Lavandiculture
Noctuelles sur lavande : surmonter la crise et préparer l’avenir

Le 31 août à Vercheny, la chambre d’agriculture de la Drôme, la FDSEA 26 et la filière PPAM (PPAM de France1 et Cihef2) ont organisé une rencontre avec les producteurs de lavande et lavandin. Au programme : la situation de la filière après les attaques de chenilles de noctuelles qui ont décimé la récolte. 

Noctuelles sur lavande : surmonter la crise et préparer l’avenir
Alain Aubanel, élu à la chambre d’agriculture de la Drôme et président du Cihef, a indiqué que la filière avait fait remonter une demande d’aide exceptionnelle au ministère de l’Agriculture pour des recherches sur la noctuelle. ©AD26.

De mémoire de lavandiculteur, la noctuelle avait déjà frappé de façon importante en 1974 et 2009 mais jamais avec un niveau de dégâts aussi important qu’en 2023. « On n’a rien vu venir », reconnaît Alain Aubanel, producteur à Chamaloc, élu à la chambre d’agriculture de la Drôme et président du Cihef lors de la réunion organisée à Vercheny le 31 août. Les pièges à phéromones, destinés à attirer les papillons mâles pour détecter un risque d’infestation, n’avaient rien montré d’inquiétant. « Pourtant en moins de trois semaines les champs de lavande et lavandin ont subi des attaques colossales de chenilles. L’hypothèse la plus probable est que ces papillons ont été amenés d’Afrique du Nord par le sirocco mais que seules les femelles, déjà fécondées, ont supporté le voyage », rappelle Alain Aubanel. D’où l’impossibilité de détecter leur arrivée via le piégeage de surveillance des mâles. 

Si la première alerte du Crieppam3 a été formulée le 18 juillet, les choses sont allées très vite. « Les chenilles très voraces ont été capables en moins de cinq jours de dépouiller totalement de leurs fleurs des parcelles », illustre Cédric Yvin, conseiller spécialisé PPAM à la chambre d’agriculture de la Drôme. Autre caractéristique de cette attaque historique : elle était généralisée, touchant particulièrement les Baronnies, le Nyonsais, le Diois. « La vallée du Rhône a également été touchée mais comme les productions y sont plus précoces, elles avaient pu être récoltées avant les grosses attaques », signale le conseiller.

Un problème multi-filière

Une enquête a été lancée par le Cihef pour quantifier les dégâts. Mais les retours sont encore insuffisants et Cédric Yvin invite les producteurs à y répondre ( pour accéder à l'enquête cliquez ici). Alain Aubanel estime cependant, d’après les remontées de terrain, qu’au moins un quart des surfaces drômoises de lavande et lavandin sont touchées. Autre crainte : qu’une deuxième génération de chenilles puisse arriver prochainement. Peuvent-elles encore causer des dégâts sur des plants de lavande récoltés ? La question inquiète les producteurs. D’autres productions enregistrent aussi des attaques importantes cette année : le maïs, le sorgho, le tournesol, la tomate de plein champ, le chanvre CBD, la luzerne, le pois chiche, le soja… « C’est un problème multi-filière, constate Cédric Yvin, autour duquel il sera nécessaire d’améliorer les échanges entre les différents acteurs. » 

Après cette infestation, l’heure est au développement de nouvelles stratégies pour la campagne 2024 : d’abord identifier précisément cette sous-espèce de noctuelles - ce que l’Inrae est en train de réaliser -, et mesurer si l’efficacité des pièges à phéromones est suffisante. Ensuite, améliorer les connaissances sur la migration de ces papillons et sur leur capacité à survivre selon les conditions hivernales dans les territoires drômois. Dès 2024, il sera nécessaire de renforcer le dispositif de surveillance, selon des modalités qui doivent désormais être définies : augmentation du nombre de parcelles suivies, collaboration inter-filières, participation des lavandiculteurs au réseau de surveillance… 

Protocole de surveillance

Cédric Yvin a rappelé que le réseau de surveillance fait l’objet d’un protocole commun entre les structures techniques : Crieppam, Iteipmai, chambres d’agriculture de la Drôme, du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence. Avec Alain Aubanel, ils ont souligné l’importance pour les producteurs de se rapprocher de ces réseaux afin d'être destinataires des avertissements agricoles. 

