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Visite d’exploitation

Echanges à bâtons rompus avec la nouvelle préfète

Pour sa seconde sortie agricole, la nouvelle préfète de la Drôme s’est rendue sur une exploitation arboricole et viticole, à La Roche-de-Glun. L’occasion d’évoquer de multiples sujets d’actualité.

Echanges à bâtons rompus avec la nouvelle préfète
L’exploitation de Bruno Darnaud (EARL de Saint-Georges) a servi de cadre pour évoquer avec les services de l’État, en présence d’élus locaux et de responsables agricoles, de multiples sujets d’actualité.

Après le Vercors jeudi dernier sur le thème du loup (lire ci-contre), la préfète de la Drôme, Elodie Degiovanni, s’est à nouveau rendue sur une exploitation agricole, lundi 2 août à La Roche-de-Glun. Accompagnée de Marie Argouarc’h, secrétaire générale de la préfecture et sous-préfète à la relance, d’Isabelle Nuti, directrice de la DDT, et de Dominique Chatillon, chef du service agriculture, elle a été accueillie par Bruno Darnaud (EARL de Saint-Georges). Sur une parcelle de vignes et d’arbres fruitiers dominant la plaine agricole des bords du Rhône, les personnes présentes (élus locaux, responsables de syndicats agricoles, président de la chambre d’agriculture, président de la MSA, entre autres) ont pu apprécier, sous le soleil, la diversité des productions et la densité du parcellaire.

ZNT : « On va retomber dans les polémiques stériles »

La préfète, Elodie Degiovanni, a incité la profession « à faire remonter des propositions consensuelles et pragmatiques ».

Après un point sur les conséquences du gel de début avril, plusieurs dossiers ont été abordés, à commencer par celui des zones de non-traitement (ZNT). L’annulation de la réglementation par le Conseil d’État le 26 juillet fait peser le risque d’une extension des surfaces agricoles concernées par les ZNT. En effet, les Sages demandent l’extension de la ZNT de 20 mètres à une catégorie de population plus vaste et à une catégorie de produits phytosanitaires plus large. « En remettant ce sujet au premier plan, on va retomber dans les polémiques stériles », regrette Bruno Darnaud. Et « compte-tenu du parcellaire agricole drômois, la décision du Conseil d’État est inquiétante, ajoute Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture. Il faut une réglementation qui tienne compte des contraintes des diverses activités agricoles, notamment en ce qui concerne les avertissements phytosanitaires. » La préfète, elle, prône le « pragmatisme ».

Difficulté à recruter de la main-d’œuvre 

Autre sujet prégnant, la difficulté à recruter de la main-d’œuvre locale, saisonnière et permanente, et ce malgré des taux de chômage élevés. Chacun s’accorde à penser qu’il faudrait revaloriser le travail en agriculture, en particulier auprès des jeunes. « Le discours ambiant ne met pas en valeur notre profession, constate Jean-Pierre Royannez. On doit se battre pour montrer ce qui marche. » Des propositions sont faites pour tenter d’attirer des jeunes : valoriser l’enseignement technique, améliorer l’image de l’agriculture dans l’enseignement général… La préfète évoque les stages de découverte des collégiens, le service national universel (SNU). Par ailleurs, la profession demande plus de souplesse pour faire entrer des salariés étrangers en contrat Ofii (lire page 4).

Reporter la fin des emballages plastiques

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit au 1er janvier 2022 la fin des suremballages en plastique pour les fruits et légumes de moins de 1,5 kg. « A ce jour, le décret d’application n’est toujours pas paru. Nous avons besoin d’un an de plus pour adapter les processus industriels », clame Bruno Darnaud, par ailleurs président de l’AOP pêches et abricots de France. Très critique envers ce dispositif comme sur l’ensemble des réglementations qui créent des « impasses techniques », il explique que « la filière fruits et légumes est celle qui consomme le moins de plastique et que les emballages sont là pour éviter le gaspillage ». 

Calamités agricoles et assurance

La rencontre s’est poursuivie avec le dossier des calamités agricoles. Après le gel d’avril qui a largement impacté l’économie agricole drômoise, la profession salue la réactivité de l’État. Toutefois, Bruno Darnaud a alerté la préfète sur la nécessité d’une articulation cohérente entre fonds des calamités et assurance-récolte. Les récentes annonces du gouvernement visant à garantir aux assurés multirisque climatique une indemnisation supérieure ou égale à celle des non-assurés bénéficiaires des calamités agricoles (lire page 3) pourraient ne pas donner le résultat escompté pour les exploitations multi-sinistrées ces dernières années. « Il en va de la survie de l’assurance-récolte », a prévenu Bruno Darnaud. S’agissant des prises en charge de cotisations sociales, le président de la MSA Ardèche-Drôme-Loire, Henry Jouve, a pointé la complexité du dispositif (entre taux de spécialisation et taux de perte) et demandé la prise en compte de tous les sinistrés. Par ailleurs, l’aide destinée aux entreprises de l’aval est actée (lire page 3). « Pour les fruits à noyaux, il est important qu’elle arrive fin août début septembre car les entreprises ont pris des engagements auprès de leurs fournisseurs », a souligné Bruno Darnaud.

Le violent orage de grêle du 30 juillet (lire page 6) a bien entendu été évoqué. « Des exploitations sont sur le carreau, a constaté Jean-Pierre Royannez. Elles ont besoin de bénéficier des mêmes dispositifs exceptionnels que ceux déployés pour le gel d’avril, a-t-il insisté. C’est une question d’équité. »

Après ces échanges, la préfète a incité la profession « à faire remonter des propositions consensuelles et pragmatiques. Il faut passer à des dispositifs plus systémiques, montrer et expliquer la réalité des territoires », a-t-elle déclaré. Elle a donné rendez-vous sur le terrain, lors des vendanges, souhaitant se mettre dans la peau d’un vendangeur le temps d’une journée et d’une nuit afin d’évaluer les conditions de travail et de logement.

Christophe Ledoux