvent de prévenir les conflits de voisinage et de permettre à chacun de se rencontrer ». Un autre vaste sujet.
« Une protection irréversible et figée »
Alors pour le président de la Safer Aura, il est plus que temps de définir un moyen de protection « irréversible et figé » des terres agricoles. « Il est encore difficile pour nous de le faire entendre à nos tutelles qui sont les ministères des Finances et de l’Agriculture, même si ce dernier semble vouloir s’emparer du sujet », notifie Gilles Flandin. Par ailleurs, pour le président de la Safer Aura c’est certain, l’avancement de ce dossier passera également par de la pédagogie auprès des collectivités locales et territoriales « qui sont également concernées et ont besoin d’explications claires. Nous rencontrerons, d’ailleurs, ce mois d’avril, le vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à ce sujet ».