Le conseiller de la chambre d’agriculture a aussi donné des astuces pour détecter précocement la présence de chenilles, souvent invisibles dans les premiers jours, en plaçant un support type carton ou linge blanc au pied du plant avant de le secouer. Il existe aujourd’hui des insecticides homologués en conventionnel comme en bio pour lutter contre les chenilles phytophages. Mais Alain Aubanel avertit : « Il faut absolument n’utiliser que les produits portant la mention “Abeilles” ». Enfin, la filière souhaite que puissent être mobilisés des fonds spécifiques pour accentuer la recherche sur ce ravageur. « Nous nous y attelons et avons fait remonter une demande d’aide exceptionnelle au ministère pour travailler sur cet insecte », a assuré le président du Cihef. 

Sophie Sabot

1 PPAM de France : union des professionnels des plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
2 Cihef: comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises.
3 Crieppam : centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
 
SOUTIEN

Quelles réponses pour les exploitations en difficulté ?

« Réunion de crise », c’était clairement l’objet des deux rencontres à Vercheny le 31 août, puis à Nyons le 5 septembre. La filière lavande, secouée depuis trois ans par une crise multifactorielle (stocks importants, baisse de la consommation, explosion des coûts de production) n’avait pas besoin d’affronter de surcroît l’attaque sournoise d’un ravageur. « Sans oublier, insiste Alain Aubanel que, sur les territoires concernés, on assiste à une crise multi-filière : sur la noix, l’abricot, la viticulture, l’élevage avec la prédation... ». Nombre d’exploitants ont choisi de diversifier leurs productions, persuadés que la non-spécialisation leur offrait davantage de résilience. « On a essayé de s’en sortir en diversifiant. Mais c’est toujours plus de travail. On n’arrête plus, jour et nuit, parce que pour protéger nos productions, il faut traiter la nuit sinon on subit des insultes. Je suis installée depuis 26 ans, je suis fille d’agriculteur et j’ai l’impression que personne ne se rend compte aujourd’hui que l’on court à la catastrophe. Toutes les filières sont sinistrées. Nos enfants sont malheureux. Des couples explosent. Et quand on veut demander les aides de crise [comme celle ouverte jusqu’au 8 septembre pour la lavande, ndlr], on ne rentre jamais dans les cases parce qu’on est trop diversifié », a témoigné au bord des larmes une agricultrice de la vallée de la Drôme. 

Ne pas attendre en cas de difficultés

Henry Jouve, président de la MSA Ardèche-Drôme-Loire a listé les dispositifs « sociaux » possibles pour aider les agriculteurs à passer le cap (voir les contacts ci-dessous). Tout d’abord, la prise en charge des cotisations sociales, pour un montant de  3 000 euros maximum par personne (multiplié par le nombre d’associés) et accordée selon l’historique des revenus de l’exploitation et du contexte social propre à chaque demandeur. « Nous avons déjà fait remonter au national la demande d’une enveloppe “crise lavande” mais nous ne savons pas encore si nous l’obtiendrons », a averti le président. Dans d’autres cas, un plan de paiement échelonné des cotisations peut être sollicité. Enfin pour les exploitants qui cumulent les difficultés, il est possible de bénéficier d’un soutien psychologique et d’examiner les aides extra-légales possibles. 

Invités également à cette réunion, les représentants du Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes ont recommandé aux exploitants de ne surtout pas attendre en cas de difficultés et de contacter au plus vite leur conseiller pour anticiper et gérer au mieux ces crises multi-filière.

Sophie Sabot

Contacts MSA : 

- Prise en charge de cotisations : 04 75 75 68 89. Dossier disponible en cliquant ici.

- Echéanciers de règlements : 04 75 75 68 91.

- Accompagnement social : 04 75 75 68 95.