Irrigation
SID : hausse modérée du prix de l'eau mais l'inquiétude persiste

L'impact de la hausse du coût de l'électricité sur les réseaux collectifs d'irrigation gérés par le Syndicat d'irrigation drômois (SID) sera moins fort que prévu grâce à un excédent de recettes de 2022 et à une prévision de consommation d'eau modérée en 2023. Mais la situation reste fragile, estiment les responsables du SID.

SID : hausse modérée du prix de l'eau mais l'inquiétude persiste
Finalement, « pour 2023, la hausse du prix du mètre cube d’eau a été fixée uniformément à + 3 centimes d’euro, comme en 2022 », indique Bernard Vallon, président du SID.

Dès l'automne dernier, l'impact de la très forte hausse du coût de l'électricité avait suscité une très vive inquiétude chez les responsables du Syndicat d'irrigation drômois (SID), gestionnaire des réseaux collectifs d'irrigation utilisés par 2 600 clients, la plupart agriculteurs. Mi-décembre, l'annonce d'un prix du mètre cube à 0,30 € amenait le SID, et donc les irrigants, dans une situation inextricable sur le plan économique. Les responsables agricoles avaient alors alerté les élus afin que le SID puisse bénéficier d'aides de l’État.

« Pendant plusieurs années, l'achat d'électricité à un prix indexé Arenh* nous a été extrêmement profitable, rappelle Sophie Lasausse, directrice du SID. Mais à partir de fin 2021, les tarifs sont passés au-dessus de 200 euros le mégawattheure (MWh), alors que pendant près de dix ans ils étaient d'une stabilité remarquable. » Ainsi, avec une consommation annuelle de 70 gigawattheures (GWh), soit l'équivalent d'une ville de 25 000 habitants, la facture d'électricité du SID est passée de 2,5 à 7,5 millions d'euros entre 2020 et 2022. Début décembre, la facture était estimée à 30 M€ pour 2023.

+ 3 centimes le mètre cube

« Depuis deux ans, le prix de l'eau a doublé. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à des prix maximum de moins en moins supportables pour les agriculteurs », souligne Bernard Vallon, président du SID.

Finalement, « pour 2023, la hausse du prix du mètre cube d'eau a été fixée uniformément à + 3 centimes d'euro, comme en 2022, indique Bernard Vallon, président du SID. Soit six centimes d'augmentation en deux ans. Hors abonnement, lequel n'augmente pas, cela aboutit à un prix moyen de 15 centimes le mètre cube d'eau. » Cette moindre hausse du prix du m³ résulte d'un excédent de recettes inattendu. « Le 8 janvier, nous avons appris que le SID percevra 4,5 millions d'euros (M€) de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) au titre de l'“énergie réservée**”, indique Sophie Lasausse. Habituellement, le montant avoisinait les 500 000 euros. » Par ailleurs, « Engie nous avait dit que si nous restions en deçà de 67,7 GWh de consommation en 2022, nous aurions 15 euros de ristourne supplémentaire par mégawattheure, ajoute la directrice du SID. Cela représente une recette de 900 000 euros. Enfin, notre vente d'hydroélectricité nous a rapporté 1,8 million d'euros, au lieu des 400 à 500 000 euros les années précédentes. » 

Tout additionné, cela représente donc 7,2 M€. « En ajoutant la réserve du SID pour 3,6 M€ et l'effet de la hausse du prix de l'eau estimée à 1,65 M€, cela nous permet de limiter, pour l'instant, l'augmentation du mètre cube à 3 centimes d'euro », complète Bernard Vallon.

« La situation reste fragile »

« En augmentant le prix du mètre cube de 3 centimes, on fait le pari que les irrigants ne consommeront pas plus de 55 millions de m³ en 2023 », prévient Sophie Lasausse, directrice du SID.

En ce début d'année, « la situation s'est nettement améliorée mais elle reste fragile car, pour le SID, le surcoût de l'électricité n'est pas entièrement couvert, ajoute Sophie Lasausse. En augmentant le prix du mètre cube de 3 centimes, on fait le pari que les irrigants ne consommeront pas plus de 55 millions de m³ en 2023, ce qui correspond à la moyenne des cinq dernières années. Autrement dit, plus les agriculteurs consommeront d'eau et moins les 7,2 M€ de recettes fixes permettront de couvrir le prix du m³ », prévient la directrice du SID. Si la consommation d'eau venait à dépasser les 55 millions de m³, cela contraindrait le SID à taper dans ses réserves d'autofinancement, ce qui oblitèrerait ses grands projets d'investissements et « impacterait de fait le prix de l'eau en 2024 », avertit Sophie Lasausse.

Lors des six réunions d'information organisées par le SID début 2023 auprès de ses clients irrigants, Bernard Vallon a rappelé que «  depuis deux ans, le prix de l'eau a doublé. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à des prix maximum de moins en moins supportables pour les agriculteurs, compte tenu notamment des incertitudes sur les cours agricoles. »

Christophe Ledoux

* L’« Arenh », qui signifie « accès régulé à l’électricité nucléaire historique », permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics. Pour que ses clients bénéficient de ce dispositif, EDF le réplique dans ses offres.

** Énergie réservée : compensation financière historique versée par la CNR aux départements riverains du Rhône ou aux bénéficiaires désignés (parmi lesquels le SID), calculée sur la base d’un prix de marché de l'électricité.

Jean-Pierre Royannez : « Moins consommer d'eau »
Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture et de l'OUGC.

Jean-Pierre Royannez : « Moins consommer d'eau »

« L'annonce d'une hausse de seulement trois centimes d'euro par mètre cube est vécue par nombre d'irrigants du SID comme une bonne nouvelle. Le maximum a été fait pour en arriver là mais l'eau est devenue chère et elle le sera sans doute encore plus dans le futur, alerte Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme et de l'Organisme unique de gestion collective (OUCG) pour l'irrigation en Drôme. Trois centimes d'euro de plus en 2023, c'est moins que quinze ou vingt, certes. Mais en deux ans, selon les secteurs, cette hausse du prix de l'eau est déjà de 50 à 70 % ! C'est considérable !

Dans ce contexte, il faut que chaque exploitant revoit ses pratiques culturales pour consommer moins d'eau et préserver les marges. C'est d'autant plus important avec la fluctuation des cours. S'ajoute une probabilité plus élevée d'étés arides. De plus, globalement, sur les différents bassins versants du département, on est au taquet sur les volumes disponibles. Il ne faut donc pas remettre à plus tard les économies d'eau sur les cultures mais s'en préoccuper dès maintenant. »