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Nuciculture

Maîtriser l’enherbement  de ses noyeraies

La chambre d’agriculture de l’Isère et la Senura (station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes) ont organisé des retours d’expérience de nuciculteurs utilisant des méthodes intéressantes pour désherber et pour protéger le sol des noyeraies.

Maîtriser l’enherbement  de ses noyeraies
Au printemps, un problème de concurrence d’eau peut se poser avec le noyer. Mais lorsque le couvert est couché assez tard, cela permet d’éviter l’évapotranspiration et de garder la fraîcheur du sol. ©Senura

Olivier Gamet, nuciculteur à Chatte (38), explique avoir commencé des essais de couverts végétaux pour ses noyers en 2012. « J’ai ensuite généralisé les couverts à l’ensemble de ma ferme en 2013 », précise-t-il. Pour lui, il était important de travailler le sol et d’essayer de gagner en matières organiques, de « récupérer des oligoéléments et des unités NPK1 du sol grâce au système racinaire », mais également de « favoriser la vie du sol et de la parcelle en général ». Son choix s’est porté sur la culture de couverts hivernaux car « il ne reste que le bois des noyers sur les parcelles et les rayons du soleil peuvent atteindre le sol pour faire pousser le couvert », ajoute le nuciculteur.
Pour composer ses couverts, il privilégie les légumineuses, présentes à 70 %. Les arbres produisant beaucoup de carbone, « ce qui manque dans les sols, c’est l’azote », d’où le choix des légumineuses qui permettent de fixer l’azote de l’air et ainsi d’équilibrer le rapport C/N (carbone sur azote).Depuis dix ans, ce travail a débouché sur l’achat d’un semoir grâce à une subvention européenne, matériel porté par la Cuma du Piémont. Et pour les semences, Olivier Gamet explique « jongler entre des semences fermières et des semences certifiées » qu’il achète en coopérative.

Quatre à six espèces différentes

Pour fonctionner, un couvert végétal doit être riche en espèces (de quatre à six espèces différentes) car les systèmes racinaires travaillent le sol différemment en fonction de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Olivier Gamet utilise généralement un mélange de vesse et d’avoine couplé à de la féverole et enrichi en pois, en seigle ou en triticale, qu’il sème à 3 cm environ. Le nuciculteur ajoute privilégier le semis au broyage des feuilles, car cela laisse le temps aux feuilles de se décomposer, d’apporter une meilleure vie au sol et de diminuer l’anthracnose2.
Au printemps, un problème de concurrence d’eau peut se poser avec le noyer. Mais lorsque le couvert est couché assez tard, cela permet d’éviter l’évapotranspiration et de garder la fraîcheur du sol. En revanche, un problème risque de se poser avec le nouvel arrêté pollinisateur, qui impose de rendre le couvert non attractif pour les abeilles avant de réaliser un traitement.

Gestion mécanique

Sébastien Renevier, nuciculteur à Tullins (38), s’est converti au bio en 2018. Depuis, il désherbe mécaniquement ses parcelles de fernor. « Je fais un double passage avec le monodisque à l’avant et une tondeuse perfect à l’arrière pour faire l’inter-rang en deux passages », explique-t-il. Il ajoute avoir réalisé des essais à différentes périodes de l’année, entre 2019 et 2021. En est ressorti le fait que sur des terrains où l’enherbement pousse très vite, les modalités tardives sont difficiles à mettre en place en raison de la présence de taupinières et de fourmilières : le rang n’ayant pas été entretenu, la faune reprend ses droits.
« Nous n’avons pu tester cette méthode que pendant deux ans à cause des aléas climatiques, donc nous allons reprendre les essais pendant trois ans pour voir à plus long terme s’il y a vraiment une concurrence au niveau des arbres, avec un enherbement qui reste en place, ou pas », précise Sébastien Renevier. Pour l’instant, il constate que réduire le nombre de passages avec un tracteur réduit inévitablement le tassement du sol.

Plusieurs nuciculteurs font pâturer leurs vergers par des brebis. ©Senura

Recours au pâturage

Ludovic Belle, nuciculteur à Saint-Hilaire-du-Rosier (38), a commencé en 2018 à faire pâturer environ 300 brebis sur une parcelle de 7 hectares. Il explique qu’à partir de 2021, il a renouvelé l’expérience avec un autre berger, cette fois sur la totalité de son exploitation, donc sur environ 30 hectares, de début mai à mi-juillet. « Les brebis mangent nos couverts, mais généralement elles n’apprécient pas la féverole qui a commencé à sécher », précise l’agriculteur. C’est pourquoi de petits parcs sont formés pour obliger les animaux à consommer ce qu’ils ont piétiné. Et les brebis, de race mérinos, sont habituées à être dehors et à se déplacer. En ce qui concerne les traitements sur les noyers, Ludovic Belle explique ne pas réaliser de traitements fongicides. Et les brebis changent de parc lorsque les arbres doivent subir un traitement. Pour l’instant, aucun effet important n’a été remarqué sur le tassement des sols car « les brebis sont réparties sur quatre pattes et n’ont pas un poids très important », précise Catherine Venineaux, conseillère ovins à la chambre d’agriculture de l’Isère.

Morgane Poulet

1 NPK : Abréviation d’éléments chimiques composant une formule classique de fertilisants : azote (N), phosphore (P), potassium (K).
2 Anthracnose : Série de maladies causées par des champignons et créant des taches brunes à noires sur les feuilles et les fruits.