Inter Rhône rassure les viticulteurs autant que les marchés
Le 29 avril, Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône, a fait le point sur la situation économique des vignobles de la Vallée du Rhône et la stratégie à adopter quant à l’année à venir. A l’heure où tout semble s’effondrer pour la filière viticole, il porte un message volontairement optimiste.

La situation économique de la Vallée du Rhône n’est pas mauvaise, bien que les situations individuelles se révèlent quelque peu complexes. Exercice difficile pour Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône depuis moins de six mois. « La nuance est nécessaire, on sait déjà que les dégâts du gel sont importants, et nous ne pourrons les constater dans leur intégralité qu’en septembre, une fois les vendanges effectuées », explique-t-il. Pour ce qui est de l’année qui vient de s’écouler, en revanche, les résultats ne sont pas à plaindre, malgré la pandémie. Depuis 2018, les millésimes de la Vallée du Rhône conservent leur très bonne qualité, « un élément de poids », comme se plaît à le rappeler le président de l’interprofession. La quantité, quant à elle, est également au rendez-vous, malgré un décrochage notable de la production depuis 2017 suite aux aléas climatiques répétitifs, à l’ampleur toujours plus importante. Philippe Pellaton tient à rassurer les marchés sur ce point : « La consommation de vin ayant été impactée par le coronavirus l’année dernière, nos stocks sont d’environ 17 mois, soit légèrement plus importants qu’à l’habitude. Il s’agit là d’une belle opportunité pour répondre à la question de la potentielle rupture suite au gel. Il n’y en aura pas, ce qui nous permet d’utiliser le joker jusqu’en 2022. Le stock moyen sera de 7 mois et nous avons déjà eu à gérer des niveaux plus bas ».
L’Europe, marché de valeurs sûres à l’export
Entamant une deuxième année impactée par le Covid, la France observe un recul certain sur ses ventes, notamment le réseau des caves, hôtels et restaurants (CHR) à cause des trois confinements et des fermetures engendrées. Sur l’export, bien que le chiffre d’affaires ait baissé de 4 % par rapport à 2019, « le potentiel est maintenu mais les cartes sont redistribuées, indique le président. Du côté des Etats-Unis, nous observons une baisse très conjoncturelle, liée à la taxe Trump depuis 2019. Avec sa suspension quasi-certaine, nous pouvons nous attendre à un rebond très net. Du côté de la Chine en revanche, nous avons perdu en deux ans près de 50 % des volumes expédiés. C’est un marché très peu structuré, pour lequel nous devons continuer à avoir de l’ambition », assure-t-il.
Il semblerait finalement que la bonne surprise se cache dans les marchés export de proximité. L’Europe, qui a joué le jeu du commerce entre voisins reste donc un partenaire de choix pour les vignerons français. « Nous avons beaucoup cherché à diversifier nos exports ces dernières années, mais ce que l’on voit ici, c’est qu’avoir une assise historique a une importance cruciale lorsque les règles du jeu changent », déclare Philippe Pellaton. La Belgique devient ainsi le premier pays à l’export pour les vignobles de la Vallée du Rhône, avec quelques 155 322 hl (en hausse de 13 %), soit, 62,8 millions d’euros (en hausse de 15 %). Une façon pour les pays européens de revenir vers les valeurs sûres, des appellations appréciées depuis longtemps, d’autant plus que l’œnotourisme, activité appréciée des touristes lors de leurs séjours dans la région, est pour le moment encore à l’arrêt.
Une année 2021 toute en perspectives
Malgré l’épisode de gel, Philippe Pellaton reste optimiste. « J’ai la faiblesse de croire que la reprise économique va être violente, surtout pour le réseau CHR qui est complètement à l’arrêt. Il va y avoir une dynamique de reprise au moins à la hauteur de celle de l’été dernier », espère-t-il. Pour cela, Inter Rhône s’appuie sur le budget qu’il détient. Pour l’année 2020, il avait été réarbitré pour être fléché à 50 % sur l’export et à 50 % sur les ventes en France (contre les 70/30 initiaux). Pour 2021, la configuration sera la même, à un détail près : « Non seulement nous conservons ce ratio, mais en plus nous allons réinjecter les budgets non consommés dans le passé, afin d’augmenter notre manne de 10 %. Nous devons utiliser cette réserve pour être présents, tout particulièrement en cette année difficile, cela nous permettra de rester une force de frappe non négligeable, malgré l’effondrement que subissent les vignerons », annonce le président.
Les aider à relever la tête et les accompagner vers l’avenir de leur métier, voilà les objectifs que se fixe l’interprofession. Pour ce qui concerne les aléas climatiques, Philippe Pellaton admet son inquiétude : « Il va falloir se mettre en tête qu’une récolte sur cinq pourrait être entièrement touchée par les calamités que nous connaissons depuis quelques années et qui vont probablement s’intensifier à l’avenir. Cependant, nous avons des moyens de lutter. Contre la sécheresse, nous accompagnons la mise en place de chantiers d’envergure pour une meilleure irrigation ; pour la grêle, il y a de nouvelles techniques ; c’est pour le gel que c’est plus compliqué. Bien sûr, il faudra travailler avec les assurances et se poser les bonnes questions, mais il faut aussi se pencher sur la gestion des volumes ». Sur ce point, Inter Rhône a déjà obtenu quelques évolutions au fil des années, notamment pour le volume complémentaire individuel (VCI), qui permet d’autoriser un dépassement de rendement de 20 % sur la production annuelle, pour une détention cumulée pouvant atteindre les 50 %. Inter Rhône, avec son Institut rhodanien, souhaite également accentuer le bio et les labels environnementaux, une tendance très positive pour les vins de la Vallée du Rhône, et la recherche sur les cépages. « Nous travaillons beaucoup au niveau végétal pour la résistance aux maladies et aux aléas, mais aussi sur la diversification des couleurs. J’ai conscience que pour les appellations mono-couleurs, il y aura peu de changement, mais pour les autres, il va falloir y réfléchir. La consommation de rouge étant en baisse dans l’Hexagone, nous devons avoir pour objectif une répartition 60 % rouge, 25 % rosé et 15 % blanc plutôt que les 76-15-9 actuels », conclut Philippe Pellaton. Un avenir finalement plein de promesses et d’ambition pour les vignobles de la Vallée du Rhône.
Manon Lallemand