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Chambre d'agriculture

Productions agricoles drômoises : quatre enjeux pour l'avenir

S'appuyant sur l'analyse d'une décennie agricole, la chambre d'agriculture a identifié quatre enjeux pour les productions agricoles drômoises.
Productions agricoles drômoises : quatre enjeux pour l'avenir

Regarder en arrière pour mieux se projeter, c'est ce qu'a fait la chambre d'agriculture de la Drôme lors du débat de sa session d'automne, le 28 septembre à Bourg-lès-Valence. Ainsi, quatre enjeux ont été identifiés et présentés par Anne-Claire Vial, présidente. Le premier concerne l'accès au foncier dans un département où l'urbanisation est souvent galopante et les terrains onéreux. Le second concerne l'irrigation, condition de durabilité des exploitations (lire page suivante). La disparition de produits phytosanitaires et la levée d'impasses techniques grâce au travaux de la recherche constitue le troisième enjeu. Et produire ce qui constituera l'assiette du futur, à savoir des produits qui ont du goût et du sens, en est le quatrième. « La Drôme est bien placée pour répondre à cette demande », a-t-elle souligné.

Installation, foncier, irrigation...

Pour l'avenir du secteur agricole drômois, quatre enjeux ont été identifiés et présentés par Anne-Claire Vial, présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme : l'accès au foncier, l'irrigation, la recherche pour lever les impasses techniques et des produits pour « l'assiette du futur ».
© journal L'Agriculture Drômoise

Ces quatre enjeux sont issus de constats multiples. Sur une décennie, le secteur agricole drômois a changé et son environnement aussi. Le nombre d'exploitations individuelles a baissé tandis que les formes sociétaires (Gaec et EARL) ont augmenté, tout comme le pourcentage de femmes chefs d'exploitation. Les investissements au moment de l'installation sont en hausse mais la taille des structures drômoises (47,7 ha) reste inférieure à la moyenne nationale (82 ha). Sous les effets du changement climatique, les coûts de l'irrigation ont augmenté de 45 % en quinze ans. Sur la décennie écoulée, 60 % des exploitations se sont engagées dans un signe de qualité. Et les surfaces en bio sont passées de 1 984 ha en 2005 à 7 540 en 2017. Concernant les contrats collectifs d'assurance climatiques, on observe une légère baisse des surfaces assurées (2185 ha en 2010 contre 1 867 ha en 2018). Le prix du foncier, lui, n'a pas cessé de croître. « Les terrains sont trop chers au regard de la valorisation des productions, a fait remarquer Anne-Claire Vial. Et sous l'effet de l'urbanisation, c'est l'équivalent de huit exploitations par an qui disparaissent dans la Drôme. »

Éclairage macroéconomique

Patrick Eymard, directeur du CerFrance Drôme Vaucluse, est venu apporter un éclairage macroéconomique sur quelques filières. En arboriculture, de 2007 à 2017, est observée une augmentation de la surface agricole utile (SAU) mais pas arboricole. Les arboriculteurs ont donc diversifié leurs productions, ce qui a engendré une hausse des aides de la Pac. A noter, le verger est mieux protégé contre les aléas. En viticulture, pas d'évolution, la taille des exploitations et les revenus sont restés stables. En grandes cultures, depuis dix ans, la SAU a augmenté de 35 % mais la rentabilité des exploitations a diminué, l'excédent brut d'exploitation (EBE) évoluant à la baisse alors que les aides de la Pac sont restées stables. En caprins, est constatée une hausse des surfaces (+ 40 %) mais aussi des produits et des aides Pac. L'EBE augmente de 65 %. « C'est une filière qui se conforte », a indiqué Patrick Eymard. Ce qui, hélas, n'est pas le cas des bovins lait où l'EBE stagne malgré la hausse de 35 % de la SAU.

Des hauts et des bas selon les filières

Quelques représentants des filières ont apporté leurs commentaires. « Il n'y a plus de rentabilité en céréales », a déploré Frédéric Lerat. Concernant le verger drômois, « sa surface a baissé de 38 % en dix ans, a fait remarquer Bruno Darnaud. Mais, dans le même temps, la valeur ajoutée a fortement progressé. Et grâce au plan fruit régional, il y a une meilleure protection contre les aléas climatiques. » A noter, le verger de fruits à noyaux régresse au profit des fruits à coque. Dans le secteur viticole, Pierre Combat a évoqué la nécessité de ressource en eau pour faire face aux sécheresses récurrentes ainsi que la recherche d'alternatives aux produits phytosanitaires par la création de clones. En bio, a-t-il précisé, « il manque des volumes ». Quant au foncier, « les prix, trop élevés, sont un problème pour les exploitations familiales. »
En caprins, « la tendance est à l'augmentation du nombre de chèvres par exploitation, a indiqué Jean-Pierre Royannez. C'est une filière en pleine croissance, les revenus sont en hausse et l'installation est dynamique. » En bovins lait, la baisse des effectifs se poursuit du fait des crises économiques. « Des projets autour du saint-marcellin, du saint-félicien ou encore sur le créneau du lait bio peuvent être des orientations porteuses », a-t-il fait remarquer. En aviculture, Paul Despesse a évoqué « une filière en croissance, quels que soient les modes d'élevage. »

Ppam : « un nouvel eldorado »

