Sécheresse
Les orages de la mi-août  ont inversé la tendance en estive

L’association départementale d’économie montagnarde (Adem 26) et le Département de la Drôme ont réalisé leurs tournées de mi-estive au côté des groupements pastoraux sur les quatre estives pilote choisies en 2021. Confirmation d’un été inédit pour le pastoralisme.

Les orages de la mi-août  ont inversé la tendance en estive
« Les vaches trient encore l’herbe, elles peuvent choisir ce qu’elles mangent », mentionne Laurent Flenet, écogarde et référent pastoralisme au Département. © Adem26

Une ressource en herbe précoce, en faible quantité et sèche dès l’arrivée des troupeaux : voici le constat réalisé par les techniciens de l’Adem sur quatre alpages de référence drômois en juin dernier. Dans un contexte de dérèglement climatique de plus en plus perceptible, l’Adem et le Département ont décidé, dès 2021, de suivre quatre estives de manière plus approfondie, du Vercors aux Baronnies. Des premières visites avaient été réalisées de fin juin à début juillet pour évoquer avec éleveurs et bergers la précocité de la saison (lire L’Agriculture Drômoise du 21 juillet). 
Les secondes visites d’alpages, du 22 au 25 août, ont permis de faire un bilan sur la gestion des deux mois précédents. Éleveurs et bergers ont aussi été questionnés sur la façon dont était envisagée la fin de la saison. Globalement, le constat est identique sur tous les alpages : si le début d’estive a été précaire et incertain, les pluies observées mi-août semblent sauver la mise. 

Les estives à la loupe

Sur Chamouse, estive baronniarde, une faible pousse de l’herbe dès le printemps a donné le ton pour la saison. S’ajoute à cela une consommation d’une part importante de l’herbe par les sauterelles, avant l’arrivée des bêtes. Guillaume, berger depuis deux ans sur l’estive, joue sur des quartiers préservés notamment sur une forêt domaniale et sur le secteur incendié en 2020 au nord du Col de Perty. Les brebis sont actuellement gardées sur la pelouse de Chamouse. « Dès que la lutte sera terminée, nous retournerons garder sur les secteurs de sous-bois et dans les brûlés, où il reste de la ressource », ajoute Guillaume. Tout l’enjeu est de faire pâturer les zones les plus embroussaillées, pour les maintenir ouvertes et limiter la pression sur la pelouse principale. Christophe Aumage, président du groupement pastoral, trouve les brebis en bon état cette année. « Les années de sécheresse, les brebis sont toujours plus belles qu’une année humide », confirme-t-il.

Sur Ambel, plus grand alpage de la Drôme, accueillant l’équivalent de 770 UGB, l’inquiétude de ce début de saison ne venait pas de la quantité d’herbe mais du stock d’eau d’abreuvement. Didier Martin, éleveur ovin à Saint-Julien-en-Quint confirme que « des brebis qui ont soif consomment difficilement l’herbe sèche ». Les pluies d’août ont permis de remettre à niveau les impluviums, ce qui a tranquillisé les éleveurs. « Les vaches trient encore l’herbe, elles peuvent choisir ce qu’elles mangent », mentionne Laurent Flenet, écogarde et référent pastoralisme au Département. Jean-Pierre Bouchet, président du groupement pastoral et à mi-temps sur l’estive, trouve que les broutards sont beaux, les mères n’ont pas encore tari, ce qui est synonyme d’une ressource en eau satisfaisante. 
Sur le Serre de Montué, les 140 mm de pluie de la deuxième quinzaine d’août ont permis d’aborder la suite de la saison plus sereinement. Clément Girardet, berger depuis 4 ans sur l’estive ne semble pas inquiet pour la suite : « Jusqu’à fin août, les quartiers secs seront pâturés, les secteurs des pistes de ski repoussent et seront jolis en septembre ». Néanmoins, il souligne que la conduite du troupeau a été particulière en cet été 2022 : les deux bergers ont fait pâturer les brebis uniquement sur les crêtes afin de conserver le maximum d’herbe pour les bovins. Par ailleurs, le comportement du troupeau était bien différent des années précédentes. Des graminées refusées par les bêtes en temps normal ont été consommées cet été. Là aussi, les pluies ont permis de rehausser le niveau d’eau des impluviums. « Même si le niveau reste bas, en septembre, avec la rosée et les températures qui baissent, les animaux boivent beaucoup moins », rappelle Clément. 

Sur Ambel, plus grand alpage de la Drôme, accueillant l’équivalent de 770 UGB, l’inquiétude de ce début de saison ne venait pas de la quantité d’herbe mais du stock d’eau d’abreuvement.
© Adem26

«  C’était pire en 2003 »

La sécheresse de cet été n’a pas alarmé Serge Roman, éleveur ovin du Vaucluse et estivant sur le Jardin du Roi. « C’était pire en 2003, on voyait la terre ! », estime-t-il. Ses 40 ans d’expérience sur l’alpage lui permettent d’aborder assez sereinement les aléas. À l’arrivée du troupeau en juillet, l’état de la ressource en herbe avait plus qu’inquiété les différents partenaires (gardes de la Réserve, Département, Adem). La présence de pré-bois, la diversité des surfaces et un effectif légèrement réduit ces deux dernières années ont facilité la saison 2022. C’était sans compter sur les précipitations récentes, qui ont permis à certains secteurs de reverdir rapidement. « On n’a jamais vu un alpage aussi résilient, dès qu’il a plu, l’herbe a pu repartir », confie Morgane Walters, la bergère, en binôme avec son compagnon Didier. Nul ne semble inquiet sur cet alpage, la ressource sera suffisante pour finir la saison. 
« Bien que certains groupements pastoraux nous aient fait part d’une probabilité de descente des troupeaux anticipée en 2022, les généreuses pluies d’août ont complètement détendu la situation, conclut Fabien Candy, technicien de l’Adem. Nous avons eu le sentiment que la situation était moins critique en Drôme que dans certains départements des Alpes du Nord plus dépendants des sources qu’ici ». En effet, grâce à la généralisation des impluviums en estive, un volume d’environ 20 000 m3 est stocké en montagne, de quoi mobiliser plus facilement des végétations desséchées. L’été historiquement sec succédant à une saison 2021 humide renforce l’intérêt de bien accompagner les groupements pastoraux face aux aléas climatiques.

Marion Chauvin, stagiaire Adem 26