Expérimentation
Des couverts végétaux estivaux, est-ce faisable ?

La chambre d’agriculture de la Drôme a proposé, le 2 octobre en collaboration avec Valence Romans Agglo, la visite d’essais de couverts végétaux semés au mitan de cet été. Objectif de ces essais : savoir si cette technique peut être tentée.

Des couverts végétaux estivaux, est-ce faisable ?
Le 2 octobre lors de la visite d’essais de couverts végétaux estivaux organisée par la chambre d’agriculture de la Drôme en collaboration avec Valence Romans Agglo. Photo : sur une parcelle du lycée agricole du Valentin où un sorgho multicoupes a été semé en direct dans une luzerne de plus de trois ans.

Pourquoi mettre en place des couverts végétaux en été ? « La période estivale réunit chaleur et luminosité ; c’est la saison où la photosynthèse est la plus intense, répond Marie-Pascale Couronne, conseillère agronomie-environnement à la chambre d’agriculture de la Drôme. Ces facteurs sont propices à la production de biomasse. Ils peuvent être mis à profit en implantant des couverts dérobés pour une seconde culture : soit pour un fourrage d’appoint, soit, si on réfléchit à plus long terme, pour apporter de la biomasse au sol et augmenter le taux de matière organique. C’est un moyen de stocker du carbone, qui n’est donc plus dans l’atmosphère, et d’améliorer les qualités du sol, ses capacités de rétention en eau. » Autre intérêt potentiel des couverts végétaux implantés tôt : apporter une protection des sols dès l’été et en automne contre le ruissellement, l’érosion et la pollution par les nitrates.

   

Oui mais voilà, la mise en œuvre de cette technique pose toutefois quelques questions. Dans le contexte climatique actuel d’étés chauds et secs, un couvert végétal peut-il se développer ? Comment gérer les adventices telles que l’ambroisie, les vivaces ? Quand et que semer ? Alors, « on s’est dit, il faut voir si c’est faisable », explique la conseillère de la chambre d’agriculture.

Tout en semis direct

Pour vérifier si des couverts végétaux estivaux peuvent être tentés, des essais ont donc été mis en place, à Bourg-lès-Valence sur des parcelles du lycée agricole du Valentin, de Stéphane Fourel, Christophe Fayard et de Philippe Baugiraux (voir descriptif). Ils ont été semés en direct en juillet ou, au plus tard, début août « car il faut être réactifs pour pouvoir profiter de petits créneaux favorables pour semer, par exemple une petite pluie », précise Marie-Pascale Couronne, qui a organisé une visite de ces essais le 2 octobre, en collaboration avec Valence Romans Agglo. Un tour de plaine « pour voir ce qui a fonctionné, si les couverts peuvent rebondir après les pluies et quelles sont les espèces végétales à privilégier pour obtenir de la biomasse ».

Résultats des essais

La conseillère tire plusieurs enseignements de cette expérimentation. Globalement, plus on sème tôt, plus la biomasse est importante. Les légumineuses « bataillent » en semis précoce (juillet), notamment dans des conditions sèches. Celles qui sont présentes n’ont commencé à prendre de la vigueur qu’à partir de la mi-septembre (grâce aux pluies et au temps moins chaud). Les graminées estivales (moha, millet, sorgho) donnent de bons résultats en matière de biomasse. Elles ont bien valorisé les arrosages (+ 10 tonnes de matière brute en irrigué par rapport aux conduites sans irrigation). En sec, elles sont arrivées à bien reprendre de la vigueur avec le retour des pluies en septembre. A la fin septembre, les biomasses brutes produites en sec variaient entre 4,5 et 6 tonnes à l’hectare pour des mohas et sorghos. Si le couvert est bien développé et a eu une levée rapide (dans les situations irriguées), il gère assez bien le salissement des parcelles. Cependant, elles ne doivent pas être trop sales au départ. Et « l’irrigation a un coût élevé qui n’est pas rentable à court terme, fait remarquer Marie-Pascale Couronne. Mais il peut l’être à long terme, par l’amélioration des qualités du sol : davantage d’azote fourni, de rétention d’eau, augmentation du taux de matière organique et meilleure structure. L’irrigation est à envisager seulement si l’on accepte de faire un investissement sur le long terme. C’est un peu comme un plan d’épargne logement. On récupérera les intérêts au bout de dix ans et on garde son capital ».

Annie Laurie

Descriptif des essais

Parcelles du lycée agricole du Valentin :

- Essai comparatif de couverts fourragers estivaux en dérobé (expérimentation Pepit SécuFourrages C.I.).

 - Implantation d’un sorgho multicoupes en direct dans une luzerne de plus de trois ans.

- Quatre irrigations.

Parcelle de Stéphane Fourel :

- Mélange composé de graminées estivales (sorgho et moha), légumineuses et moutarde d’Abyssinie.

- Implantation en semis direct sur chaumes, conduite en sec.

- La moutarde d’Abyssinie a une valeur fourragère mais s’est révélée décevante sur cette parcelle (très faible présence).

Parcelle de Christophe Fayard :

- Graminée estivale (moha) et légumineuses. 

 - Implantation en semis direct sur chaumes, conduite en sec.

- Le trèfle d’Alexandrie n’est pas sorti et la vesce est apparue tardivement.

Parcelle de Philippe Baugiraux :

- Mélanges estivaux multi-espèces (millet + moha + sorgho + sarrasin + fénugrec ; moha + sorgho + tournesol ; sorgho + tournesol + vesce ; sorgho + tournesol + pois + vesce + féverole + phacélie) avec plusieurs dates de semis (fin juillet et mi-août).

- Semis direct sur chaumes, conduite irriguée.

- L’objectif de cet agriculteur qui pratique le semis direct depuis plus de dix ans est de produire un maximum de biomasse pour nourrir et couvrir ses sols, quitte à irriguer.