En plantes à parfum, aromatiques et médicinales (ppam), « le marché est en fort développement et il y a des opportunités dans tous les territoires, a expliqué Alain Aubanel. Ca marche très fort, on peut parler de nouvel eldorado. » En maraîchage, « les structures sont hétérogènes, a expliqué Anne-Claire Vial. Et en légumes de plein champ, la Drôme n'arrive pas à concurrencer les grandes exploitations du nord et de l'ouest de la France. » En ovins, « malgré des prix qui se tiennent, le cheptel diminue sous l'effet de la prédation », a indiqué Didier Beynet. Dans la filière bovins viande, depuis dix ans, « le nombre des éleveurs diminue sous l'effet d'une spécialisation et d'un changement de race », a constaté Guy Péran. Enfin, en équins, « la filière recherche des débouchés, que ce soit en chevaux de trait ou de selle, a constaté Nathalie Gravier. De plus, la bonne qualité génétique des animaux peut permettre de s'engager dans des circuits de valorisation. »

Christophe Ledoux

Témoignages /

Julien Barde, EARL Les prés du soleil à Etoile-sur-Rhône
EARL Les prés du soleil à Etoile-sur-Rhône
© journal L'Agriculture Drômoise
Installé en 2010, l'exploitation compte un élevage de 30 000 poules pondeuses ainsi que des cultures de semences, céréales et pomme de terre industrie. Ces dernières années, elle a évolué, notamment sur l'atelier avicole. Et c'est l'exploitant lui-même qui a amené plusieurs variétés de semences sur son exploitation ainsi que les pommes de terre sous contrat. « Je suis plutôt confiant pour l'avenir, a confié le jeune éleveur. Même si demeure toujours une inquiétude sur l'évolution des prix à la production. »
Florent Germon, directeur de la coopérative Lorifruit
Florent Germon, directeur de la coopérative Lorifruit
© journal L'Agriculture Drômoise
« Depuis dix ans, le tonnage d'abricots a baissé de 30 %, celui des pêches est resté stable tout comme ceux des pommes et des kiwis. Les vergers de poires, eux, ont quasiment disparu, a expliqué Florent Germon. Il y a eu une perte de spécialisation liée à des logiques de rentabilité. » Pour la coopérative, le sujet essentiel est le goût. « Il y a dix ans, des produits moyens trouvaient place sur le marché. Ce n'est plus le cas aujourd'hui où il doivent avoir du goût et du sens. Le marché est là, il faut travailler une approche qualitative et assurer les tonnages en protégeant les vergers des aléas climatiques. » Il a aussi évoqué le problème de la répartition de la valeur car le revenu des producteurs n'augmente pas. « Il faut rentrer dans des logiques de contractualisation. Et aussi travailler sur l'accompagnement des cédants pour maintenir un verger performant. »
Damien Revol, Ferme des pins à Montchenu
Damien Revol, Ferme des pins à Montchenu
© journal L'Agriculture Drômoise
Depuis qu'il est installé en 2004, son exploitation a vécu « d'énormes évolutions », a-t-il confié. L'élevage de vaches laitières a été abandonné au profit d'une diversification en volailles fermières, production d'asperges, d'abricots et de céréales. De plus, ont été créés un camping et un gîte à la ferme.
Jean-Louis Mancip, Gaec de la Bâtie à Montlaur-en-Diois
Jean-Louis Mancip, Gaec de la Bâtie à Montlaur-en-Diois
© journal L'Agriculture Drômoise
Installé en 1992, Jean-Louis Mancip a fait le choix de l'agriculture biologique en 1996 pour, a-t-il expliqué, « gagner de la valeur ajoutée ». Depuis dix ans, il constate une « explosion » du travail administratif et, par ailleurs, une forte incidence du changement climatique et ce, depuis 2003 sur les noix mais aussi les luzernes et les céréales. « Faudra-t-il confiner les cultures pour s'affranchir du climat ? », a-t-il questionné. Du fait des débits réservés, irriguer devient compliqué. » Il estime que le stockage de l'eau nécessite des financements publics. Un autre point concerne la prédation. Le Gaec vient d'embaucher un veilleur de nuit pour surveiller le troupeau. « S'adapter face au loup est compliqué », a-t-il confié. Autre point de crispation, la prolifération des sangliers qui font « des ravages de folie et mettent à mal les exploitations ».
Jean-François Julian, vice-président du Cellier des Dauphins
Jean-François Julian, vice-président du Cellier des Dauphins
© journal L'Agriculture Drômoise
« Sans irrigation, nous n'existerons plus, a dit Jean-François Julian. Car, avec les sécheresses, nous devons faire face à un déficit de production terrible. Bâtir l'avenir passe par la sécurisation de l'irrigation. » Pour l'union qu'il représente, quatre défis sont à relever : productif (assurer les volumes), sociétal (produire toujours plus de qualité), bio (pour faire face à la forte demande) et le renouvellement des générations. La stratégie du Cellier des Dauphins consiste à apporter une réponse commerciale par un recentrage de sa marque en la segmentant. Mais aussi par des démarches RSE* afin de s'adapter aux demandes des consommateurs, un accompagnement et une stimulation des conversions à la bio. « Nous vivons une période paradoxale où la demande en vin est supérieure à la ressource, a-t-il fait remarquer. Il faut que les agriculteurs familiaux s'en saisissent. »
C. L.
* RSE : responsabilité sociétale des entreprises.