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Essais

Évaluer l’impact du labour  et du semis direct sur les sols

La ferme expérimentale gérée par l’association St Ex Innov, située à Pusignan dans le Rhône, a ouvert ses portes vendredi 15 novembre. L’occasion de présenter l’essai SYST’M, dont l’objectif est d’évaluer l’impact du travail du sol effectué en labour et en semis direct avec la technique nommée strip-till.

Évaluer l’impact du labour  et du semis direct sur les sols
Au sein du public, l’essai SYST’M et ses résultats technico-économiques ont suscité de nombreuses questions. ©LR_APASEC

L’association St Ex Innov, située à Pusignan, à quelques encablures de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry, s’est penchée sur l’impact du travail du sol en essai pluriannuel. Nommée SYST’M, cette expérimentation se déroule depuis 2013 sur une rotation de maïs, maïs, soja, blé et colza tous les cinq ans. Chaque parcelle d’une culture est coupée en deux, afin d’obtenir dix parcelles, dont une moitié est conduite en semis direct avec la méthode du strip till (en français « travail du sol en bandes ») et la seconde avec du labour effectué de façon régulière.

Des écarts de rendements observés sur maïs

Afin d’obtenir des indicateurs technico-économiques, l’association a inventé deux fermes fictives de 175 ha chacune, dont 70 ha de maïs, 35 ha de colza, 35 ha de blé et 35 ha de soja. La première ferme correspond à un itinéraire avec labour, tandis que la seconde privilégie le semis direct. « Nous nous sommes servis d’un outil interne, dans lequel nous avons rentré les modalités de ces deux modèles, ainsi que les interventions menées sur les parcelles, afin d’obtenir des informations sur le temps de travail passé sur chaque ferme, leurs émissions de gaz à effet de serre et les indicateurs de fréquence de traitements phytosanitaires », détaille Yann Janin, ingénieur régional chez Arvalis et chargé d’expérimentation. Les calculs menés sur les campagnes de 2022 et de 2023 ont permis de dégager quelques tendances. Les premières années ont ainsi été marquées par de gros écarts de rendements entre les systèmes. « Les techniciens maîtrisaient mieux les techniques de labour que celles du semis direct, admet l’expert. Nous avons connu quelques déconvenues, le temps de nous perfectionner ». Avec le temps et l’acquisition de connaissances, ces écarts de rendements ont fini par se réduire, excepté en maïs, plante avec laquelle les équipes ont encore du mal à faire aussi bien en semis direct qu’en labour. Selon l’ingénieur, un tel écart s’explique par un défaut d’enracinement du maïs. « En 2020, nous avons creusé des fosses au sein des deux systèmes, afin de vérifier cet enracinement. En semis direct, 60 % du profil était colonisé à 40 cm de profondeur, contre 85 % en labour. Nous avions donc 25 % de racines en moins. Notre hypothèse est que le maïs est une plante un peu feignante, qui pâtit du manque du travail du sol, ce qui peut expliquer les écarts de rendements observés. » Du côté des cultures d’hiver, Yann Janin assure que ces écarts de rendements se lissent peu à peu. 

Yann Janin, ingénieur régional chez Arvalis, a présenté les divers essais menés par l’association St Ex Innov. ©LR APASEC

En termes de matériel, les techniciens ont d’abord utilisé des semoirs à disques, rapidement remplacés par des semoirs à dents. En semis direct, le travail a été effectué sur la bande de semis à l’aide de la technique du strip-till, afin d’obtenir de meilleures levées. « Avec le semis direct, nous avons tendance à avoir des sols plus froids, puisque non travaillés, ajoute le spécialiste. Nous avons donc délibérément labouré au strip-till un mois avant de semer, afin que la bande de semis se réchauffe. » 

Un indéniable gain de temps en semis direct

Le système mené en labour a montré de meilleurs rendements, absorbant ainsi le coût des produits utilisés. Le système en semis direct n’a, quant à lui, pas permis de réaliser des économies de charges. Selon le technicien, l’absence de travail du sol implique fatalement une augmentation de l’usage des herbicides. « Nous avons donc choisi d’introduire un peu de travail du sol dans la partie en semis direct, avec du scalpage de surface afin de détruire les couverts, ce qui a automatiquement fait remonter les charges de mécanisation ». In fine, ces charges ont été quasiment similaires en labour et en semis direct. « Nous avons la chance d’être sur des graviers, dans lesquels nous n’avons pas besoin de réaliser plusieurs passages… La tendance serait sûrement différente sur des sols limoneux », a tenu à nuancer Yann Janin. Finalement, la donnée de comparaison la plus importante a été celle du temps de travail. Le système mené en labour a demandé une heure de temps de travail supplémentaire à l’hectare et par mois, avec un pic plus élevé au printemps, durant les phases de préparation du sol. « Le point positif de la partie menée en semis direct est donc ce gain d’heures, équivalent à neuf jours par an », conclut l’ingénieur, convaincu de la pertinence de ce système. Du temps supplémentaire qui peut permettre aux agriculteurs et agricultrices d’effectuer des activités plus rémunératrices, comme de la transformation, ou de privilégier des activités personnelles.

Léa Rochon

Démo

Un outil innovant pour faire  de la reprise de labour

Un outil innovant pour faire  de la reprise de labour
La société DMA, située dans la Drôme, a présenté un outil de reprise de labour, équipé d’un système de disques et de roues rotatives assorties d’une lame de ressort. ©LR APASEC

En complétement de la visite, la société DMA, installée dans la Drôme, a proposé la démonstration d’un outil de désherbage mécanique. Originaire de Hongrie, le modèle présenté par le commercial Olivier Veyrenc effectue de la reprise de labour à l’aide d’un système de disques et de roues rotatives équipées d’une lame de ressort. Cette dernière travaille le sol sur une profondeur de 5 cm avec trois positions différentes. L’engin, commercialisé en France par deux importateurs, est conçu pour rouler à une vitesse de 9 km/h à 10 km/h. Selon Yann Janin, ingénieur régional chez Arvalis et chargé d’expérimentation, s’équiper de cet outil répondrait à de nombreux enjeux liés au labour. « Compatible avec l'agriculture de conservation des sols (ACS), il allie le désherbage mécanique et le non-labour. » Sa capacité à détruire des adventices au stade jeune en fait également un indéniable atout. 
L.R.

ST EX INOV

Les premiers enseignements  après cinq ans d’essais

Depuis sa création en 2019, l’association St Ex Innov a mobilisé 78 ha au service de la recherche et du développement. Avec deux chefs de culture dédiés au suivi des expérimentations, l’association dresse ses premiers enseignements. La technique de semis dite "à la volée" montre des réussites aléatoires, tandis que le travail du sol demande que l’asséchement et la stimulation des levées soient particulièrement surveillés. Enfin, les agriculteurs qui souhaitent faire du semis direct doivent éviter les disques et semer sur une parcelle propre. Selon l’organisme, les espèces estivales les plus adaptées au territoire sont le sorgho, le moha et le nyger. Le mélange de ces espèces avec des légumineuses d’été s’est néanmoins montré peu concluant. En revanche, le mélange de céréales et de légumineuses semé tardivement, en août, révèle de bons résultats. 
L.R.