Circuits courts : la crise du Covid a chamboulé les acquis
A Châteauneuf-du-Rhône, Philippe Comte exploite 3,5 ha en maraîchage. Depuis le début des années 2000, il a fait évoluer ses circuits de commercialisation pour s’adapter aux différentes crises. Celle du Covid ouvre, à son tour, de nouvelles perspectives pour l’exploitation.

Adaptation et envie de promouvoir une alimentation locale et de saison, c’est ce qui pourrait résumer le parcours de Philippe Comte. Lorsqu’il reprend l’exploitation de son père dans les années 1990, il envisage d’abord une certaine continuité : 70 truies naisseurs et, sur 35 ha, des céréales, des semences, de la tomate industrie et un peu de vignes. Mais la crise porcine passe par là, celle de la tomate industrie aussi. Les deux productions sont rayées de l’exploitation et il se lance dans la production de poireaux et de pommes de terre. « Je descendais quatre fois par semaine livrer au MIN d’Avignon », se souvient Philippe Comte. Au milieu des années 2000, la concurrence de grandes régions de production comme la Bretagne ou la Belgique est trop forte, les débouchés s’amenuisent pour ses légumes. Un nouveau virage s’amorce : celui de l’agriculture biologique. Entre 2007 et 2011, il convertit progressivement l’exploitation*. La production de légumes se diversifie. Aux poireaux et pommes de terres s’ajoutent asperges, radis, courgettes, courges. Ses produits se vendent sans problème via les grossistes et magasins bio de Montélimar mais Philippe Comte souhaite nouer des échanges directs avec le consommateur. Il rejoint les magasins de producteurs La Clé des Champs à Pierrelatte et Bagnols-sur-Cèze, où il tient des permanences, et se rapproche en 2011 de l’association drômoise Agri Court (lire ci-dessous) qui vient de voir le jour. Il est notamment séduit par sa démarche en direction des écoles pour faire goûter les produits, expliquer la saisonnalité…
« A l’automne, j’étais pessimiste... »
Presque dix ans plus tard, Philippe Compte pensait avoir trouvé un certain équilibre dans ses débouchés, avec 20 % de sa production commercialisés par Agri Court, 20 % par trois magasins bio sur Montélimar, 10 % au magasin de producteurs de Bagnols-sur-Cèze et 50 % par le grossiste Agrobiodrôm. Mais la crise du Covid a chamboulé les acquis. « Le premier confinement en mars 2020 a amené les consommateurs sur la ferme. Les gens faisaient la queue pour acheter des asperges ou des radis, raconte Philippe Comte. Une fois déconfiné, tout le monde est reparti vers les magasins et les vacances d’été arrivant, il y a eu peu de demande. » La fin de l’année s’est révélée difficile. « Avec le second confinement et la fermeture des cantines [qu’approvisionne Agri Court, NDLR], je me suis retrouvé avec pas mal de produits en stock. J’étais pessimiste. Heureusement un collègue m’a donné le contact d’un magasin bio sur Paris auprès de qui j’ai pu écouler de décembre à février pommes de terre, poireaux et courges que je livrais une fois par semaine à un transporteur de Montélimar qui les acheminait jusqu’à Rungis. »
Cap vers l’avenir
Cet épisode a conforté le producteur dans un nouveau projet : « Je vais installer trois serres photovoltaïques pour sécuriser ma production face aux aléas climatiques, faire un peu moins de volumes, essayer de gagner en précocité et peut-être diversifier avec des salades, tomates, melons, fraises... » La mise en service des serres est prévue pour 2022. Dans la foulée, un autre évènement devrait aussi bousculer l’exploitation : l’arrivée de sa fille Camille avec un atelier brebis lait en transformation. « Il me reste dix années avant la retraite, d’où la nécessité de créer une nouvelle source de revenu pour ma fille », explique Philippe Comte. Ce nouvel atelier conduira à la réorganisation des 35 ha de l’exploitation dans les années à venir. Il permettra aussi de rationaliser le système en agriculture biologique grâce à la matière organique issue de l’élevage. Et pourquoi pas, d’imaginer un nouveau modèle de commercialisation avec une offre diversifiée pour le consommateur qui, selon Philippe Comte, « semble quand même un peu plus intéressé par ce qui se produit à côté de chez lui depuis la crise du Covid... »
S.Sabot
* Exceptés 3 ha de vignes sur lesquels il a fait machine arrière faute de trouver auprès de sa cave coopérative une valorisation en bio.
Distribution : Agri Court se remet du Covid

Depuis sa création en 2011, l’association Agri Court (Eurre) facilite la mise en relation entre producteurs locaux et restauration collective ou commerciale. Elle réalise 80 % de son chiffre d’affaires auprès de la restauration et près de 20 % auprès de magasins indépendants. « Les fruits et légumes représentent un tiers de notre activité. Le reste se répartit à parts égales entre produits carnés, produits laitiers et produits d’épicerie », précise Florent Dalmasso, directeur.
Le développement de l’activité depuis 2017 était plutôt prometteur. Mais les fermetures répétées des cantines et restaurants depuis plus d’un an ont lourdement pénalisé la structure. « Sur l’exercice 2020-2021, nous réaliserons un chiffre d’affaires de 800 000 euros alors que nos perspectives, avant le Covid, étaient à 1,4 M€ », commente le directeur. Activité partielle, prêt garanti par l’État (PGE) ont permis de passer le cap. Sans oublier le succès, durant le premier confinement, du « drive consommateur » qui a représenté presque un quart de l’activité mais qui a vu son intérêt retomber depuis.
Agri Court espère relancer la machine dès le mois de mai. « Nous sommes confiants, nous savons que notre structure permet de proposer des produits bio locaux en quantité et en garantissant la transparence. Nous voulons aussi acheter cher et que les producteurs jouent collectif pour garder des prix hauts », ajoute-t-il. Les clients seront-ils au rendez-vous ? Sans hésiter, Florent Dalmasso répond : « C’est notre métier de trouver des débouchés. »
S.S